24/08/2012

Pussy Riot vs. Julian Assange

La Nef des fous - Vladimir VERESCHAGIN.jpg

« On n’a pas le droit

de scandaliser les croyants »

Marat

 

Pussy Riot vs. Julian Assange, à chacun son bon et son méchant.

 

par The Saker

17 août 2012 – Information Clearing House

Deux cas très médiatisés de liberté d’expression font l’actualité ces jours-ci : le verdict dans le procès des Pussy Riot à Moscou et l’octroi, par l’Equateur, de l’asile politique à Julian Assange. Je pourrais dire que les deux cas sont, de bien des façons, sinon similaires, du moins comparables. Après tout, nous avons, dans les deux cas des gens qui ont décroché de l’université, qui ont bafoué les lois d’un pouvoir de première grandeur, et dans les deux cas, les protagonistes sont devenus une espèce de symbole de la résistance au pouvoir de l’Etat et au droit à la libre expression. Mais il y a aussi, entre les deux, des différences considérables, je dirais même cruciales, qui justifieraient tout autant qu’on les considère non comme similaires mais comme aux antipodes l’un de l’autre.

 C’est la raison pour laquelle, afin de clarifier la question dans mon esprit, j’ai décidé de dresser un petit tableau, dans lequel je compare les cas Pussy Riot et Julian Assange. Ce n’est évidemment pas une comparaison exhaustive. Il faut plutôt y voir une sorte de rapide évaluation, comme j’aurais pu la griffonner sur une nappe de restaurant.

 

 

Pussy Riot

Assange

 

 

Origine

Russe

Australienne

Protagonistes

Collectif d’anonymes

Personne individuelle

Délit

Appel à la haine prouvé

http://www.youtube.com/watch?y=ALS92big4TY

 

Prétendue relation sexuelle sans protection.

Prétendu espionnage

 

Motif idéologique

Arracher Poutine du pouvoir.

Féminisme de 3e génération.

Homosexualité.

Société ouverte.

Anti-guerre.

Information libre.

Presse libre.

 

Tactique de défense

Déni de responsabilité.

Revendication de responsabilité.

 

Légalité

Aligné sur la loi des medias dominants :

http://mercouris.wordpress.com/2012/08/07/pussy-riot-2/

 

Application de dispositions légales sans précédent.

Soutiens

Gouvernements occidentaux.

Elites occidentales.

Elites russes.

Gouvernement russe.

Opinion publique mondiale.

Elites occidentales.

 

Activités passées

Groupe d’organisation de « happenings » VOINA

 

http://kaifolog.ru/2010/08/27/poshto-pizdili-kuru-22-foto...

 

http://plucer.livejournal.com/281211.html?nojs=1

 

 

Pirate informatique et promoteur de logiciels libres.

Education

Décroché de l’université

 

Décroché de l’université

 

Entre nous soit dit, quand je considère ce tableau, je me demande encore comment un « groupe de jeu collectif » russe (c’est ce qu’ils prétendent être) comme Pussy Riot a pu devenir, en un instant, le méga-héros de tant de personnages publics. Vous pensez que j’exagère ? Jetez donc un œil à cette liste, que j’ai trouvée sur Wikipedia :

Kate Nash, Red Hot Chili Peppers, Sting, Peter Gabriel, Cornershop, Faith No More, Alex Kapranos of Franz Ferdinand, Neil Tennant des Pet Shop Boys, Patti Smith, The Beastie Boys, Refused, Zola Jesus, Die Antwoord, Jarvis Cocker, Pete Townshend, The Joy Formidable, Peaches, Madonna, Genesis, Tegan and Sara, Johnny Marr, Courtney Love, Iiro Rantala, Propagandhi, Anti-Flag, Rise Against, Corinne Bailey Rae, Peter Hammill, Kathleen Hanna, Björk, Paul McCartney, Yoko Ono, l’acteur britannique Stephen Fry, le maire de Reykjavik Jon Gnarr et Warren Kinsella. Une lettre de soutien de 120 membres du parlement allemand, le Bundestag, a été envoyée à l’ambassadeur de Russie en Allemagne, Vladimir Grinin. La lettre qualifie le procès fait à ces femmes de « disproportionné et draconien ». Le 9 août 2012, 400 supporteurs des Pussy Riot ont défilé à Berlin en portant des cagoules colorées, dans un show de soutien au groupe.

A ceci, il faut ajouter la couverture intensive, disons même franchement délirante, du procès des Pussy Riot par les medias dominants occidentaux. Bizarre, non ? Cela pourrait-il être dû à la qualité de l’« interprétation musicale » en elle-même (appelée « prière punk ») ? Eh bien, jugez-en par vous-mêmes :

 


Pour apprécier pleinement leur talent d’artistes, voici la traduction des paroles :


Vierge Marie, Chasse Poutine,

Chasse ! Chasse Poutine !

Soutane noire, épaulettes dorées

Tous les paroissiens rampent et se prosternent

Le fantôme de la liberté est au ciel

La gay-pride est envoyée en Sibérie, dans les chaînes.

Le chef du KGB est leur saint patron

Il conduit les protestataires en prison sous escorte.

Pour ne pas offenser les grenouilles de bénitier

Les femmes doivent enfanter et aimer

Sainte merde, merde, merde du Seigneur !

Sainte merde, merde, merde du Seigneur 

Sainte Vierge Marie, deviens féministe,

Deviens féministe, Deviens féministe

L’Eglise encense les dictateurs pourris

Les porteurs de croix font la procession en limousines noires

A l’école, tu te farciras un  prof prêcheur

Vas-y – apporte lui de l’argent !

Le Patriarche Gundyaev croit en Poutine.

Salope, tu ferais mieux de croire en Dieu.

La ceinture de la Vierge ne remplace pas les manifs

De protestation contre notre Marie-toujours-Vierge !

Vierge Marie, Chasse Poutine,

Chasse ! Chasse Poutine. »


Alors qu’on ne peut pas ne pas être d’accord avec certaines des idées contenues dans cette tirade (le Patriarcat de Moscou est en effet à la fois corrompu et totalement contrôlé par le Kremlin, et le Patriarche Gudyaev est un vaurien et un escroc de la pire espèce), il est évident pour moi que l’intention réelle de cette mascarade n’est pas de dénoncer des abus mais de réussir à provoquer un effet de choc maximal. En fait, le collectif Pussy Riot n’est rien d’autre que le dernier reconditionnement de l’infâme groupe de jeu « Voïna » (« guerre » en russe), qui s’est rendu tristement célèbre par l’organisation de happenings du genre orgies publiques dans des musées, séances de masturbation au poulet surgelé dans des supermarchés, provocations débiles de policiers médusés dans des commissariats, etc. etc. Vous croyez peut-être que je plaisante ? Eh bien, non. Et pour vous le prouver, j’inclus (avec répugnance et dans un format délibérément petit), une ou deux photos de ces «événements » dans le présent post. Et si vous trouvez que j’exagère, vous pouvez cliquer sur les liens qui suivent, montrant ces nauséeuses photos agrandies [Nous allons nous contenter de celles-là. NdCL ].

http://kaifolog.ru/2010/08/27/poshto-pizdili-kuru-22-foto...

http://plucer.livejournal.com/281211.html?nojs=1  *

Si le premier de ces événements prétendait être une forme de déclaration d’opinion sur celui qui était alors le président Medvedev, le second – intitulé « pourquoi le poulet fut foutu » et «histoire de comment le con nourrit la guerre » - ne comportait même pas le plus vague des messages.

Il est plutôt évident que ces dames, qu’on les emballe sous l’étiquette Pussy Riot ou Voïna, n’ont d’autre message et d’autre but que d’offenser, de dégoûter ou de choquer. Leur seul et unique trait de génie a été d’ajouter à leur répertoire habituel centré sur le sexe, un message anti-Poutine et anti-Religion Orthodoxe. Là, elles ont vraiment décroché le canard, puisque cela leur a valu, en l’espace d’une seule nuit, le statut d’héroïnes en Occident. Et ceci, à son tour, en dit bien plus long sur l’Occident que sur ces femmes sexuellement frustrées et pour tout dire détraquées.

En effet, tandis que les élites occidentales s’alignent derrière les Pussy Riot, un pays occidental présumé civilisé - le Royaume Uni pour ne pas le nommer - se comporte comme un régime nazi de bande dessinée en envoyant des lettres de menaces à un pays souverain, l’Equateur.

« Vous devez être conscient qu'il existe un fondement juridique au Royaume-Uni dans la Loi sur les locaux diplomatiques et consulaires qui nous permet de prendre des mesures pour arrêter M. Assange dans les locaux actuels de l'ambassade.

Nous espérons vivement ne pas en arriver là, mais si vous ne pouvez pas résoudre le problème de la présence de M. Assange dans vos locaux, c'est une voie qui nous est ouverte.

Nous devons rappeler que nous considérons que l'utilisation continue des locaux diplomatiques de cette manière est incompatible avec la CVRD (Convention de Vienne sur les relations diplomatiques) et insoutenable, et que nous avons déjà été clairs avec vous sur les conséquences graves pour nos relations diplomatiques. »

N’en déplaise au verbiage diplomatique dans lequel on s’efforce de l’emballer, ce n’est là qu’une vulgaire lettre de chantage digne de truands. De plus, et comme je l’ai déjà mentionné dans mes commentaires d’hier, il n’existe absolument aucun précédent, dans toute l’histoire récente, du genre de comportement adopté par le Royaume-Uni. En fait, TOUT, dans cette affaire, est un exercice sans fin de distorsion et de viol des lois, dans le seul but de persécuter Assange : de la ridicule allégation de sexe non protégé à la Notice Rouge d’Interpol et du refus catégorique des procureurs suédois d’interroger Assange en Angleterre au refus britannique de lui donner des garanties de non-extradition, pour finir par les menaces britanniques d’investir par la force l’ambassade d’Equateur dans leur pays, tout cela est, je le répète, absolument sans précédent.

Une fois encore, comparez cela au procès des Pussy Riot à Moscou, qui se classe tout à fait dans la norme, et même bien moins sévère que ce qui est considéré comme la norme dans la plupart des pays occidentaux (voyez cette excellente et très détaillée analyse juridique d’Alexander Mercouris pour davantage d’information).

Il est vrai que ce qui est au centre du débat, dans les deux cas, est la liberté d’expression.Peu importe que l’expression (le discours) soit politique ou défende un noble idéal, ou qu’il soit utilisé pour offenser, insulter ou choquer. Le discours est du discours malgré tout. Cependant, comment se fait-il que les élites occidentales ne soutiennent pas toutes les formes d’incitation à la haine comme elles soutiennent celle des Pussy Riot ? Est-ce que quelqu’un va sérieusement prétendre que si ces dames avaient organisé leur représentation dans, mettons, une synagogue française, les élites occidentales se seraient mobilisées en leur faveur ? Tout le monde sait bien que non. Alors, à quoi joue-t-on ici ?

En outre, le discours n’est pas la même chose que l’opinion. Si – du moins en théorie - les sociétés occidentales ne limitent pas l’expression d’opinions, elles limitent toutes la liberté de parole, ne fût-ce que pour des raisons de sécurité nationale, de répression d’incitation à la haine, de respect des lois en vigueur, etc.

Alors, finissons-en avec les conneries et dissipons toute confusion : le soutien des Occidentaux aux Pussy Riot n’est pas dû à leur opinion sur Poutine ou sur le Patriarcat de Moscou (de telles opinions peuvent être - et sont - couramment exprimées en Russie), et n’est pas dû non plus à un quelconque soutien de principe à la liberté de parole, que l’Ouest limite tout autant (et même bien plus que ne le fait la Russie à mon avis).

La triste vérité est que le soutien de l’Occident aux Pussy Riot n’est en réalité rien d’autre qu’une expression de plus de sa haine rabique de tout ce qui est russe ou russe orthodoxe. Et si cela implique la transformation d’une bande de femmes dérangées en étendard de la liberté, allons-y ! Et si cela implique aussi qu’on détourne le regard de l’obscène et outrageuse persécution d’un très réel héros comme Julian Assange [pour ne rien dire de Bradley Manning, NdCL ] par l’empire US et ses vassaux, allons-y aussi !

Paradoxalement, les Pussy Riot sont un parfait exemple de ce que l’Ouest représente, de même que Julian Assange est devenu le symbole de ce que la Russie – et toutes les autres nations de la terre qui refusent de se soumettre à l’empire US – représentent.

J’y vois une sorte de justice poétique, une forme de karma pour tout dire. L’Occident moderne, post-chrétien, païen et cupide, avec son arrogance et son hypocrisie sans bornes, a sombré dans l’idéologie guerrière de caniveau, soutenant ouvertement les tordus et les psychopathes et persécutant tout ce qui est noble et courageux. Je trouve aussi parfaitement beau qu’un petit pays comme l’Equateur ait osé ce dont les pays d’Europe si présomptueux et abusivement fiers d’eux-mêmes n’ont jamais été capables : faire preuve de vrai courage, de dignité et de respect de soi.


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En vérité : à chacun ses héros et ses méchants.

En guise d’épilogue provisoire :

Donc, les Pussy Riot se sont pris deux ans de prison. J’aurais préféré qu’on les condamne à cinq ans de travaux d’utilité publique (vous savez, à faire quelque chose de réellement productif pour leurs compatriotes), mais une telle sentence aurait aussitôt donné lieu à un nouveau cirque médiatique. Je suppose donc que le juge a pris la décision qu’il fallait.

Pour ce qui est d’Assange, son avenir dépendra du courage (ou du manque de) des autres pays d’Amérique Latine. L’Equateur ne peut pas, seul, triompher dans un bras de fer avec le Caniche de l’Oncle Sam, mais si cette affaire polarise suffisamment l’opinion publique en Amérique Latine, le sentiment d’outrage qui en résultera pourrait entraîner des conséquences économiques pour le Royaume Uni, qui pourraient bien à leur tour le forcer à trouver quelque solution civilisée et mutuellement acceptable à cette situation embarrassante. Il serait souhaitable aussi que la Russie et la Chine fassent entendre leur voix, mais je ne retiens pas trop mon souffle là-dessus, ces deux-là n’étant pas spécialement connus pour leur altruisme.

Encore une chose :

Je présente mes excuses à quiconque se sentirait offensé par les photos d’une vulgarité rare que j’ai mises en ligne. Premièrement, j’estime que nous sommes tous des adultes, mais plus encore, et tout comme je l’ai fait dans mes deux articles sur le « lobby homo » ( ici et ici ) j’ai le sentiment qu’il est important de montrer les choses comme elles sont dans la réalité et non par rapport à un concept abstrait. Discuter de diversité sexuelle ou de liberté d’expression est une chose, voir un homme à moitié nu ave des plumes dans le derrière ou une femme s’introduisant publiquement un poulet dans le vagin en est une autre. Une réalité obscène, dégoûtante et pathologique doit être montrée pour ce qu’elle est, pas pour ce que d’aucuns veulent qu’elle soit.

The Saker

P.S. Pour rire un bon coup, ne ratez pas la couverture du verdict de Moscou par la BBC.

PPS. Voici, pendant qu’on y est, la version ukrainienne du soutien aux Pussy Riot par le groupe féministe Femen. Vous y verrez la blonde Inna Shevchenko en boxer rouge et seins à l’air, abattre à la tronçonneuse une croix de bois catholique érigée au centre de Kiev.


 

 

[ La police ukrainienne recherche activement la gente Shevchenko pour lui réclamer des comptes. Le tarif, en Ukraine, pour ce genre de plaisanterie, est de cinq ans. Ce qui est bénin, si vous voulez l’avis du chevalier de la Barre. NdCL ]

Source : http://www.vineyardsaker.blogspot.be/2012/08/pussy-riot-v...

Via : http://www.informationclearinghouse.info/article32225.htm

 Traduction Catherine L.

 pour http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs....

__________________  

* Comme les Grosses Orchades s’adressent à un public d’adultes - et d’enfants qui passent tous les jours devant des kiosques à journaux, nous y ajoutons les liens-videos de ces manifestations artistiques :

http://www.youtube.com/watch?playnext=1&index=0&feature=&v=796-g_NQobA&list (imaginons les sarkocops à la place du keuf russe)

http://www.viddler.com/v/a2e3854 (vous entendez Tzara et Mouna se retourner dans leurs tombes ?)

http://www.viddler.com/v/f7f0f529  ( ??? )

et, ah, le poulet !

http://nataly-lenskaya.livejournal.com/348825.html


 

*

 

Ne reculant devant aucun sacrifice, nous ajoutons, aux informations de l’auteur sur les personnalités qui se sont mobilisées en soutien aux Pussy Riot, quelques précisions hexagonales et belgeoises.

Commençons par les nôtres, il y en a moins :

« A Bruxelles, une cinquantaine de personnes se sont réunies devant l’ambassade de Russie pour protester contre le verdict du tribunal de Moscou, à l’appel d’Amnesty International. On y remarquait, entre autres, la présence de l’échevin Henri Simons.»

Ali Aarass, tu aurais dû te faire punk et violer ta femme en public avec un balai de chiotte, Amnesty International se serait intéressé à toi !

Autres soutiens francophones:

Pussy Riot reçoit le soutien de Bernard Henri Lévy. Parmi les personnalités politiques françaises, deux ont réagi sur Twitter : Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement français, a déclaré que « l’impertinence ne devrait jamais amener en prison» et Jean-Luc Mélenchon a écrit : «Condamnation aberrante des Pussy Riots… Néocapitalisme & Église orthodoxe : deux faces d'un même obscurantisme funeste à la démocratie» . Par ailleurs, le 17 août 2012, un article de Libération titrait « Les artistes français aphones », regrettant que, « mis à part une pâle pétition, le milieu culturel ne réagit pas à l’affaire ».

Tout ça sur Wikipedia qui n’est pas aussi bien informé qu’on le pense.

Complétons sa fiche :

Du site Zebra Station Polaire :

Kulturkampf - Socialisme et barbarie : Voici ce que soutient Aurélie Filippetti !

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"Je suis consternée, je considère que cette sentence est absolument disproportionnée. C'est un verdict d'un autre âge pour une Russie que l'on croyait sur le chemin d'une évolution démocratique. C'est véritablement la liberté d'expression de ces jeunes femmes et la liberté artistique - qui passe par le droit de chacun d'exercer une dose de provocation et qui est intrinsèquement lié à la création, à la musique et surtout à la jeunesse - qui a été bafouée et piétinée aujourd'hui",

"Je regrette profondément cette décision et cette peine manifestement démesurée, à l'encontre de trois jeunes femmes qui ont l'insolence de leurs vingt ans et le goût de la provocation qui caractérise la musique punk"

 Source : http://zebrastationpolaire.over-blog.com/

 Du même :

Russie - Pussy Riot : la manifestation de soutien tourne court à Marseille – MAJ

Euh, c’est-à-dire qu’ils y furent une trentaine et se firent embarquer par les pandores.

Christian Poitevin.jpg

Christian Poitevin, poète et ancien adjoint à la culture de Robert Vigouroux, n'en revenant pas d'être embarqué au commissariat.

Motif : porter des cagoules sur la voie publique, c’est interdit.

Et pour brailler des vieux tubes d’Eddy Mitchell sur des paroles d’Hillary Clinton à Notre Dame ou dans une synagogue, ce serait combien ?

http://www.laprovence.com/article/a-la-une/a-marseille-le...

Mais à Paris il y avait bien davantage de moyens et… tous les militants du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste). Nous sommes sauvés !


Pour rappel.

Aux belles âmes pas du tout vénales d’Amnesty International :

Il y a dans les prisons US un jeune homme qui y est entré à 21 ans. Il va en avoir 24 et n’a toujours pas été jugé. Ses crimes ? Avoir transmis à Julian Assange, selon le mouchard qui l’a dénoncé, des cables diplomatiques US dont la publication embarrasse son pays en montrant trop crûment son vrai visage, mais surtout avoir rendu publique une vidéo qui montre des soldats US s’amusant à mitrailler des civils en Irak, dont des enfants et deux journalistes de l’agence Reuters. La vidéo a fait le tour du monde. Elle ne met pas du tout en péril la sécurité des Etats-Unis comme ceux-ci le prétendent, mais seulement leur image.

Ce qu’endure 24 heures sur 24 ce garçon depuis 821 jours ferait pâlir Torquemada, mais n’empêche nullement Amnesty International et les partisans du droit à l’insolence de dormir sur leurs deux oreilles et de digérer leur foie gras.

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Bradley Manning au moment de son arrestation

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Après quelques gâteries Obamaesques

 

Bradley Manning est un idéaliste qu’une indignation trop violente a poussé à prendre des risques. Tant pis pour lui, il n’avait qu’à se faire punk et surfer comme tout le monde sur les vagues du conformisme.

L’objet du délit :

«Meurtres collatéraux par hélicoptère US en Irak»


 

Pendant que les bobos décadents exhibent leurs miches sur les trottoirs et adoptent la cagoule colorée – du dernier chic ma chère ! -, aux USA, moins d’une semaine après que les Occupy Oakland aient fait voler ses vitres en éclats, des habitants de la ville occupent le bureau de campagne d’Obama au nom de Bradley Manning.

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On voit ici Emma Cape, debout sur le propre bureau du candidat,  réclamer la libération du jeune militaire :

« Les soldats qui s’opposent à ces guerres illégales ont vu  arrêter Bradley Manning et ils le voient maltraiter depuis plus de deux ans. Beaucoup de gens avaient cru qu’Obama président abolirait la torture. Nous sommes là pour lui réclamer des comptes, pour  envoyer des fax à tous ses bureaux de campagne et pour exiger des réponses. »

 

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Bradley Manning-Julian Assange, même combat

 

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Pour ce qui est du soutien latino-américain à l’Equateur, The Saker aurait tort de se faire du souci :

20 août 2012

Affaire Wikileaks / Assange

COMAGUER

Julien Assange, citoyen australien créateur de Wikileaks, est poursuivi par la justice suédoise. Il a en effet été accusé par deux citoyennes suédoises d’avoir eu avec elles des rapports sexuels non protégés et la justice suédoise veut l’interroger à ce sujet avant d’éventuellement l’inculper. Mais il redoute de se rendre en Suède pour subir ces interrogatoires car il craint que la Suède ne le livre aux Etats-Unis (il y a des précédents) où il serait là poursuivi pour trahison en raison de la divulgation de nombreuses dépêches diplomatiques qu’il a piraté sur les sites officiels du Département d’Etat. Il risquerait alors la peine de mort.

Après un long séjour au Royaume Uni, il a senti le filet se resserrer autour de lui et a trouvé refuge à l’ambassade d’Equateur à Londres le 19 Juin 2012.

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 *

 

Les nations sud-américaines soutiennent le droit souverain de l’Équateur à accorder l'asile à Julian Assange et dénoncent les menaces proférées par le Royaume-Uni

Déclaration de l'UNASUR en soutien à la République d’Équateur


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Ce dimanche, les ministres des Affaires étrangères de l'Union des nations sud-américaines (Unasur), ont décidé de soutenir le gouvernement souverain de Rafael Correa, dans la décision prise par le pays d'offrir l'asile diplomatique à Julian Assange et ont exprimé leur opposition aux menaces du gouvernement de Royaume-Uni contre l'ambassade d’Équateur à Londres.

Le secrétaire général de l'UNASUR Ali Rodriguez a lu la déclaration du bloc régional qui comprend 7 points :

1 – Une expression de sa solidarité et de son soutien au gouvernement de la République d’Équateur face aux menaces de violation de sa mission diplomatique ;

2 – Une réaffirmation du droit souverain des États à accorder l'asile ;

3 – Une condamnation énergique de la menace d'un recours à la force entre États tout comme la réaffirmation de la validité des principes consacrés dans le droit international, le respect de la souveraineté et l'application à la lettre des traités internationaux ;

4 – La réaffirmation du principe fondamental de l'inviolabilité des locaux des missions diplomatiques et bureaux consulaires et des obligations des États hôtes, conformément à ce qui a été instauré par la Convention de Vienne de 1961 sur les Relations diplomatiques et par la Convention de Vienne de 1963 sur les Relations consulaires ;

5 – La réaffirmation du principe du droit international en vertu duquel il n'est pas possible d'invoquer le droit national afin de ne pas conformer à une obligation de nature internationale, comme cela est inscrit dans l'article 27 de la Convention de Vienne sur le Droit des traités de 1969 ;

6 – La réaffirmation de la validité des concepts de l'asile et du réfugié pour protéger les droits humains des personnes qui considèrent que leur vie ou leur intégrité physique se trouve menacée ;

7 – Un appel aux parties en présence à poursuivre le dialogue et la négociation directe à la recherche d'une solution mutuellement acceptable au regard du droit international ;

Déclaration signée à Guyaquil, en Equateur par les douze pays membres de l'UNASUR : l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, Guyana, l'Equateur, l'Uruguay, le Paraguay, le Pérou, le Surinam et le Venezuela.

 

*

Déclaration de soutien de l’ALBA

au droit souverain de l’Équateur d'accorder l'asile diplomatique au citoyen Julian Assange

 

Alba - Equateur Amerique Sud 03.jpg

Déclaration du IX ème Conseil politique extraordinaire de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), sur l'inviolabilité de la mission diplomatique de l’Équateur à Londres, et de soutien à son droit souverain d'accorder l'asile diplomatique au citoyen Julian Assange.

Les menaces proférées par le gouvernement du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, qui laisse ouverte la possibilité d'une entrée illégale dans l'Ambassade d’Équateur à Londres pour arrêter Julian Assange, constituent des actes d'intimidation qui portent atteinte à l’intégrité territoriale de la République d’ Equateur

Le gouvernement de l'Equateur a exercé son droit souverain en accordant l'asile diplomatique au citoyen Julian Assange, qui l'a demandé, se sentant menacé dans ses droits humains et civiques.

Le concept d'asile diplomatique est prévu par de nombreuses conventions, traités et autres instruments internationaux, appliqués en conformité avec les principes du Droit international.

L’Équateur a agi dans le plus strict respect des normes du Droit international, et tout acte hostile du Gouvernement du Royaume-Uni signifierait une remise en cause inacceptable de sa souveraineté, par lequel le monde civilisé connaîtrait un recul vers un état de barbarie et d’irrationalité.

Les arguments livrés par le gouvernement du Royaume-Uni, invoquant des normes du Droit interne auxquels les traités internationaux ne peuvent se subordonner, sont en contradiction avec ses obligations internationales, et aux décisions précédentes de ce même gouvernement, ce qui révèle dans ses agissements une politique du deux poids deux mesures.

Conscients de la nécessité d'épuiser tous les recours diplomatiques pour sortir de la situation actuelle, à la lumière de la protection et de l'asile accordé par le gouvernement d’Équateur au citoyen Julian Assange, en faisant en sorte que prévalent la souveraineté, la libre détermination des nations et le respect du droit international:

Déclaration :

1 – Nous rejetons les menaces d'intimidation proférées par les porte-paroles du gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne comme violant les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale des nations, et des principes du Droit international ;

2 – Nous réaffirmons notre soutien catégorique au droit souverain du gouvernement d’Équateur d'accorder l'asile diplomatique au citoyen Julian Assange ;

3 – Nous exprimons notre rejet de la position du Royaume-Uni qui cherche à résoudre ses conflits avec les nations du monde entier, en particulier celles d'Amérique latine et des Caraibes, par des méthodes contraires au droit international ;

4 – Nous soutenons l'appel lancé par l'Union sud-américain des nations (UNASUR) à débattre sur la position hostile exprimée par le gouvernement du Royaume-Uni envers le gouvernement de la République d’Équateur, et à fixer une position claire de soutien à l’Équateur ;

5 – Nous estimons qu'il est important de faire avancer l'idée d'un grand débat à l'ONU sur l’inviolabilité des bâtiments diplomatiques et le respect plein et entier de la part de tous les États des principes du droit international ;

6 – Nous mettons en garde le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne sur les graves répercussions que déclencherait, dans le monde entier, une violation directe de l'intégrité territoriale de la République d’Équateur à Londres ;

7 – Nous lançons un appel à tous les gouvernements du monde, aux mouvements sociaux, aux intellectuels, afin qu'ils s'opposent à cette nouvelle tentative du gouvernement britannique d'imposer par la force sa volonté à des nations souveraines ;

8 – Nous nous engageons à faire le maximum pour accorder à cette déclaration la diffusion et la publicité la plus large possible .

Déclaration signée par les 9 pays membres de l’ALBA :  `

Antigua-et-Barbuda, Cuba, la Bolivie, la Dominique, l’Equateur, le Honduras, le Nicaragua, le Venezuela, Saint-Vincent-et-les-Grenadines,.

L’ALBA compte 4 pays observateurs :

Haïti, L’Iran, la Russie, l’Uruguay.

 

*

 

Déclaration de Julian Assange, à l’Ambassade d’Equateur à Londres.

Julian ASSANGE

 

 

 

Je suis ici parce que je ne peux pas être avec vous. Merci d’être venus. Merci pour votre obstination et votre générosité d’âme.

Mercredi soir, après qu’une menace ait été envoyée à cette ambassade et que la police ait assailli le bâtiment, vous êtes venus en pleine nuit pour veiller sur lui, et vos yeux sont devenus les yeux du monde entier.

Lire la suite…

 

Source du texte :

http://www.legrandsoir.info/declaration-de-julian-assange...

 

Aux dernières nouvelles :

 Le juge Garzon va diriger l’équipe de défense de Julian Assange

 

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LONDRES — Le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon va diriger l’équipe de défense du site internet WikiLeaks et de son fondateur Julian Assange, a annoncé mardi le site.

Le juge a récemment rencontré Julian Assange pour définir une nouvelle stratégie de défense, selon un communiqué publié par Wikileaks.

Cette nouvelle stratégie vise à "défendre à la fois Wikileaks et Julian Assange contre les abus de procédure existants et exposer les actions arbitraires, extrajudiciaires du système financier international" contre le site et son fondateur, selon la même source.

Le magistrat espagnol va également s’employer à "montrer comment des procédures secrètes américaines contre Julian Assange et Wikileaks ont compromis et contaminé d’autres procédures légales, dont la procédure d’extradition contre M. Assange", ajoute le texte.

Réfugié depuis le 19 juin à l’ambassade d’Equateur à Londres afin d’échapper à son extradition en Suède pour une affaire de viol présumé, M. Assange, qui clame son innocence, a réclamé l’asile politique au pays latino-américain.

Le fondateur de WikiLeaks redoute d’être transféré dans un second temps aux Etats-Unis et d’y être condamné à la peine capitale pour espionnage après la divulgation par son site de 250.000 télégrammes diplomatiques américains.

Baltasar Garzon a été condamné en février à onze ans d’interdiction d’exercer après avoir ordonné des écoutes, en violation des droits de la défense, dans une enquête sur un réseau de corruption qui avait éclaboussé en 2009 la droite espagnole.

Cette décision a foudroyé la carrière du magistrat, célèbre pour avoir fait arrêter l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet en 1998 à Londres et avoir traqué les atteintes aux droits de l’Homme.

Source :

http://www.legrandsoir.info/+le-juge-garzon-va-diriger-l-equipe-de-defense-de-julian-assange+.html


Pour les hispanophones 

qui veulent en savoir plus sur la politique suivie par l’Equateur :

 

Rafael Correa Delgado 4.jpg

 

Blog de Rafael Correa Delgado  http://economiaenbicicleta.informatica.gob.ec/  

 

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Posté le 24 août 2012 par Catherine L.

sous La Nef des fous de Vladimir VERESCHAGIN

 

 

 

 

 

 

 

13/06/2012

Est-il bien utile de rouvrir juste avant la troisième guerre mondiale ?

 

 

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EST-IL BIEN UTILE DE ROUVRIR

JUSTE AVANT

LA TROISIÈME GUERRE MONDIALE ?


 

Oui, Théroigne a déménagé. On vous en parle après. Mais qu’est-ce qu’un changement de pénates, même forcé, quand les risques d’un conflit planétaire, atomique bien entendu, n’ont jamais été aussi grands ni aussi proches ?... quand l’effondrement planifié de l’Europe s’accélère sans recours ?

 

Apocalypse (substantif féminin) : dévoilement.

 

C’est pourquoi nous rouvrons sur la Syrie.

Vous avez aimé Katyn, Oradour, Sabra et Chatila, Fallujah, Abou Ghraib, voire Timisoara ? Vous adorerez Houla.

De quoi s’agit-il ? D’un massacre. Perpétré froidement, avec préméditation, par des tueurs d’Al Qaeda, oeuvrant pour le compte de l’oligarchie dite « occidentale », dans le but d’en faire accuser le président élu (M. Bachar el-Assad) d’un pays (la Syrie) que l’on veut conquérir ou à tout le moins détruire, si on n’y arrive pas. Et pourquoi n’y arriverait-on pas ? Parce que la Russie et la Chine s’y opposent. Et – mais, chut – parce qu’aucun jour ne se passe sans qu’au moins un jeune soldat U.S. ne se suicide. Les suicides aux armées, c’est comme un robinet qui fuit goutte à goutte, cela finit par faire monter la facture. Et c’est malsain pour le moral de (ce qui reste de) la nation. Bref, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour gagner des guerres.

On ne vous le rappelle ici que pour mémoire : les joyeux drilles  aux commandes du Titanic dont nous sommes les passagers ont jeté leur dévolu sur l’Asie Centrale (théorie de Zbigniew Brzeziński, v/son livre Le grand échiquier). Ils ont depuis lurette passé par profits et pertes le territoire des États-Unis, citron ultra-pressé qu’ils abandonnent aux hordes immigrées ou descendantes d’esclaves laissées à pourrir sur ce qui ne sera bientôt plus qu’une décharge, et, dans leur irrésistible ruée vers le Far-Est, « remodèlent » le Moyen-Orient, en avalant - démembrant et réduisant à néant - un pays après l’autre : Palestine, Afghanistan, Liban, Irak, Libye, Égypte et, maintenant, Syrie. On vous passe l’Afrique, maître-pion.

Conjointement, le même sort a été infligé à la Yougoslavie. En attendant mieux, car il faut bien entendu que l’Europe y passe. Pas question, n’est-ce pas, de laisser debout, dans son dos, un allié capable de vous faire défaut – ou même des misères – quand on sera aux prises avec le gros morceau qu’on a décidé de gober : Russie, Inde, Chine. Tout l’art dans ces sortes de choses est de se faire aider par quelques-unes de ses futures victimes : « Union européenne», Arabie saoudite, Qatar, Turquie, Israël-en-Palestine, etc. Cela, c’est l'état présent de l’échiquier de Monsieur B. tel que le voient ceux qui ne ferment pas les yeux exprès.

Qu’y a-t-il en face ? Vladimir Poutine, grand joueur d’échecs il est vrai, Madame Arundhati Roy et quelques Chinois aux noms imprononçables mais qu’importe, rappelez-vous juste «Tien’anmen» c’est tout ce qu’on vous demande.

Qu’y a-t-il ailleurs, en guise de frein ou, si on veut d’épine, dans le pied de Frankenstein ? Une Amérique Latine qui, à force d’héroïsme, lui échappe, dont il ne sait que l’affamer et assassiner ses hommes politiques d’envergure, faute d’oser l’affronter à la loyale. Course de vitesse et d'endurance dont on ne sait pas encore qui la gagnera.

Puisque la Syrie semble devoir jouer demain, à son corps défendant, le rôle de dépêche d’Ems, d’éventail d’Abd el-Kader, d’archiduc de Sarajevo pour déclencher la der des der, voyons où en sont les choses au moment où nous rebranchons.

Dans la cohorte des merdias qui lobotomisent les foules aux gages des pirates du Titanic, y a-t-il encore des journalistes capables d’autre chose que de propagande mercenaire ? Grâces en soient rendues aux dieux ou au diable, il en reste quelques-uns. Pas beaucoup. À tout seigneur tout honneur :

 

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LE CONFLIT SYRIEN RISQUE DE DÉGÉNÉRER EN GUERRE MONDIALE

 

Coups de semonce russes

 

par Thierry Meyssan

 

La crise syrienne a changé de nature. Le processus de déstabilisation qui devait ouvrir la voie à une intervention militaire légale de l’Alliance atlantique a échoué. Ôtant leur masque, les États-Unis ont publiquement évoqué la possibilité d’attaquer la Syrie sans l’aval du Conseil de sécurité, comme ils le firent au Kosovo. C’était feindre d’ignorer que la Russie de Vladimir Poutine n’est pas celle de Boris Eltsine. Après s’être assuré du soutien chinois, Moscou a tiré deux coups de semonce en direction de Washington. La continuation des violations du droit international par l’OTAN et le CCG risque désormais d’ouvrir un conflit mondial.

RÉSEAU VOLTAIRE | DAMAS (SYRIE) | 9 JUIN 2012

 

 

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Lors de la célébration de la victoire contre le nazisme, le 9 juin dernier, le président Vladimir Poutine a insisté sur la nécessité pour la Russie de se tenir prête à un nouveau sacrifice.

 

Le président Vladimir Poutine a placé son troisième mandat sous le signe de l’affirmation de la souveraineté de son pays face aux menaces directement lancées contre la Fédération de Russie par les États-Unis et l’OTAN. Moscou a maintes fois dénoncé l’élargissement de l’OTAN, l’installation de bases militaires à ses frontières et le déploiement du bouclier antimissile, la destruction de la Libye et la déstabilisation de la Syrie.

Les jours suivant son intronisation, M. Poutine a passé en revue l’industrie militaire russe, ses forces armées, et son dispositif d’alliance [1]. Il a poursuivi cette mobilisation en choisissant de faire de la Syrie la ligne rouge à ne pas franchir. Pour lui, l’invasion de la Libye par l’OTAN est comparable à celle de la Tchécoslovaquie par le IIIe Reich, et celle de la Syrie —si elle devait avoir lieu— serait comparable à celle de la Pologne qui déclencha la Deuxième Guerre mondiale.

Toute interprétation de ce qui se passe actuellement au Levant en termes intérieurs syriens de révolution/répression est non seulement faux, mais dérisoire au regard des vrais enjeux et relève de la simple communication politique. La crise syrienne est avant tout une étape du « remodelage du Moyen-Orient élargi », une nouvelle tentative de détruire « l’Axe de la Résistance », et la première guerre de «  la géopolitique du gaz » [2]. Ce qui se joue actuellement en Syrie, ce n’est pas de savoir si Bachar el-Assad parviendra à démocratiser les institutions qu’il a reçues en héritage ou si les monarchies wahhabites du Golfe parviendront à détruire le dernier régime laïque de la région et à imposer leur sectarisme, mais quelles frontières séparent les nouveaux blocs, OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord) et OCS (Organisation de coopération de Shanghai) [3].

Certains de nos lecteurs ont probablement sursauté à la lecture de la phrase précédente. En effet, depuis des mois, les médias occidentaux et du Golfe leur martèlent à longueur de journées que le président el-Assad incarne une dictature sectaire au profit de la minorité alaouite, tandis que son opposition armée incarne la démocratie pluraliste. Un simple regard sur les événements suffit à discréditer cette présentation mensongère. Bachar el-Assad a convoqué successivement des élections municipales, un référendum et des élections législatives. Tous les observateurs se sont accordés à dire que les scrutins se sont déroulés de manière sincère. La participation populaire a atteint plus de 60 % alors même que les Occidentaux les ont qualifiés de « farces » et que l’opposition armée qu’ils soutiennent a empêché les citoyens de se rendre aux urnes dans les quatre districts qu’ils contrôlent. Dans le même temps, l’opposition armée a multiplié les actions non seulement contre les forces de sécurité, mais contre les civils et tous les symboles de la culture et du multi-confessionnalisme. Ils ont assassiné les sunnites progressistes, puis tué au hasard alaouites et chrétiens pour contraindre leurs familles à fuir. Ils ont brulé plus de mille cinq cents écoles et églises. Ils ont proclamé un éphémère Emirat islamique indépendant à Baba Amr où ils ont institué un Tribunal révolutionnaire qui a condamné à mort plus de 150 mécréants, égorgés un à un en public par leur bourreau. Et ce n’est pas le pitoyable spectacle de quelques politiciens dévoyés, réunis au sein d’un Conseil national syrien en exil, affichant un projet démocratique de façade sans rapport avec la réalité de terrain des crimes de l’Armée « syrienne » libre, qui masquera plus longtemps la vérité. Au demeurant, qui peut croire que le régime laïque syrien, dont l’exemplarité était célébrée il y a peu, serait devenu une dictature confessionnelle, tandis que l’Armée « syrienne » libre, soutenue par les dictatures wahhabites du Golfe et obéissant aux injonctions de prédicateurs takfiristes serait un parangon du pluralisme démocratique ?

L’évocation par des dirigeants US d’une possible intervention internationale hors mandat de l’ONU, à la manière dont l’OTAN avait démembré la Yougoslavie, a suscité inquiétude et colère à Moscou. La Fédération de Russie, qui jusqu’ici se tenait en position défensive, a décidé de prendre l’initiative. Ce changement stratégique est dû à l’urgence de la situation du point de vue russe, et à l’évolution favorable sur le terrain en Syrie [4].

Moscou a proposé de créer un Groupe de contact sur la Syrie qui réunirait l’ensemble des États concernés, c’est-à-dire à la fois les Etats voisins, les puissances régionales et internationales. Il s’agit de substituer un forum de dialogue à l’actuel dispositif belliqueux mis en place par les Occidentaux sous le vocable orwellien de « Conférence des Amis de la Syrie ».

La Russie continue à soutenir le Plan Annan —qui est en fait la reprise à peine modifiée du plan présenté par Sergey Lavrov à la Ligue arabe—. Elle déplore que ce plan ne soit pas appliqué, mais rejette la culpabilité sur la faction de l’opposition qui a pris les armes. Selon A.K. Lukashevich, un des porte-parole du ministère des Affaires étrangères, l’Armée « syrienne » libre est une organisation illégale au regard du droit international. Bien qu’elle assassine chaque jour 20 à 30 soldats syriens, elle est publiquement soutenue par les États de l’OTAN et du CCG en violation du Plan Annan [5].

Se posant en faiseur de paix face à une OTAN faiseur de guerre, Vladimir Poutine a demandé à l’OTSC de se préparer à déployer des « chapkas bleues » en Syrie, à la fois pour séparer les belligérants syriens et pour combattre les forces étrangères. Nicolai Bordyuzha, secrétaire général de l’OTSC, a confirmé qu’il dispose de 20 000 hommes formés pour ce type de mission et immédiatement disponibles [6]

Ce serait la première fois que l’OTSC déploierait une force de paix hors de l’ancien espace soviétique. Piqué au vif, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a tenté de saboter cette initiative en proposant soudainement d’organiser lui aussi un Groupe de contact.

Réunissant à Washington le groupe de travail sur les sanctions de la Conférence des Amis de la Syrie, la secrétaire d’Etat US Hillary Clinton a fait fi de la proposition russe et a surenchéri en faveur d’un changement de régime [7].

En Turquie, des parlementaires d’opposition ont visité les camps de réfugiés syriens. Ils ont constaté l’absence de plus d’un millier de réfugiés enregistrés par les Nations Unies dans le principal camp et, au contraire, la présence d’un arsenal dans le camp. Ils ont alors interrogé à l’Assemblée le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan exigeant qu’il révèle le montant de l’aide humanitaire accordée aux réfugiés fantômes. Les députés considèrent que le camp de réfugiés est une couverture pour une opération militaire secrète. Il abrite en réalité des combattants, principalement libyens, qui l’utilisent comme base arrière. Les députés ont émis l’hypothèse que ces combattants sont ceux qui se sont introduits dans le district de Houla lorsque le massacre a été perpétré.

Ces informations confirment les accusations de l’ambassadeur russe au Conseil de sécurité, Vitaly Churkin, selon lesquelles, le représentant spécial de Ban Ki-moon en Libye, Ian Martin, a utilisé des moyens de l’ONU destinés aux réfugiés pour acheminer en Turquie des combattants d’Al Qaeda [8].

En Arabie saoudite, la fracture entre le roi Abdallah et le clan des Sudeiris s’est à nouveau manifestée. À l’invitation d’Abdallah Ier, le Conseil des oulémas a publié une fatwa stipulant que la Syrie n’est pas une terre de jihad. Mais, dans le même temps, le prince Fayçal, ministre des Affaires étrangères appelait à armer l’opposition contre « l’usurpateur alaouite ».

La journée du jeudi 7 juin a été riche en événements. Alors que Ban Ki-moon et Navi Pillay, respectivement secrétaire général et Haut-commissaire aux Droits de l’homme, dressaient leur réquisitoire contre la Syrie devant l’Assemblée générale de l’ONU, Moscou a procédé à deux tirs de missiles balistiques intercontinentaux.

 

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Le missile Boulava tire son nom d’une antique masse d’arme slave faisant office de bâton de maréchal des armées cosaques.

 

Le colonel Vadim Koval, porte-parole du RSVN, a admis le test d’un Topol —lancé depuis un silo près de la Caspienne—, mais n’a pas confirmé celui d’un Boulava depuis un sous-marin en Méditerranée. Cependant, le tir a été observé dans tout le Proche-Orient, d’Israël à l’Arménie, et il n’existe aucune autre arme connue qui puisse laisser de telles traces dans le ciel [9].

Le message est clair : Moscou est prêt à la guerre mondiale, si l’OTAN et le CCG ne se plient pas aux obligations internationales telles que définies par le Plan Annan, et persistent à alimenter le terrorisme.

Selon nos informations, ce coup de semonce avait été coordonné avec les autorités syriennes. De même que Moscou avait encouragé Damas à liquider l’Émirat islamique de Baba Amr sitôt l’autorité du président el-Assad confirmée par le référendum constitutionnel, de même il a encouragé le président à liquider les groupes de mercenaires présents dans le pays sitôt le nouveau Parlement et le nouveau Premier ministre installés. L’ordre a été donné de passer d’une stratégie défensive à une action offensive pour protéger la population du terrorisme. L’armée nationale est donc passée à l’attaque des bastions de l’Armée « syrienne » libre. Les combats des prochains jours s’annoncent difficiles, d’autant que les mercenaires disposent de mortiers, de missiles anti-chars et désormais de missiles sol-air.

Pour faire baisser la tension, la France a immédiatement accepté la proposition russe de participation à un Groupe de contact ad hoc. Washington a dépêché en urgence Frederic C. Hof à Moscou. Contredisant les propos tenus la veille par la secrétaire d’État, Hillary Clinton, M. Hof a à son tour accepté l’invitation russe.

Il n’est plus temps de se lamenter sur l’extension des combats au Liban, ni de pérorer sur une possible régionalisation du conflit. Depuis 16 mois qu’ils déstabilisent la Syrie, l’OTAN et le CCG ont créé une situation sans issue qui peut désormais dégénérer en guerre mondiale.

Thierry Meyssan

 

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[1] Agenda du président Poutine : 
7 mai : investiture du président Vladimir Poutine 
8 mai : nomination de Dmitry Medvedev comme Premier ministre 
9 mai : célébration de la victoire contre l’Allemagne nazie 
10 mai : visite du complexe militaro industriel russe 
11 mai : réception du président abkhaze 
12 mai : réception du président sud-ossète 
14-15 mai : rencontre informelle avec les chefs d’États de l’OTSC. 
18 mai : visite de l’institut de recherche de défense Cyclone 
25 mai : revue des sous-marins atomiques 
30 mai : réunion avec les principaux responsables de la Défense 
31 mai : réunion du Conseil de sécurité russe 
4-7 juin : visite en Chine, sommet de l’OCS 
7 juin : visite au Kazakhstan durant le tir de missile Topol

[2] « La Syrie, centre de la guerre du gaz au Proche-Orient », par Imad Fawzi Shueibi, Réseau Voltaire, 8 mai 2012.

[3] « Moscou et la formation du Nouveau Système Mondial », par Imad Fawzi Shueibi, Traduction Marie-Ange Patrizio, Réseau Voltaire, 13 mars 2012.

[4] « L’affaire de Houla illustre le retard du renseignement occidental en Syrie », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 2 juin 2012.

[5] « Comment of Official Representative of the Ministry of Foreign Affairs of Russia A.K. Lukashevich on the Question of Interfax related to the statement made by Representative of so-called Free Syrian Army S.Al-Kurdi », Ministère russe des Affaires étrangères, 5 juin 2012.

[6] « Syrie : Vladimir Poutine propose une Force de paix de l’OTSC », Réseau Voltaire, 3 juin 2012.

[7] « Friends of the Syrian People Sanctions Working Group », déclaration à la presse d’Hillary Clinton, Département d’État, 6 juin 2012.

[8] « La Libye, les bandits-révolutionnaires et l’ONU », par Alexander Mezyaev, Traduction Julia, Strategic Culture Foundation (Russia), Réseau Voltaire, 17 avril 2012.

[9] « 7 juin 2012 : la Russie manifeste sa supériorité balistique nucléaire intercontinentale », Réseau Voltaire, 8 juin 2012.

 

 Source : http://www.voltairenet.org/Coups-de-semonce-russes



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De l'autre côté de l'Atlantique, ils sont quelques-uns aussi. Tony Cartalucci, par exemple :


PRESSIONS SUR LA RUSSIE :

LES ÉTATS-UNIS SE FRAYENT UN CHEMIN VERS LA VICTOIRE EN SYRIE À COUPS DE MEURTRES EN MASSE.

 

Les USA à la Russie : « Laissez tomber » ou nagez dans notre mer de sang syrien.

 

Par Tony Cartalucci

 

Global Research, le 6 juin 2012

landdestroyer.blogspot.com

 

Alors qu'il s'avère indubitable que la violence qui se déchaîne de plus en plus en Syrie a été préméditée par les planificateurs occidentaux plusieurs années avant que ne se déroule le printemps arabe, et alors que la façade des prétendues « aspirations démocratiques » s'effondre dans le bain de sang perpétré par les extrémistes sectaires qu’ils ont eux-mêmes armés, les officiels US et les gourous des think tanks politiques occidentaux, se confiant à Bloomberg1 ont déclaré que le dernier message adressé à la Russie en vue d’obtenir un changement de régime en Syrie est essentiellement celui-ci : L’escalade de la violence va délibérément continuer, jusqu’à ce qu’un changement de régime ait lieu.  La Russie peut capituler maintenant et participer au changement, ou capituler plus tard et s’en voir exclure comme cela a été le cas en Libye. Bloomberg cite « des officiels US » qui prétendent avoir des contacts avec les Russes pour chercher ensemble une « transition ordonnée ».

 

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Le mémo n°21 sur le Moyen Orient de la Brookings Institution « Assessing Options for Regime Change » ne fait pas mystère de ce que la « responsabilité de protéger » (R2P) humanitaire n’est qu’un prétexte pour imposer un changement de régime projeté depuis longtemps.

 

À quel point les Etats-Unis sont ou croient être près de réussir à renverser le gouvernement syrien est sujet à des estimations diverses. Ce qui n’est pas affaire d’opinion, en revanche, est le fait que les Etats-Unis se sont ouvertement engagés dans une conspiration visant à « saigner à blanc » la Syrie, soit pour au moins limiter de manière définitive son influence géopolitique au Moyen-Orient, soit pour entraîner la chute de son gouvernement. Ceci a été exprimé très clairement dans le susdit Mémo n°21 sur le M.-O. de Brookings Institution2 « Assessing Options for Regime Change ».

« Il reste une alternative : que les efforts de la diplomatie se concentrent d’abord sur la possibilité d’un accès humanitaire, comme cela tente de se faire sous la direction d’Annan. Un tel choix pourrait conduire à l’établissement de havres de paix et de corridors humanitaires, qui seraient étayés par des actions militaires limitées. Ceci, bien etendu, ne remplirait pas les buts poursuivis par les Etats-Unis et pourrait même laisser Assad au pouvoir. De ce point de départ, cependant, il serait possible qu’une large coalition disposant d’un mandat international approprié, soit en mesure d’ajouter davantage d’action corercitive à ces efforts initiaux » (page 4, « Assessing Options for Regime Change », Brookings Institution.)

En pages 8 et 9, le mémo précise :

« Les «Etats-Unis pourraient encore armer l’opposition, tout en sachant qu’elle n’aura jamais assez de puissance pour déloger du pouvoir, à elle seule, Assad et son réseau. Washington pourrait néanmoins choisir de le faire en arguant de ce que fournir à un peuple opprimé une possibilité de résister à ses oppresseurs vaut mieux que ne rien faire du tout, quand bien même le soutien fourni aurait peu de chances de transformer la défaite en victoire »3. Pages 8 et 9, « Assessing Options for Regime Change ».

Pour ceux qui croient en la rhétorique « humanitaire » invoquée par l’Occident pour justifier son ingérence en Syrie, il est clairement hors de question de perpétuer délibérément la violence, et particulièrement la brutale violence sectaire actuellement à l’œuvre, juste pour « garder un ennemi régional en état de faiblesse ». C’est pourtant à partir de cette position d’une totale dépravation morale que l’Occident prétend négocier avec la Russie une « transition ordonnée » en Syrie.

L’Occident s’imagine qu’en continuant à verser le sang à flots et en manipulant l’opinion publique pour lui faire croire que c’est là « l’œuvre du gouvernement syrien », « soutenu par les Russes, les Chinois et les Iraniens », il réussira à culpabiliser ceux qui s’opposent à sa campagne de déstabilisation au point de les faire consentir à son crime contre la paix du monde. Mais la propagande occidentale commence à s'essouffler, face aux medias alternatifs. En outre, le public, fatigué de la guerre sans fin, nourrit de plus en plus de soupçons quant aux motifs de l’engagement occidental en Syrie. L’impact espéré de ce qui se révèle être une atrocité orchestrée par l'Occident en Syrien’a été visible que dans les gros titres de la presse occidentale, pas même dans le corps des paragraphes qui les suivaient. Autrement dit, la manœuvre a fait long feu. Personne n’a été dupe.


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Jamais plus ? Temporiser avec la tyrannie ne marche jamais. En 1939, Hitler a signé un pacte de non agression avec l’URSS, qu’il n’a jamais eu l’intention d’honorer. Jusqu’au jour où il a envahi l’URSS en 1941, il a nié son intention d’aller jusqu’à Moscou, prétendant qu’il ne déployait ses troupes aux frontières du pays que « pour les protéger des bombardements anglais ». Aujourd’hui, nous voyons l’OTAN refaire exactement le même chose avec ses boucliers anti-missiles censés protéger la Russie de l’Iran, tout en sapant et en envahissant un allié de la Russie après l’autre. L’apathie et la complicité tacite vis à vis des guerres d’agression peuvent sembler une solution « facile »… aussi longtemps qu’on ne pense pas au prix que les Allemands ont dû payer quand leur chance a fini par tourner.


Ce que les Russes vont décider de faire vis à vis de la Syrie déterminera la forme du champ de bataille sur lequel ils devront combattre lorsqu’ils seront inévitablement forcés d’affronter les machinations croissantes de Wall Street et de Londres.

Une idée fausse dont il faut se garder est que temporiser avec l’Ouest en abandonnant la Syrie comme on l’a fait avec la Libye calmera les ambitions hégémoniques de ceux qui ont inscrit ce programme d’invasions à leur agenda. Comme Hitler niant vouloir envahir l’URSS jusqu’au jour où il l’envahit bel et bien, Wall Street et Londres ont bel et bien l’intention d’aller jusqu’à Moscou et jusqu’à Pékin, quelles que soient les myriades d’excuses qui continueront à être prodiguées, d’ici au jour où les forces occidentales et leurs sous-fifres commenceront à envahir la Russie ET la Chine.

La Chine, elle aussi, est confrontée à l’encerclement et à l’endiguement, en ce moment même où le Pentagone déclare ouvertement diriger son attention et ses flottes vers le Pacifique. Tandis que le Secrétaire à la Défense Léon Panetta s’efforce de dissiper les craintes que suscitent ces mouvements et de dire que mais non, mais non, les USA ne sont pas en train de rassembler leurs forces pour attaquer la Chine, ses paroles verbales sans aucune crédibilité contredisent près de 20 ans de documents politiques US, qui préconisent justement l’isolement et la destruction de la Chine par cette méthode de renforcement de l’hégémonie américaine dans le Pacifique.

L’affrontement aura lieu tôt ou tard, et ceux qui se demandent encore pourquoi le monde est resté aussi apathique face aux nazis – menace si évidente pour la paix du monde quand on y repense – sont aujourd’hui assis aux premières loges pour voir Wall Street, Londres et tous leurs satellites violer progressivement la souveraineté et le destin d’une nation après l’autre, soutenus par l’apathie et l’ignorance apparemment infinies de leurs propres populations. Comme ce fut le cas pour l’Allemagne, ce seront en fin de compte ces populations qui paieront au prix fort leur complaisance et leur passivité face aux ambitions hégémoniques effrénées de leurs gouvernements.

Source : http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid...

 Traduction : C.L. pour http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs....

 

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1 Bloomberg LP est un groupe financier américain spécialisé dans les services aux professionnels des marchés financiers et dans l'information économique et financière aussi bien en tant qu'agence de presse que directement, via de nombreux médias (télévision, radio, presse, internet et livres) dont les plus connus sont probablement ses propres chaînes de télévision par câble/satellite. (Wikipedia)

 

2 La Brookings Institution est souvent présentée comme le principal think tank des démocrates. Il s’agit plutôt d’un organisme représentatif des élites modérées, favorables à une régulation économique limitée, par opposition au patronat libertarien de l’American Enterprise Institute. Désormais active en politique étrangère, elle préconise - comme les néo-conservateurs et dans les mêmes circonstances - l’usage de la force, mais pour motifs humanitaires et non par évangélisme démocratique, par devoir et non par enthousiasme conquérant. La moitié de ses chercheurs a travaillé dans le passé pour le Conseil de sécurité national ou la Maison-Blanche. ( Réseau Voltaire)

 

3 Budapest 1956 ?


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Dresde 1945

Pipi de sansonnet, comparé à ce qui nous attend si Vladimir Poutine est forcé d’envoyer un seul missile sur le Quartier Général de l’OTAN pour défendre son pays.



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Dernière minute :



URGENT

 

L’OTAN prépare une vaste opération d’intoxication

 

par Thierry Meyssan

 

Des États membres de l’OTAN et du CCG préparent un coup d’État et un génocide sectaire en Syrie. Si vous voulez vous opposer à ces crimes, agissez dès maintenant : faites circuler cet article sur le Net et alertez vos élus.

RÉSEAU VOLTAIRE | DAMAS (SYRIE) | 10 JUIN 2012
 

 

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Dans quelques jours, peut-être dès vendredi 15 juin à midi, les Syriens qui voudront regarder les chaînes nationales verront celles-ci remplacées sur leurs écrans par des télévisions créées par la CIA. Des images réalisées en studio montreront des massacres imputés au gouvernement, des manifestations populaires, des ministres et des généraux donnant leur démission, le président el-Assad prenant la fuite, les rebelles se rassemblant au cœur des grandes villes, et un nouveau gouvernement s’installant au palais présidentiel.

Cette opération, directement pilotée depuis Washington par Ben Rhodes, conseiller adjoint de sécurité nationale des États-Unis, vise à démoraliser les Syriens et à permettre un coup d’État. L’OTAN, qui se heurte au double veto de la Russie et de la Chine, parviendrait ainsi à conquérir la Syrie sans avoir à l’attaquer illégalement. Quel que soit le jugement que l’on porte sur les événements actuels en Syrie, un coup d’État mettrait fin à tout espoir de démocratisation.

Très officiellement, la Ligue arabe a demandé aux opérateurs satellitaires Arabsat et Nilesat de cesser la retransmission des médias syriens, publics et privés (Syria TV, Al-Ekbariya, Ad-Dounia, Cham TV etc.). Il existe un précédent, puisque la Ligue avait déjà œuvré à la censure de la télévision libyenne pour empêcher les dirigeants de la Jamahiriya de communiquer avec leur peuple. Il n’y a pas de réseau hertzien en Syrie où les télévisions sont exclusivement captées par satellite. Mais cette coupure ne laissera pas les écrans noirs.

En effet, cette décision publique n’est que la partie émergée de l’iceberg. Selon nos informations plusieurs réunions internationales ont été organisées cette semaine pour coordonner l’opération d’intoxication. Les deux premières, d’ordre technique, se sont tenues à Doha (Qatar), la troisième, politique, s’est tenue à Riyad (Arabie saoudite).

Une première réunion a rassemblé les officiers de guerre psychologique « embedded » dans quelques chaînes satellitaires, dont Al-Arabiya, Al-Jazeera, BBC, CNN, Fox, France 24, Future TV, MTV — On sait que depuis 1998 des officiers de l’United States Army’s Psychological Operations Unit (PSYOP) ont été incorporés dans la rédaction de CNN ; depuis, cette pratique a été étendue par l’OTAN à d’autres stations stratégiques—. Ils ont rédigé à l’avance de fausses informations, selon un « storytelling » élaboré par l’équipe de Ben Rhodes à la Maison-Blanche. Une procédure de validation réciproque a été mise au point, chaque média devant citer les mensonges des autres pour les rendre crédibles aux yeux des téléspectateurs. Les participants ont également décidé de ne pas uniquement réquisitionner les chaînes de la CIA pour la Syrie et le Liban (Barada, Future TV, MTV, Orient News, Syria Chaab, Syria Alghad), mais aussi une quarantaine de chaînes religieuses wahhabites qui appelleront au massacre confessionnel au cri de « Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au tombeau ! »

Le second meeting réunissait des ingénieurs et des réalisateurs pour planifier la fabrication d’images de fiction, mêlant une partie en studio à ciel ouvert et une partie d’images de synthèse. Des studios ont été aménagés durant les dernières semaines en Arabie saoudite pour reconstituer les deux palais présidentiels syriens et les principales places de Damas, Alep et Homs. Il existait déjà des studios de ce type à Doha, mais ils étaient insuffisants.

La troisième réunion regroupait le général James B. Smith, ambassadeur des États-Unis, un représentant du Royaume-Uni, et le prince Bandar Bin Sultan (que le président George Bush père désignait comme son fils adoptif, au point que la presse états-unienne l’a surnommé « Bandar Bush »). Il s’agissait de coordonner l’action des médias et celle de « l’Armée syrienne libre » dont les mercenaires du prince Bandar forment le gros des effectifs.

L’opération qui était en gestation depuis des mois a été précipitée par le Conseil de sécurité nationale des États-Unis après que le président Poutine ait notifié à la Maison-Blanche que la Russie s’opposerait par la force à toute intervention militaire illégale de l’OTAN en Syrie.

Cette opération comprend deux volets simultanés : d’une part déverser de fausses informations et d’autre part censurer toute possibilité d’y répondre.

Le fait d’interdire des TV satellitaires pour conduire une guerre n’est pas nouveau. Ainsi, sous la pression d’Israël, les États-Unis et l’Union européenne ont successivement interdit des chaînes libanaise, palestiniennes, irakiennes, libyennes, et iraniennes. Aucune censure n’a été effectuée envers des chaînes satellitaires provenant d’autres régions du monde.

La diffusion de fausses nouvelles, n’est pas non plus une première. Cependant, quatre pas significatifs ont été franchis dans l’art de la propagande au cours de la dernière décennie. 
• En 1994, une station de musique pop, la Radio libre des Mille Collines (RTML) a donné le signal du génocide rwandais en appelant à « Tuer les cafards !  ». 
• En 2001, l’OTAN a utilisé des médias pour imposer une interprétation des attentats du 11-Septembre et justifier les attaques de l’Afghanistan et de l’Irak. À l’époque déjà, c’est Ben Rhodes qui avait été chargé par l’administration Bush de rédiger le rapport de la Commission Kean/Hamilton sur les attentats. 
• En 2002, la CIA a utilisé cinq chaînes, Televen, Globovision, Meridiano, ValeTV et CMT, pour faire accroire que des manifestations monstres avaient contraint le président élu du Venezuela, Hugo Chavez, à démissionner, alors qu’il venait d’être victime d’un coup d’État militaire. 
• En 2011, France 24 faisait de facto office de ministère de l’Information du Conseil national libyen, avec qui il était lié par contrat. Lors de la bataille de Tripoli, l’OTAN a fait réaliser en studio et diffuser par Al-Jazeera et Al-Arabiya des images des rebelles libyens entrant sur la place centrale de la capitale, alors qu’ils étaient encore loin de la ville, de sorte que les habitants, persuadés que la guerre était perdue, cessèrent toute résistance.

Désormais, des médias ne se contentent plus de soutenir la guerre, ils la font.

Ce dispositif viole des principes de base du droit international, à commencer par l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme relatif au fait « de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Surtout, il viole les résolutions de l’Assemblée générale des Nations-Unies, adoptées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour prévenir les guerres. Les résolutions 110, 381 et 819 interdisent « les obstacles au libre-échange des informations et des idées » (en l’occurrence la coupures des chaînes syriennes) et «  la propagande de nature à provoquer ou encourager toute menace à la paix, rupture de la paix, ou tout acte d’agression ». En droit, la propagande de guerre est un crime contre la paix, le plus grave des crimes, puisqu’il rend possible les crimes de guerre et les génocides.

Thierry Meyssan

 

Source :   http://www.voltairenet.org/L-OTAN-prepare-une-vaste-operation



***


Nous ne voudrions pas fermer ce premier post sans féliciter le tout nouveau Président de la République Française, qui, d’ores et déjà, est assuré de laisser un nom dans l’Histoire pour sa lucidité politique, son courage et son talent de raconteur d’histoires drôles.

 

 

 Cliquer pour Hymne syrien

 

***



 

Pénates

 

Oui, oui, Théroigne a déménagé… si on peut dire.

Situation banalissime : Elle aura, l’an prochain, 80 balais. (Nous sommes des dames aux chapeaux cloche, ici.) Le logement qu’elle occupait depuis un quart de siècle  a été vendu. Dans ce cas : expulsion du locataire, qui a six mois pour déguerpir (loi récente, merci Madame Onckelinks).

 Comment peut-on se reloger quand on vit d’une retraite plancher – bloquée - de salarié et que l’immobilier – loyers en tête – monte au ciel sans entraves ? On ne peut pas. Le moindre taudis double ou triple vos possibilités. Que faire ? Demander un logement social. Sept à neuf ans d’attente (Prière de faire suivre les clés au cimetière, svpl.). Il ne reste plus alors qu’à mettre ce qu’on a dans un garde-meubles et se chercher un pont sans trop de courants d’air.

 Notre valeureuse expulsée s’est donc retrouvée, à l’échéance, avec un bras cassé, entre des déménageurs pieds nickelés, qui l’ont dépouillée jusqu’à l’os (on vous épargne Les deux orphelines de La porteuse de pain) et des acquéreurs à qui les dents ont poussé en quelques minutes (le temps de saisir les clés avec et de se déguiser en Thénardiers).

 Cependant, il y a encore ici et là des gens pas du tout à la mode, des espèces de dinosaures, pour qui les mots « fraternité » et « solidarité » ne sont pas simples paroles verbales dont il convient de se gausser. Des qui ont dit, non, Madame T, on ne va pas sous les ponts à votre âge, ni dans les maisons Marie-Louise, venez chez nous, venez avec votre matos, et, oui, avec vos chats, on s’arrangera.

 

Trois chats curieux.jpg

 

MERCI, pour leur hospitalité, à Louis et Marie, à cause de qui on ne peut pas – eh merde ! - totalement désespérer de l'espèce humaine. (Je parle au nom de l’intéressée et de ses greffiers.) Merci à Francine et à Madame sa mère, qui ont offert un havre sec à sa bibliothèque. Merci aussi à Michel et Véronique : eux, ils ont envoyé des sous pour payer les pieds nickelés. Et merci à Andrée et Yellow, Patrick et Geneviève, Minok et Christmac, Édouard et Karine, qui ont fait de même, car il en a fallu beaucoup. La voilà endettée jusqu’aux yeux, Théroigne, mais pleine de gratitude jusqu’aux cheveux, on a les richesses qu’on mérite. Merci aussi à Françoise, Ian, Philippe et Johnny, qui ont réussi à sauver quelques bricoles, dont l’ordi, arraché de justesse aux ferrailleurs.

 Il fallait une ligne téléphonique, pour qu’il soit reconnecté à l’Internet. Marie et Louis en ont demandé une. On l’a attendue deux mois. Mais ça y est, elle est là. Ouf !... Notre webmaîtresse is back. Cabossée, mais toute hargne intacte.

Not far from how I feel....jpg

« Tu vois, » dit Théroigne, « ça, c'est à peu près moi  au Parvis de Saint-Gilles, sauf que je ne fume plus. »

 

Rendez-vous bientôt pour la suite de nos aventures et la chronique de tous ceux qui couchent vraiment sous les ponts, ou pire.


***

 

 Mis en ligne le 13.6.2012 par C.L.

 


16/10/2011

Contre-désinformation deux azimuts

 

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Contre-désinformation deux azimuts :

Blum - Stanechy

 

I.

 

  POURQUOI VOUS OFFRIR LE RAPPORT ANTI-EMPIRE
DE WILLIAM BLUM DU 28 JUILLET AVEC PLUS DE
DEUX MOIS DE RETARD ?
 

 

●   Parce que je n’ai pas pu le traduire plus vite.
●   Parce que j’ai pris du retard dans toutes mes activités à cause d’une bande de chats.
●   Parce que personne d’autre ne l’a fait (Le Grand Soir l’a sauté)

Mais aussi, mais surtout, parce que ce qu’écrit William Blum n’est pas à la merci de l’actualité et mérite, quel que soit le moment, attention et réflexion.

Les bombardements de la Libye, dont il dit qu’ils ont « dépassé les 78 jours de bombardements ininterrompus de la Yougoslavie », durent aujourd’hui depuis plus de six mois. Madame Juliette Boulet continue à déverser, sur les enfants Libyens qui restent, ses bombes écologiques (30.000 bombes, 60.000 morts – le temps de mettre ceci en ligne, ces chiffres seront obsolètes).

L’anniversaire de l’érection du mur de Berlin a bien été, comme prédit ici par William Blum, célébré à grand tintamarre et renfort de propagande, tandis que d’autres murs, autrement meurtriers, s’érigent un peu partout au gré de la férocité des puissants, mais c’est toujours celui-là et celui-là seul qui est « de la honte ».

Les États-Unis sont toujours en cessation virtuelle de paiement, mais n’en déclenchent pas moins une ruineuse guerre après l’autre aux frais de leurs contribuables (dont nous sommes).

Tous les états d’Europe sans exception continuent de se déshonorer en acceptant de jouer les massacreurs subalternes, faisant là où on leur dit de faire, comme des chiens bien dressés à qui on a appris quels caniveaux méritent leurs déjections et quels autres il convient de ne pas souiller.

Sont décrétés « dictateurs sanguinaires » les chefs des états que nous convoitons et qui se mêlent de nous résister (« nous » étant une façon courte de dire « nos maîtres »). D’ailleurs, ne nous résisteraient-ils pas que nous leur ferions la guerre quand même car il faut bien tester les armes nouvelles quelque part et sur la tête de quelqu’un, n’est-ce pas. Les dictateurs-pions-de-l’Occident-humanitaire, en revanche, peuvent impunément saigner à blanc leurs populations et même s’amuser à les torturer avec art et inventivité. Ce sont «nos amis », nos «alliés» de croisades droitsdelhommesques, et, entre complices, on se tient par la barbichette peut-être, mais sans trop tirer dessus. Ce jeu a des règles. Si, si.

Nos radios-télévisions nationales se déshonorent plus encore si c’était possible que nos gouvernements, la RTBF n’étant pas en reste, qui, outre ses méfaits usuels, vient de supprimer sous un prétexte cousu de cordes de navire Le Jeu des Dictionnaires et La Semaine Infernale, émissions radiophoniques familiales aimablement impertinentes, pour les remplacer par du sous-sous-sous-sous Ruquier(!)... Oh, ce n'est pas le Chili, ou alors un Chili soft. On n'a pas coupé les mains à Victor Jara (nous n'avons pas de Victor Jara). Mais quand même, une douzaine de Didier Porte et de Stéphane Guillon d'un seul coup, dont deux Flamands et une Suisse... De l'art d'éteindre les talents qui gênent.

Le calice jusqu’à la lie. Ne nous reste qu’à manger le verre.  Bon appétit à tous.




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Rapport Anti-Empire
William Blum

28 juillet 2011

 

 

 

Débat de rue sur la Libye

Le 9 juillet, j’ai participé à une manifestation devant la Maison Blanche, sur le thème «Arrêtez de bombarder la Libye ». La dernière fois que j’avais pris part à une manifestation de ce genre (contre les bombardements d’un pays étranger par les États-Unis, que la Maison Blanche vendait pour une « intervention humanitaire » comme elle le fait aujourd’hui), c’était en 1999, pendant les 78 jours de bombardement de la Serbie. À l’époque, j’étais allé à une ou deux de ces manifs et, les deux fois, je m’étais retrouvé à peu près le seul Américain. Les autres, peut-être deux douzaines de personnes, étaient presque tous des Serbes. L’intervention humanitauire est un grand argument de vente de l’impérialisme, surtout sur le marché américain. Les Américains ont désespérément besoin de retrouver leur croyance en la bonne foi des États-Unis, de se persuader que nous sommes toujours « les braves types».

Cette fois-ci, nous étions une centaine. Je ne sais pas s’il y avait des Libyens, mais il y avait en tout cas un élément nouveau : presque la moitié des manifestants étaient noirs. Et ils avaient des pancartes qui disaient « Arrêtez de bombarder l’Afrique ».

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Autre élément nouveau : il y avait aussi des gens venus là pour soutenir le bombardement de la Libye. En face de nous, de l’autre côté de Pennsylvania Avenue, à une quarantaine de mètres, c’étaient en majorité des Libyens, habitant probablement dans le voisinage, qui n’avaient qu’éloges et amour pour les USA et l’OTAN. Leur thème était que Kadhafi était si mauvais qu’il valait mieux soutenir n’importe quoi pourvu qu'il s'en aille, même le bombardement quotidien de leur patrie, qui dépasse maintenant les 78 jours de la Serbie. J’ai bien sûr traversé la rue et me suis mis à discuter avec certains d’entre eux, leur disant : « je hais cet homme, là (et je montrais la Maison Blanche) autant que vous haïssez Kadhafi, mais croyez-vous que je devrais, pour m’en débarrasser, réclamer et soutenir le bombardement de Washington, la destruction des beaux monuments et des bâtiments de cette ville et la mise à mort des gens qui l’habitent ?

Aucun des Libyens n’a même essayé de me répondre. Ils se contentaient de ressasser leur vitriol anti-Kadhafi. « C’est une brute. » (Regardez la vidéo de CNN de la manifestation monstre de Tripoli, et vous verrez que leur opinion est loin d’être majoritaire dans leur pays d’origine !)

« Mais, » leur faisais-je remarquer, « au moins, chez vous, l’éducation et les soins médicaux sont garantis. C’est beaucoup plus que nous n’avons ici. Et la Libye a le standard de vie le plus élevé de toute la région, ou en tout cas elle l’avait avant les bombardements de l’OTAN et des États-Unis. Et si vous trouvez que Kadhafi est une brute, que dites-vous des autres dirigeants de la région, que Washington soutient depuis si longtemps ? »

Il y en a un qui m’a répondu que l’éducation était déjà gratuite sous le roi que Kadhafi a détrôné. Là-dessus j’étais plutôt sceptique, mais comme je n’étais pas absolument sûr que ce fût faux, je lui dis « Et alors ? Kadhafi ne l’a au moins pas supprimée, cette gratuité, comme l’ont fait chez eux, il y a quelques années, les dirigeants anglais. »

Un officier de police s’est alors matérialisé et m’a forcé à retourner de mon côté de l’avenue. Je suis sûr que si on avait pu le presser de questions, l’officier se serait justifié en disant qu’il avait fait cela pour empêcher un incident violent d’éclater. Sauf qu’il n’y a jamais eu aucun danger de cette sorte et que c’était juste un exemple ordinaire de la mentalité d’état policier américain : l’ordre et le contrôle passent avant les libertés civiles, avant n’importe quoi.

La plupart des Américains, s’ils avaient entendu ma discussion avec les Libyens, auraient probablement émis quelque remarque du genre « Oui mais, si grande que soit votre haine pour le Président, vous avez la possibilité de vous débarrasser de lui par une élection. Les Libyens ne peuvent pas en faire autant. » Et moi, je leur aurais répondu « C’est vrai, j’ai le droit de remplacer George Bush par Barak Obama. Quelle joie ! Aussi longtemps que nos élections seront presque exclusivement déterminées par l’argent, rien de significatif ne changera. »

Post Scriptum : Au milieu de toute la tristesse et de l’horreur qui entourent le massacre de Norvège, il ne faudrauit pas perdre de vue le fait que « la paisible petite Norvège » a participé au bombardement de la Yougoslavie en 1999, qu’elle a déployé des troupes en Irak, qu’elle a des troupes en Afghanistan et qu’elle a fourni des avions de guerre pour les bombardements de l’OTAN en Libye. Les enfants et les adolescents qui ont perdu la vie sous la machine à tuer de l’US/OTAN voulaient vivre jusqu’à l’âge adulte et même jusqu’à la vieillesse autant que ceux de Norvège, et nous, dans le monde, nous devons nous demander si le comportement du gouvernement norvégien, autant que celui des États-Unis et de l’OTAN, n’est pas un comportement « extrémiste ».


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                                       Les bébés de l’uranium appauvri (Irak)




*



Le mur de Berlin – Encore un mythe de la Guerre Froide

Les médias occidentaux vont bientôt emballer les moteurs de leur machine à propagande [C’est chose faite, notre retard nous a permis de le vérifier. NdCL] pour solenniser le 50e anniversaire de l’érection du mur de Berlin le 13 août 1961. Tous les clichés de la guerre froide sur le «Monde Libre» par opposition à la «Tyrannie Communiste» vont être redéployés et la fable « comment on en est arrivés au Mur » va nous être resservie en boucle ad nauseam : En 1961, les communistes de Berlin-Est ont construit un mur pour empêcher leurs citoyens opprimés de s’échapper vers Berlin-Ouest et la liberté. Pourquoi ? Mais parce que les cocos n’aiment pas que les gens soient libres et sachent «la vérité», voyons ! Quelle autre raison pourrait-il y avoir eue ?

Bon, eh bien, pour commencer, avant que le mur soit construit, des milliers d’Allemands de l’Est faisaient chaque jour la navette entre chez eux et l’Ouest pour aller travailler, et ils rentraient à l’Est le soir. Beaucoup d’autres allaient et venaient d’un Berlin à l’autre pour faire des courses ou pour d’autres raisons. Ils n’étaient donc pas retenus à l’Est contre leur volonté. Pourquoi, alors, le mur fut-il construit ? Pour deux raisons majeures :

1°)  L’Ouest était en train de miner l’Est par une vigoureuse campagne de recrutement à l’Est d’ouvriers qualifiés et de professionnels de haut niveau, qui avaient été éduqués et formés aux frais du gouvernement communiste. Ce débauchage massif finit par provoquer une sérieuse crise de main d’oeuvre et de production à l’Est. Pour preuve, on peut citer le New York Times, qui écrivait en 1963 : « Berlin-Ouest a économiquement souffert du mur en perdant quelques 60.000 ouvriers qualifiés qui, auparavant, faisaient quotidiennement la navette entre leur résidence à Berlin-Est et leur lieu de travail à Berlin-Ouest. » (1)

En 1999, USA Today rapportait : « Quand le mur de Berlin s’est écroulé (1989), les Allemands de l’Est ont imaginé une vie de liberté où les biens de consommation étaient abondants et où les difficultés économiques n’existaient pas. Dix ans plus tard, pas moins de 51% d’entre eux disaient qu’ils étaient plus heureux sous le communisme. » (2) Des sondages réalisés plus tôt auraient vraisemblablement donné un résultat supérieur à 51% pour exprimer ce sentiment, parce que, au cours de ces dix ans, beaucoup de ceux qui auraient pu se rappeler les temps communistes en Allemagne de l’Est avec nostalgie étaient morts, quoique, dix ans plus tard encore, soit en 2009, le Washington Post rapportait : «Les Allemands de l’Ouest commencent à en avoir marre de la tendance de leurs concitoyens de l’Est à patauger dans la nostalgie à propos de l’époque communiste. » (3)

C’est dans la période post-réunification qu’un nouveau proverbe populaire russe et est-allemand a fait son apparition : « Tout ce que les communistes disaient du communisme était faux, mais tout ce qu’ils disaient du capitalisme s’est avéré juste.» On notera aussi que la décision de 1949 de diviser l’Allemagne en deux états distincts, qui plantait le décor pour 40 ans de guerre froide, fut une décision américaine, pas soviétique. (4)

2°)  Pendant les années 50, les « guerriers froids » américains d’Allemagne de l’Ouest on mis sur pied une brutale campagne de sabotage et de subversion contre l’Allemagne de l’Est, destinée à mettre hors d’état la machine économique et administrative du pays. La CIA et d’autres services d’espionnage et militaires US ont recruté, équipé, entraîné et financé des individus et des groupes d’activistes allemands de l’Ouest et de l’Est, pour perpétrer des actes couvrant le spectre entier des malfaisances,  de la délinquance juvénile au terrorisme, n’importe quoi qui fût capable de rendre la vie difficile aux Allemands de l’Est et de diminuer leur soutien au gouvernement, n’importe quoi qui pût faire faire mauvaise figure aux cocos.

Ce fut une entreprise remarquable. Les États-Unis et leurs agents y ont utilisé les explosifs, les incendies criminels, les courts-circuits provoqués et toutes sortes d’autres méthodes pour endommager les centrales électriques, les chantiers navals, les canaux, les docks, les bâtiments publics, les stations-service, les transports publics, les ponts, etc. Ils ont fait dérailler des trains de marchandises, blessé très sérieusement des cheminots, incendié douze wagons d'un train de fret et détruit les tuyaux à air comprimé de tas d'autres pour les immobiliser, mis le feu à une fabrique de tuiles, poussé au ralentissement du travail dans les entreprises où ils le pouvaient, empoisonné 7.000 vaches d’une coopérative laitière, ajouté du savon dans le lait en poudre destiné aux écoles d’Allemagne de l’Est ; certains étaient en possession, lorsqu’ils furent arrêtés, de cantharide, au moyen de laquelle ils comptaient fabriquer des cigarettes empoisonnées, destinées à tuer des dirigeants de l’Allemagne de l’Est ; ils ont déclenché des bombes puantes pour interrompre des meetings politiques, tenté de perturber la Fête de la Jeunesse du Monde, qui s’est tenue à Berlin-Est, en envoyant de fausses invitations, de fausses promesses de logement et de repas gratuits, de fausses annulations de réservations, etc. ; ils ont attaqué des participants à l’explosif, aux bombes incendiaires et crevé des pneus à foison, fabriqué et distribué des quantités de fausses cartes de rationnement, pour semer la confusion, la pénurie et le mécontentement ; ils ont envoyé de faux avertissements-extraits de rôle et toutes sortes d’autres documents et directives gouvernementales pour provoquer la désorganisation et l’inefficacité dans les industries et les syndicats... tout cela et bien plus encore. (5)

Le Centre National Woodrow Wilson pour Intellectuels de Washington D.C., nid de conservateurs pro-guerre froide, dans un de ses documents de travail, Projet historique international pour la guerre froide (# 58, p.9) écrit : « La frontière de Berlin ouverte exposait le République Populaire d’Allemagne (de l’Est) à un espionnage et à une subversion massifs, comme le montrent les deux documents en annexe ; sa fermeture a donné à l’Est communiste une plus grande sécurité. »

Tout au long des années 50, l’Allemagne de l’Est et l’Union Soviétique n’ont cessé de déposer des plaintes auprès des ex-alliés occidentaux de l’URSS et auprès des Nations Unies, à propos d’actes de sabotage précis et d’activités d’espionnage, et elles ont demandé la fermeture des bureaux situés en Allemagne de l’Ouest qu’elles en estimaient responsables et dont elles fournissaient les noms et les adresses. Toutes leurs demandes et réclamations sont tombées dans des oreilles de sourds. Il était inévitable que l’Allermagne de l’Est commence à restreindre l’accès à son territoire à ce qui venait de l’Ouest et, finalement, à construire le fameux mur, dit « de la honte ». Pourtant, même après la construction du mur, il y eut une régulière quoique limitée émigration de l’Est vers l’Ouest. En 1984, par exemple, l’Allemagne de l’Est a autorisé le départ de 40.000 personnes. En 1985, les journaux d’Allemagne de l’Est ont fait état de 20.000 personnes qui s’étaient établies à l’Ouest et qui désiraient rentrer chez elles, revenues de leurs illusions sur le système capitaliste. Le gouvernement d’Allemagne de l’Est pour sa part, disait que 14.300 Allemands de l’Est étaient rentrés chez eux au cours des dix années précédentes.(6)

N’oublions pas non plus que l’Allemagne de l’Est est devenue communiste parce que Hitler, avec la bénédiction de l’Occident, l’avait utilisée comme un boulevard pour atteindre l’Union Soviétique et y éradiquer le bolchevisme pour toujours, et que les Soviétiques, dans les deux guerres mondiales, ont perdu 40 millions de personnes du fait que l’Occident se soit servi de ce boulevard pour envahir la Russie. Il ne devrait surprendre personne qu’après la Deuxième Guerre Mondiale, l’Union Soviétique ait été déterminée à fermer le boulevard.



Petit commentaire en images de ce blog :

Il y a murs et murs...




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Veni, vidi...

Nous sommes venus, nous avons vu,
nous avons détruit, nous avons oublié.

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Résumé mis à jour du charmant bilan de la politique étrangère américaine.


Depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, les États-Unis d’Amérique ont :

1. Tenté de renverser plus de 50 gouvernements, dont la plupart avaient  été        démocratiquement élus. 
2. Tenté de supprimer un mouvement populaire ou nationaliste dans 20 pays.
3.  Grossièrement interféré dans des élections démocratiques d’au moins 30 pays.
4.  Bombardé les populations  de plus de 30 pays
5.  Tenté d'assassiner plus de 50 dirigeants étrangers.

Au total : depuis 1945, les États-Unis ont effectué une ou plusieurs des actions ci-dessus, à une ou plusieurs reprises, dans les 69  pays suivants  (soit plus d'un tiers des pays de la planète) :

  • - Afghanistan
  • - Albanie
  • - Algérie
  • - Angola
  • - Australie
  • - Bolivie
  • - Bosnie
  • - Brésil
  • - Guyane Britannique (Guyana)
  • - Bulgarie
  • - Cambodge
  • - Tchad
  • - Chili
  • - Chine
  • - Colombie
  • - Congo ( et Zaïre)
  • - Costa Rica
  • - Cuba
  • - République dominicaine
  • - Timor oriental
  • - Équateur
  • - Égypte
  • - Salvador
  • - Fidji
  • - France
  • - Allemagne (Allemagne de l'est en sus)
  • - Ghana
  • - Grèce
  • - Grenade
  • - Guatemala
  • - Honduras
  • - Inde
  • - Indonésie
  • - Iran
  • - Irak
  • - Italie
  • - Jamaïque
  • - Japon
  • - Koweït
  • - Laos
  • - Liban
  • - Libye
  • - Mongolie
  • - Maroc
  • - Népal
  • - Nicaragua
  • - Corée du Nord
  • - Pakistan
  • - Palestine
  • - Panama
  • - Pérou
  • - Philippines
  • - Portugal
  • - Russie
  • - Seychelles
  • - Slovaquie
  • - Somalie
  • - Afrique du Sud
  • - Union soviétique
  • - Soudan
  • - Surinam
  • - Syrie
  • - Thaïlande
  • - Uruguay
  • - Venezuela
  • - Vietnam (plus Nord-Vietnam)
  • - Yémen (Yémen du Sud en sus)
  • - Yougoslavie

 

 Il y manque bien entendu la Belgique (voir Hugo Ghijsels, L'Enquête - 20 années de déstabilisation de la Belgique, Bruxelles, La Longue-Vue, 1990) et, depuis deux jours, l'Ouganda.

William Blum humoriste :

Question -  Pourquoi n'y a-t-il jamais de coup d'état à Washington ?

Réponse  -  Parce qu'il ne s'y trouve pas d'ambassade américaine





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Carte mondiale des interventions armées US depuis la IIe Guerre Mondiale

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Le monde occulte de l’économie

Quand vous lisez les nouvelles relatives aux problèmes économiques dans la presse, comme celles qui concernent la crise grecque ou le foutoir des prêts hypothécaires de Wall Street, vous sentez-vous quelquefois complètement largués par l’apparente complexité de ces choses que personne ne semble capable de débrouiller et d’expliquer à votre entière satisfaction en anglais (ou français) de tous les jours ? Eh bien, je ne puis  certainement pas tout vous expliquer, mais je sais que le problème n’est pas nécessairement que vous et moi soyons des analphabètes économiques. Le problème est souvent que les « experts » discutent de ces choses comme s’il y était question de règles et de lois inviolables, scientifiquement fondées, mathématiquement établies et rationnelles, alors qu’en fait une grande partie de ce qui se passe dans le monde réel de l’économie et dans l’arène des analyses d’«experts» de ce monde est, de manière significative, fondé sur des politiques partisanes, sur de l’idéologie, sur des gros titres de journaux, sur de la spéculation, de la manipulation, de la psychologie (voyez la complète absurdité des montées et des dégringolades quotidiennes du prix des actions !), des deals d’arrière-boutique passés entre puissants, pour ne rien dire du pouvoir excessif et de l’excessive confiance accordés à des agences de notation totalement corrompues et à des assureurs de toutes les variétés. Les agences comme Moody’s et Standard & Poor sont des rackets de protection (payez-nous des honoraires exorbitants ou nous vous collons une mauvaise note !) devant lesquelles les investisseurs et les gouvernements s’inclinent humblement, comme si leurs oukases résultaient d’analyses objectives impressionnantes.

Ensuite, il y a les exceptions faites pour que des pays puissants puissent se tirer d’affaire dans des situations où des pays moins puissants, comme la Grèce par exemple, ne sont pas autorisés à le faire, le tout étant présenté comme le résultat des lois sans appel de l’économie.

Et quand toutes les autres explications cessent par trop de paraître plausibles, les «experts» se rabattent sur « la loi de l’offre et de la demande ». Mais cette loi a été abolie depuis bien longtemps ! Essayez seulement d’expliquer le prix de l’essence en fonction de cette loi.

Il y a donc beaucoup de choses à étouffer, beaucoup de raisons pour lesquelles les joueurs du monde de la finance ne peuvent pas se montrer aussi transparents qu’ils devraient l’être, ni aussi francs que le public et les investisseurs peuvent s’imaginer qu’ils sont.

Prenez par exemple le déficit du budget U.S. à propos duquel nous entendons tant de propos alarmistes. Ce qu’on n’entend jamais dire, c’est que la période la plus prospère de l’histoire de l’Amérique a été celle des décennies qui ont suivi la Deuxième Guerre Mondiale – de 1946 à 1973. Et vous savez quoi ? Notre budget a été déficitaire pendant la plupart de ces années. À l’évidence, un tel déficit n’était pas un handicap suffisant à la croissance et à la prospérité grandissante des États-Unis, une prospérité, soit dit en passant, beaucoup plus partagée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais on continue à nous bassiner avec le sacro-saint équilibre budgétaire. Cette « crise » et beaucoup d’autres sont typiquement surgonflées pour des raisons politiques. La « crise » actuelle du plafond de la dette en est un exemple. Paul Craig Roberts, qui fut Assistant Secrétaire au Trésor sous Reagan et qui est maintenant chroniqueur indépendant, se dit sûr que les États-Unis ne vont pas mettre la clé sous la porte, que le plafond de la dette soit relevé ou pas. Si Goldman Sachs est « trop gros pour faire faillite », sûrement le gouvernement des États-Unis l’est aussi.*

Dans les problèmes économiques dont les médias font leurs choux gras, tels que le plafond de la dette par exemple, une des clés occultées qui permettent de comprendre ce qui se passe est souvent la volonté cannibale des conservateurs de privatiser la sécurité sociale et les soins médicaux. Si vous comprenez cela, certaines choses deviennent beaucoup plus claires. Naomi Klein rappelle que « le pseudo-débat sur le plafond de la dette, c’est de la guerre des classes à l’état brut, faite par les super-riches à tous les autres, et il est plus que temps que les Américains sifflent la fin de la partie. »

Considérez aussi, par exemple, la valeur relative des monnaies internationales. Logiquement, raisonnablement, si la livre britannique est échangeable contre deux dollars, on devrait pouvoir acheter à Washington, pour 2 $, des marchandises et des services qui coûteraient 1 £ à Londres. Mais ceci, bien sûr, est, dans la vie réelle, une très infréquente exception à la règle. Car, au lieu de cela, dans des endroits appelés « exchanges » (bourses), à New York, à Chicago, à Londres, à Zürich, à Francfort, vous avez un paquet de types, incapables de faire quoi que ce soit de socialement utile, qui se mettent ensemble dans un grand local et qui, dans un méli-mélo cacophonique de voix stridentes, d’ordinateurs et d’une infinité de bouts de papier, décident de la valeur d’une livre, d’un baril de pétrole, d’un kilo de poitrine de porc ou de tas d’autres matières premières affectant notre vie de tous les jours. En vertu de quoi ces spéculateurs et ces parasites exercent-ils tant d’influence sur le monde réel, sur l’économie réelle, sur nos vies réelles ?

À vue de nez, camarades, en guise de solution universelle à nos maux économiques, rappelez-vous ceci : Nous continuerons à nous traîner de crise en crise dans un cycle sans fin, aussi longtemps que les grandes institutions financières n’auront pas été nationalisées ou placées, d’une ou d’autre façon, sous contrôle démocratique. Nous entendons beaucoup parler d’«austérité». Eh bien, il est temps que l’austérité rende visite aux super-riches. Il y a des millions (sic) de millionnaires et de milliardaires aux États-Unis et en Europe.  Alors que les gouvernements font faillite, les milliards de dollars de ces gens doivent être lourdement taxés ou confisqués pour mettre un terme à la souffrance sans fin des 95% d’autres, du reste de l’humanité. Mondieu, est-ce que je ne suis pas en train de tenir un discours (aarrgh) socialiste ?

 

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Notes

1. New York Times, 27 juin 1963, p. 12.
2. USA Today, 11 octobre 1999, p. 1.
3. Washington Post, 12 mai 2009 ; voir histoire similaire le 5 novembre 2009.
4. Carolyn Eisenberg, Drawing the Line : The American Decision to divide Germany 1944-1949 (1996) ; ou voir un compte-rendu de ce livre par Kai Bird dans The Nation, 16 décembre 1996.
5. Voir William Blum, Killing Hope : US Military and CIA Interventions Since World War II, p. 400, note 8, pour la liste des sources sur les détails des sabotages et de la subversion. (en français : Les guerres scélérates)
6. The Guardian, Londres, 7 mars 1985.
7. http://killinghope.org/essays6/othrow.htm
8. http://killinghope.org/bblum6/suppress.html
9. Voir le chapitre 18 de Rogue State : A Guide to the World’s Only Superpower (en français : L’État voyou) – ajoutez la Palestine en 2006 à la liste.
10.  http://killinghope.org/superogue/bomb.htm
11.  http://killinghope.org/bblum6/assass.htm

Cher William Blum, c’est peut-être ce qu’a dû penser Louis XVI à la veille des États-Généraux... Là aussi, il y avait assez d’argent pour sauver l’État. Mais là aussi, il était dans les mains qu’il ne fallait pas si on voulait le sauver tel qu’il était. Sans doute les États-Unis sont-ils « trop gros pour faire faillite », mais pas pour changer de mains... ni de régime... Une dictature militaire par exemple ? (NdCL)

 traduit par Catherine L.

pour http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be

 

Source : http://killinghope.org/bblum6/aer96.html


*

 

 

 

II.

 




samedi 15 octobre 2011

Russie : Rififi chez les “Dissidents” …

Georges STANECHY

Je dédie ce billet au journaliste irakien Mountadir Al-Zaydi

D’incrédulité, ils en auraient laissé choir leurs fétiches.

Hercule Poirot, son lorgnon à cordelette… Colombo, son mégot de cigare… Nestor Burma, son chapeau cabossé… Maigret, tout comme Sherlock Holmes, sa pipe éteinte…

Ces maîtres de la logique, de l’esprit critique, aux patientes et méticuleuses déductions, n’auraient pu croire une seule seconde à la mise en scène macabre, emballée dans un scénario, histoire, roman, conte de sorcières, constructions charpentées de clichés. ”Narrative”, disent les anglophones.

Le tout repris en chœur, cadencé par le marteau-pilon de la propagande et de ses vecteurs : journaux, TV, communiqués de presse sortant d’innombrables horizons et tiroirs. Au même moment, dans tous les pays occidentaux. Colossale campagne médiatique aux océaniques moyens…

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Le corps de la victime, une femme de 48 ans, criblé de balles dans un ascenseur. En évidence. Un 7 octobre 2006, à Moscou : Anna Politkovskaïa.

Son exécution, s’agissant d’une “journaliste”, serait « liée à ses activités professionnelles », ont été les premières déclarations de son entourage. Evidemment, ce n’est pas pour son talent dans l’élaboration de la tarte aux pommes.… Litote, pour ne pas prononcer les mots : « crime politique ».

Concrètement : signature, histrionisme, d’un acte destiné moins à supprimer la personne qu’à intimider ou à faire du bruit. Sinon, c’est l’enlèvement discret avec, chaussé de béton, un plongeon dans un fleuve ou dans les vagues du haut d’une falaise. Quand ce n’est pas dans un bain d’acide. Pas de trace.

Assassinat, apparemment, commis par des professionnels.

Mais, bizarre…


Le Petit Poucet

Le Petit Poucet n’aurait pu mieux s’appliquer, semant les indices gros comme des camions…

S’assurer de la disparition de l’arme du crime est la priorité d’un assassin, même le plus amateur. Là, non. Probablement, délicate attention à l’égard des enquêteurs, elle était disposée à côté du corps : un pistolet Makarov 9 mm. Jusqu’aux douilles des balles éjectées après le tir, soigneusement laissées sur place : quatre douilles.

Provocation, peut-être… Laisser entendre que tout indice ne peut mener qu’à une impasse. Annoncer l’impossibilité de dénouer le faux-vrai du vrai-faux, de compléter le puzzle d’une enquête : cloisonnements étanches, impunités, complicités…

Fausses pistes, sûrement.

La théâtralisation, le mode opératoire, du crime rappellent celui dont fut victime, le courageux et magnifique militant des droits de l’homme et de l’autodétermination des peuples, Henri Curiel.

Abattu dans l’ascenseur de son immeuble, à Paris le 4 mai 1978. Egyptien juif de naissance, il s’était illustré dans la lutte contre l’autocratie du roi Farouk marionnette des britanniques en Egypte, le soutien à l’indépendance de l’Algérie, le combat anti-apartheid en Afrique du sud, et par sa solidarité indéfectible avec ce qu’on appelait alors les pays du Tiers-Monde dans leurs combats pour la liberté.

Ses assassins n’ont jamais été retrouvés, pas plus que l’arme et les douilles des balles du meurtre. Sa mort n’avait mobilisé aucun des médias de l’époque. Aucun gouvernement, aucun pays, aucune organisation internationale, aucune ONG… Personne ne s’autorisant à “sommer” la France de trouver les coupables, sauver la liberté d’expression, la démocratie, les droits de l’homme et tutti quanti. Il est vrai qu’il représentait le ’diable’ pour les gouvernements occidentaux, français tout particulièrement. (1)

Les enquêteurs, expérimentés dans les “crimes politiques”, affirment que trop d’évidences tuent « l’évidence ». Ne pas confondre l’hamburger de l’affiche sur l’abribus avec sa réalité servie dans l’emballage en carton recyclé… C’est toute la différence avec nos journalistes actuels, même dits « d’investigation ». Dans un coup tordu, multiplier les fausses pistes c’est renforcer une manipulation.

Deux mois jour pour jour après sa mort, le 7 décembre 2006, l’Institut International de la Presse (IPI) déclarait Anna Politkovskaïa : « 51e Héros de la liberté de la presse mondiale». Bel et nécessaire hommage. Assurément, condamner « l’assassinat politique » est une noble cause. Toutefois, de là à transfigurer la victime en icône de La Liberté demande un minimum de précaution. A-t-elle été effectivement assassinée pour ses articles, livres, investigations, déclarations ? Ou, pour un tout autre motif ?

Car, bizarre le profil de la victime… Tout autant que son cursus et son “milieu” professionnels.

« Dissidente russe », est-il répété à l’infini... Anna Politkovskaïa, son nom ne le laisse pas supposer de prime abord, était de nationalité américaine, née à New York, de parents diplomates membres de la délégation de l’Ukraine à l’ONU. Personne ne le dit, ni ne l’écrit. Pourquoi ? Peur d’être traité de « rouge-brun » par les coupe-jarrets à la solde de l’Empire, chargé du terrorisme intellectuel ?...

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Munie d’un diplôme d’une école de journalisme de Moscou, elle travaillait depuis 1999 pour le média russe : Novaïa Gazeta (La Nouvelle Gazette). Un trihebdomadaire avec son site, en russe et en anglais, dont le capital est détenu à 49 % par l’ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev et le milliardaire russe, ancien député de la Douma, Alexandre Lebedev. Les 51 % restants ? Mystère.


Les deux mêmes compères ont fondé, en septembre 2008, un parti microscopique à l’échelle de la Russie, copié-collé du fanatisme idéologique des milliardaires néoconservateurs US, joyeusement pro-atlantiste et bruyamment ultralibéral (“tout privatiser”, sous-entendu brader aux groupes étrangers, & bla-bla…) : le «Parti démocratique indépendant de Russie».

En conséquence, férocement opposé à la politique du gouvernement actuel refusant un «monde unipolaire», soucieuse du respect de l’indépendance et de la souveraineté du pays, spécialement quant à la préservation de ses richesses naturelles convoitées par les prédateurs internationaux. La Nouvelle Gazette (Novaïa Gazeta) servant de caisse de résonance, de relais de propagande, aux thèses de la paradisiaque “Globalisation Impériale”, dont la planète subit les ravages au quotidien. Expliquant pourquoi, malgré un actionnariat différent, entre Fox News (groupe Murdoch) et Novaïa Gazeta ce soit du pareil au même…

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Alexandre Lebedev, rappelons-le car les journalistes oublient toujours de le mentionner, est un richissime oligarque qui a édifié sa colossale fortune en peu de temps sous la présidence de Gorbatchev et d’Eltsine. À l’époque où la Russie partait en lambeaux, déchiquetée par les mafieux, politiciens corrompus et voyous de la finance, en cheville avec les multinationales. Avant que Poutine n’y mette un coup d’arrêt et ne redresse la situation.

Sa fortune (banques, compagnie aérienne [30 % d’Aeroflot], construction aéronautique [Ilyushin], gaz et pétrole, textile, tourisme, télécommunications, immobilier, transport urbain, chimie, médias, etc.) difficilement évaluable en milliards de dollars, le classe parmi les hommes les plus riches de Russie et d’Europe. Rien qu’en Grande-Bretagne, il contrôle quatre médias : Evening Standard, The Independent, The Independent on Sunday et i-newspaper(2)

Ce personnage soutenu par nos nomenklaturas, qui prétend porter le projet d’une Russie “démocratique”, jouant au ’Dissident en chef’ dans son pays, a été la vedette du Web le mois dernier (septembre 2011). Pour avoir violemment frappé publiquement, à coups de poing en plein visage, son interlocuteur sur un plateau de TV, oligarque comme lui, Sergei Polonsky. A “titre préventif”, a-t-il dit, pour ne pas être frappé par lui. La video a été vue des milliers de fois. La regarder donne un aperçu de ce qui attend la Russie si pareils énergumènes arrivaient au pouvoir… (3)

Anna Politkovskaïa était donc très liée aux réseaux de l’extrême-droite US, avec leurs “collabos” russes intégrés aux lobbies de l’armement et de l’énergie occidentaux. Implacablement russophobes, menaçants et hyperviolents, dès lors que le pays ou son gouvernement n’acceptent pas d’être inféodés à leurs intérêts et diktats.

Quel était, en ce cas, l’objectif de l’assassinat de cette “journaliste-dissidente” en plein cœur de Moscou ? Quels en étaient les exécutants, organisateurs, commanditaires ? A qui profite le crime ?

Après une difficile enquête aux multiples rebondissements, au terme de 5 ans de travail pour enfin y arriver, la solution émerge progressivement : en septembre-octobre 2011. Confirmant ce que tous les “observateurs ”, avertis ou impartiaux, savaient dès l’origine de l’affaire. Une réalité, évidemment, aux antipodes de ce que les médias de la désinformation dans nos pays n’avaient cessé de claironner, et qu’ils taisent hermétiquement à présent…

Poutine, Président de la Fédération de Russie au moment des faits, n’avait-il pas averti :

« La solution se trouve à Londres » ?...

Le Grand Méchant Loup

Comme par hasard, le meurtre d’Anna Politkovskaïa a eu lieu le jour de l’anniversaire de Poutine, né un 7 octobre 1952… Autre coïncidence : la veille de la visite officielle de Poutine en Allemagne…

Soulignant ainsi la perversité du personnage, par sa provocation dans la violence. Puisque ce fut, aussitôt, une des plus formidables campagnes médiatiques internationales destinées à diaboliser un Homme d’État détesté de nos oligarchies, et déstabiliser au passage la Russie. Poutine ne pouvait être que le commanditaire du forfait. Les exécutants ? Les tueurs de ses horribles services secrets…

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Parmi les centaines de déclarations, retenons celle du porte-parole du ministère des affaires étrangères des USA, le jour même de l’évènement, Sean McCormack. Un concentré de l’hypocrisie et du cynisme manipulateurs des politiciens, dans chacun des termes employés :

« Les États-Unis sont choqués et profondément attristés par la nouvelle du meurtre brutal de la journaliste russe indépendante […] Les États-Unis demandent de toute urgence au gouvernement russe de mener une enquête immédiate et exhaustive afin de retrouver, poursuivre et juger tous les responsables de ce meurtre haineux. »

Le lendemain, au diapason des USA le temps de prendre les consignes, dans un document officiel, le Commissaire européen aux droits de l’homme Thomas Hammarberg, « triste et en colère », embouche le trombone de La Bonne Conscience de la caste technocratique de l’UE :

« Ce meurtre est le signal d’une crise majeure concernant la liberté d’expression et la sécurité des journalistes en Russie. »

Evidemment, les vertueuses ONG ont immédiatement embrayé. Sortant les violons de l’émotion et la sébile à subventions. Parmi les ténors de l’esbroufe qui ne se sont jamais préoccupés des journalistes et militants de la liberté torturés, assassinés, par des escadrons de la mort en Palestine, Gaza, Irak, Afghanistan, Amérique latine, Thaïlande, Philippines et ailleurs, dès lors qu’ils dénonçaient les exactions de l’Empire :

=> Amnesty International, de rage hurlant sa :

« … colère après le meurtre à Moscou d’Anna Politkovskaïa, visée en raison de son travail de journaliste. »

=> La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), flagellant le gouvernement Russe :

« Les autorités russes, doivent se conformer aux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme, afin de garantir en toutes circonstances les libertés d’expression et de la presse. »

=> Reporters Sans Frontières (RSF), l’illustrissime ONG accablée de chagrin (4) :

« Nous sommes abasourdis par cette nouvelle tragique… Les meurtres de nos confrères […] doivent faire réaliser à la communauté internationale à quel point il est urgent d’agir pour assurer la protection des reporters. »


Anna Politkovskaïa, cataloguée « dissidente russe » par le marketing informationnel occidental, avait été érigée en “star” des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Ses articles et livres récoltant une foison de distinctions, récompenses et prix. Attribués, évidemment, par les sponsors et animateurs du même circuit. (5)

Précisons le contexte : dans la boîte à outils de notre appareil de propagande, le label «dissident» est décerné non pas à « l’opposant » au régime ou gouvernement d’un Etat souverain étranger, mais à un « adepte inconditionnel » de l’idéologie et de la politique de l’Occident. Nuance notable…

Dans le cas contraire un « opposant », non seulement à son gouvernement mais “aussi” aux desseins d’asservissement de l’Empire sur son propre pays, est considéré comme un «conservateur», un « radical », dans le meilleur des cas. Dépasser la réticence, persévérer dans la résistance, est immédiatement se désigner dans une subtile gradation comme «rebelle», « insurgé ». Pire encore : « terroriste », réel ou supposé, peu importe, s’il s’agit d’une opposition au gouvernement inféodé à l’Empire.

On a même vu en Occident, mais on veille soigneusement à l’occulter, des « dissidents » autrefois fêtés, encensés, couverts de faveurs, gratifications et dollars, tomber en disgrâce dès qu’ils ont émis le moindre regard critique sur la réalité qu’ils avaient découverte dans ce qu’ils avaient cru être le “paradis de la liberté et de la justice”. Se fermant brutalement l’accès aux plateaux TV, radio, interviews complaisantes, avances d’éditeur et autres émoluments ou supports financiers, etc.

Ce fut le cas du « dissident cubain » Reinaldo Arenas, mort dans la misère et le manque de soins à New-York. Ou encore, du célèbre « dissident russe » Soljenitsyne, finalement dégoûté du matérialisme, de la violence et du cynisme de la société américaine, préférant quitter les USA pour retourner dans sa Russie natale…

Paradoxalement, en Russie, la notoriété d’Anna Politkovskaïa était “insignifiante”. Ce que n’a pas manqué de faire ressortir son gouvernement. Ne représentant aucun enjeu, encore moins pour Poutine au sommet de sa popularité. (6)

Sergueï Iastrjembski, délégué du Président Russe pour les relations avec l’UE, avait émis une remarque fondamentale que nos médias n’ont jamais pris la peine de diffuser et d’analyser, alors qu’elle donne la clé du contexte géopolitique de cet assassinat :

« Un nombre manifestement excessif de coïncidences, de morts retentissantes de personnes qui, de leur vivant, se sont positionnées en opposants au pouvoir russe en place, avec les manifestations internationales auxquelles participe le président de la Fédération de Russie est pour le moins inquiétant […]

On a l’impression d’être en présence d’une campagne bien orchestrée ou même de tout un plan de dénigrement continu de la Russie et de sa direction. » (7)

Oui, bizarre…

Sentiment diffus, prenant plus de consistance à la lecture des ouvrages de la victime. Car, j’ai lu les livres d’Anna Politkovskaïa et conseille de le faire pour se rendre à l’évidence, mesurer l’écart entre une image projetée, fabriquée, et la réalité…

Débats d’idées, investigations et recherches dans l’esprit critique et la suggestion constructive ? Analyses approfondies des dimensions et contraintes sociales, économiques, géographiques (37 fois la France en superficie…) ? Mises en perspective dans leur évolution historique et humaine (colossal changement institutionnel avec la chute du soviétisme...) ? Études de leur interaction avec celles des autres puissances, nations et peuples, voisins, concurrents, amicaux ou hostiles, pour ce siècle et le prochain ? Universalisme des droits de l’homme à la Henri Curiel, combattant tous azimuts les violations de la Dignité Humaine, quels que soient pays et continents ?

Non.

Ce ne sont que pamphlets, diatribes, déversant en cascade : clichés, approximations, rapprochements, raccourcis, amalgames, platitudes diffamatoires. Rhétorique de la propagande russophobe la plus primaire, dépeignant une Russie apocalyptique dirigée par un autocrate sanguinaire, diabolique, auquel un Staline n’arriverait pas à la cheville.

Une Russie fantasmée, dans l’incantation, prenant ses désirs pour la réalité. Le wishful thinking des Think Tanks de l’extrême-droite US, rêvant de la vassalisation de la Russie. Surtout, de la prédation de ses ressources et richesses naturelles. Avec une focalisation obsessionnelle, une diabolisation hystérique, une violence verbale haletante à l’encontre de la personne de Poutine. (8)

En France, c’est la bouillie que nous servent à grandes louches les « experts » de la Russie. À la Thierry Wolton, dont on peut citer un des ouvrages les plus emblématiques de grotesque dans le genre : Le KGB au pouvoir – Le Système Poutine. (9)

Ou encore, à la Hélène Carrère d’Encausse, concluant un de ses livres, La Russie Inachevée, par la formulation de la pensée magique :

« … ce que les Russes espèrent aujourd’hui voir surgir de leurs longues déceptions et de leurs efforts renouvelés, c’est l’achèvement d’une Russie civilisée rejoignant enfin et de manière définitive les grandes nations occidentales. » (10)

D’après nos propagandistes, en effet, une Russie en dehors de l’OTAN et de sa soumission à l’Empire, que souhaiteraient ses propres citoyens ou du moins une “élite” moderne et intelligente, n’est qu’un ramassis de sauvages, corrompus et violents, «un immense bordel».

Mépris halluciné, parfaitement résumé dans la quatrième de couverture du livre d’Emmanuel Carrère, le fils d’Hélène Carrère d’Encausse (dans la famille, du fait d’une ascendance familiale russe on se revendique « expert » de la Russie…), sortant actuellement sous les louanges béates de la critique médiatique et mondaine, Limonov :

 « … et, maintenant, dans l’immense bordel de l’après-communisme en Russie… ». (11)

Vision dantesque, ténébreuse, eschatologique, d’une Russie au bord du gouffre, par une propagande hébétée d’obscurantisme, dont le prophétisme sectaire et imbécile imprégnait les dernières lignes de la conclusion de l’ultime ouvrage d’Anna Politkovskaïa, paru en France en septembre 2006, Douloureuse Russie :

« Une révolution orange n’est pas envisageable chez nous, pas plus que celle de la rose ou des tulipes. Notre révolution à nous sera rouge. De la couleur des communistes : de la couleur du sang. ». (12)

Pathétique…

Les oubliettes du Donjon Médiatique

La propagande n’a cessé d’accabler d’anathèmes et procès d’intention les autorités Russes accusées de vouloir bloquer l’enquête.

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Pure stupidité et mauvaise foi : elles n'y ont aucun intérêt.

C’est ainsi qu’on pouvait lire dans des médias de la désinformation, au 5 octobre 2011, des affirmations mettant en cause la passivité de la justice russe, alors que l’enquête venait de connaître une spectaculaire avancée :

« ’L’affaire Politkovskaïa’ n’a pas été élucidée. Le 19 février 2009, les inculpés du meurtre de la journaliste ont été acquittés. C’est un échec pour la justice, accompagné d’autres meurtres. » (13)

Une deuxième équipe d’enquêteurs doublant la première dans la discrétion, aidée des spécialistes du contre-espionnage, a réussi à démonter les rouages d’une complexité extrême de la machination.

L’organisateur de l’assassinat, Dmitry Pavlyuchenkov, est passé aux aveux. La nouvelle était publiée dès le 3 septembre 2011. (14) Piégé par son train de vie et mouvements de fonds suspects sur ses divers comptes bancaires. Reconnaissant devant la Cour de Justice à Moscou avoir fourni l’arme et les munitions, organisé et planifié l’attentat, recruté l’équipe de tueurs et affecté à chacun sa mission précise.

Evénement retentissant, complètement étouffé dans les médias occidentaux. Aux oubliettes…

Révélant les secrets des difficultés d’une enquête bourrée de fausse pistes : Dmitry Pavlyuchenkov, actuellement à la retraite, était un des plus hauts responsables de la police de Moscou avec rang de colonel, ancien responsable de la 4° division de la direction des recherches et investigations opérationnelles. Un des principaux responsables du dossier sur le meurtre d’Anna Politkovskaïa…

L’exécuteur, celui qui a tiré sur la victime, est Rustam Makhmudov. Il s’était caché en Belgique pendant 5 ans. C’est grâce aux repérages, aux renseignements, et à la traque de la police belge, en liaison avec la police russe, qu’il a pu être arrêté dès sa tentative de retourner dans la Fédération de Russie.

Le responsable du commando est un chef de clan mafieux, un des parrains du milieu de Moscou, Lom-Ali Gaitukaev. Actuellement emprisonné pour un autre meurtre, avec une peine d’une durée de 15 ans. Il était assisté sur ’le terrain’ par des tueurs professionnels du milieu de la criminalité moscovite : Rustam Makhmudov, un frère et un cousin de ce dernier.

Formidable première étape. L’important, à présent, étant de remonter aux commanditaires.

Avec prudence, mais certitude, l’un d’eux est quasi-officiellement connu depuis le 16 septembre 2011. Et, dans son ombre : les véritables donneurs d’ordre. Lom-Ali Gaitukaev avait mis au point les modalités financières et la programmation, en Ukraine, avec le “cerveau” de l’opération. C’est au cours de cette réunion que lui fut donné l’ordre, parmi ses instructions, “d’exécuter le contrat” le jour de l’anniversaire de Poutine… Négociant avec une personnalité qui ne peut pas mettre les pieds dans la Fédération de Russie. Il serait immédiatement arrêté.

Il s’agit de Boris Berezovsky. (15)

Un oligarque, dont la fortune en milliards de dollars générée dans les prévarications de l’ère Eltsine, est sous mandat d’arrêt international émis par les autorités russes depuis plusieurs années. Pour détournements et vols au détriment de plusieurs sociétés et actifs de la Fédération Russe. Il est aussi recherché par la justice brésilienne dans une affaire de blanchiment d’argent aux puissantes ramifications.

Refugié à Londres, malgré ces doubles mandats de recherche internationaux, russe et brésilien, il bénéficie de la protection des services spéciaux britanniques, très actifs dans la déstabilisation de la Russie, avec un statut de “réfugié politique”…

Fort de ses soutiens, considéré comme un de pires gangsters dans son pays, il n’hésite pas sous sa casquette de « dissident » à proclamer qu’il finance “la révolution” en Russie. La souhaitant sanglante, une guerre civile :

« J’appelle à la révolution et la révolution est toujours violente » (’I am calling for revolution and revolution is always violent’). (16)

Alors, pour ces individus sans foi ni loi, supprimer froidement une vie…

Mais, la vie d’une “journaliste-dissidente”, membre de son propre camp ? Pourquoi ?…

Sacrifice dans une partie d’échecs d’une pièce, tour, fou, ou cavalier, pour assurer un développement tactique ? Trop réducteur. Manque dans cette représentation du crime, la dimension du cannibalisme de la violence humaine, dans sa voracité démentielle, telle que la peignaient Goya ou Salvador Dali.

Anna Politkovskaïa est une Iphigénie contemporaine mise à mort par ses géniteurs, les “Grands Prêtres de la Désinformation”, sur la scène de ce Théâtre d’ombres, de mensonges, et de cynismes, qu’est la « guerre psychologique ».



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(1) Lire le beau texte de Gilles Perrault sur Henri Curiel, publié dans Le Monde Diplomatique en 1998 : « Henri Curiel, Citoyen du Tiers-Monde »,  http://www.monde-diplomatique.fr/1998/04/PERRAULT/10239

(2) Ces fortunes titanesques, foudroyantes, ne peuvent se construire sans la complicité et “l’intéressement” des politiciens au pouvoir qui participent à la curée sous forme d’actionnariats occultes ou de mirobolantes commissions, via hommes de paille et sociétés-écrans domiciliées dans des paradis fiscaux…

(3)http://www.branchez-vous.com/info/actualite/2011/09/un_mi...

(4) Maxime Vivas, La face cachée de Reporters Sans Frontières – de la CIA aux faucons du Pentagone, Bruxelles, Aden,  novembre 2007.

(5) Notamment, les prix :

=> 2002 : Courage en journalisme de l’IWMF (International Women’s Media Foundation)

=> 2002 : Pen Club International

=> 2003 : Journalisme et Démocratie – Danemark - par l’OSCE

=> 2003 : Lettre Ulysses pour l’Art du Grand Reportage à Berlin

=> 2004 : Olof Palme pour les Droits de l’Homme

=> 2004 : Lectrices du magazine Elle (groupe Lagardère)

(6) Les sondages à la veille de l’événement, notamment ceux supervisés par l’université d’Aberdeen (Ecosse), démontraient un taux moyen de satisfaction de ses concitoyens, par rapport à son action, de 70%, en moyenne. Les Russes lui reconnaissant le mérite d’avoir sauvé le pays du naufrage…

(7) "Une campagne de dénigrement bien orchestrée est menée contre la Russie et sa direction", RIA Novosti, 24 novembre 2006,
http://fr.rian.ru/world/20061124/55970675.html

(8) Anna Politkovskaïa, La Russie selon Poutine, Buchet/Chastel, 2005.

(9) Thierry Wolton, Le KGB au pouvoir – Le Système Poutine, Buchet/Chastel, 2008.

(10) Hélène Carrère d’Encausse, La Russie Inachevée, Editions Fayard, 2000, p. 285.

(11) Emmanuel Carrère, Limonov, Editions P.O.L., septembre 2011, quatrième de couverture.

(12) Anna Politkovskaïa, Douloureuse Russie – Le journal d’une femme en colère, Buchet/Chastel, 2006, p. 403.

(13) « ’L’affaire Politkovskaïa’ n’a pas été élucidée », 5 octobre 2011,
http://www.terrafemina.com/societe/international/videos/685-novaya-gazeta.html

(14) « Main suspect in Politkovskaya case pleads guilty », 3 septembre 2011,
 http://rt.com/news/politkovskaya-murder-pavlyuchenk...

(15) « Investigators trace Politkovskaya killing to Berezovsky – report »,  16 septembre 2011, http://rt.com/politics/politkovskaya-fugitive-berezovsky-...

(16) Dmitry Peskov, « Fugitive billionaire has exposed his violent agenda : Berezovsky is the embodiment of ’robber capitalism’, and Britain should no longer harbour him after this outrage », The Guardian, lundi 16 avril 2007, http://www.guardian.co.


Source : À contre-courant - http://stanechy.over-blog.com/article-russie-rififi-chez-les-dissidents-86282147.html

 

*

 

Georges Stanechy, qui oppose très justement Henri Curiel à Anna Politkovskaia (et pas à l’avantage de cette dernière) aurait pu faire un autre parallèle avec l’élimination de l’Algérien Ali André Mécili, abattu dans des circonstances absolument identiques à celles de Politkovskaia, mais... à Paris, le 7 avril 1987, dans un hall d’immeuble, de trois balles dans la tête tirées à bout portant par un proxénète, exécuteur des basses oeuvres de la Sécurité Militaire algérienne et protégé de Charles Pasqua.  La ressemblance entre les deux victimes s’arrête là, car Mécili, fondateur de la revue Libre Algérie et avocat des déracinés – Palestiniens, Maghrébins, Iraniens, Kurdes, Zaïrois, Arméniens – n’avait rien d’un propagandiste à gages. La camarilla au pouvoir à Alger voulait sa peau d’homme trop intègre et la Ve République n’avait rien à refuser à son homologue maghrébine. Choses qui vont de soi, à un certain niveau de complicité.

Où étaient nos belles âmes droitsdelhommistes alors ? Où les Ménard’s boys de Reporters sans frontières ? Où les Amnesty International à chandelles ? Où les champions du Dalaï Lama et des pseudo-écrasés de la place Tien An Men ? Où nos brillants « journalistes d’investigation » de la 4e (ou 5e) Internationale et pourfendeurs de KGBs ? Ils ont si bien fait leur travail et clamé leur indignation que je vous parie ma tête, amis lecteurs de ce blog, que vous ne connaissiez pas son nom avant de le lire ici.



«Cet « homme qui a lutté pour ses idées jusqu’au bout et qui l’a payé de sa vie » est sans l’ombre d’un doute, aux yeux des potentats algériens – et leurs homologues français ne peuvent pas l’ignorer – l’opposant le plus redoutable, l’homme à abattre. Moins de six mois après qu’une clause secrète, dont furent porteurs Charles Pasqua et Robert Pandraud, d’accords déjà hautement secrets conclus entre le gouvernement de Jacques Chirac et la SM algérienne, et avec l’assentiment tacite de François Mitterrand, « un minable truand recruté par contrat se chargeait de faire taire définitivement Ali Mécili. »

Hocine Aït-Ahmed, L’affaire Mécili (La Découverte, 1989), cité par
 Lounis Aggoun, La colonie française en Algérie – 200 ans d’inavouable
(Demi-Lune, 2010)

 Catherine L.










 

28/03/2010

Droits de la Phâme... Journée des femmes... etc.

 

 
Maman les p'tits bateaux.JPG
                                                                        
Droits de la Phâme.... Journée des femmes... etc.

 
Catherine m’a dit : Rends-toi utile, c’est la journée des femmes.

- Moi je veux bien, mais sur mon calendrier à fleurs de Femmes d’aujourd’hui, il n’y a pas « Journée des femmes », il y a « Journée des Nations-Unies pour les droits de la femme et la paix internationale ». Ça  ne fait déjà qu’un tiers de journée pour nous autres. Et si tu comptes sur les Nations-Unies pour  aménager ton Paradis sur terre....

- Fais pas ch.. Pardon

- Écoute, je veux bien m’y coller, mais à mes conditions : : 1)  je laisse tomber le Machin, 2) je parle de qui je veux, et, 3) pour la paix, on  verra plus tard. Dans l’immédiat, je réclame l’égalité, la liberté et la fraternité. Ça te va ?

- Sororité, au moins...

- Ah, non ! Ça fait jargon... comme non-voyant... mal-entendant... Beurk ! Et d’abord, la Mère des Dieux, elle n’était pas bisexe ?

- Si.

- Ben, alors ? Allons-y Folleville !

 

Journée de la femme - Lublin Pologne 1954

Quelques femmes d'hier, d'aujourd'hui, et même une d'avant-hier.

Galerie perso.

On est le 8 mars. (faites un effort).

*  

 

Je ne parlerai pas de la déesse sumérienne de l’écriture Nidaba, qui prouve quoi sinon que ce sont les gonzesses qui l’ont inventée ?

Je ne dirai rien des « débris de l’armée des Amazones » en Ardenne, « qui y ont peut-être fait souche ». Ça, c’est la marotte de Catherine. (« Tu trouves ça normal, toi, Jeanne d’Arc, Théroigne, Saint-Just et Rimbaud nés dans un mouichoir de poche ? ») Pas envie de finir aux Petites Maisons.

Je ne parlerai pas davantage de la Fête des femmes dans l’Antiquité grecque, qui était une fête de la déesse-grain-de-blé Koré et de sa mère Déméter, car cela nous entraînerait moins loin que Sumer mais trop loin quand même. Elle ne tombait d’ailleurs pas le 8 mars, leur fête, mais le 12 du moici
s scirophorion (± début juin). Elle consistait principalement à jeter des porcelets vivants dans une cavité terrestre, anfractuosité, caverne ou autre et à les y laisser mourir et pourrir. Quand le temps était venu pour Koré de descendre chez son infernal époux et d’y devenir Perséphone, déesse-truie de la mort (temps des semailles), on récupérait les restes des petits cochons et on les mélangeait aux graines-Koré. C’était un rite de fertilité. Le culte de Déméter et Koré ainsi que la fête de leurs filles terrestres était donc intéressé.

Pour ce qui est de la « fête » ou « journée » qu’on célèbre aujourd’hui, commençons par rendre à Vladimir Ilyich ce qui appartient à Lénine : c’est lui qui a choisi cette date du 8 mars. En 1921. En souvenir des ouvrières de Saint-Petersbourg, qui avaient fait ce jour-là, en 1917, une grande manifestation pacifique – la manie des femme, les manifestations pacifiques ! – pour réclamer du pain, le retour des hommes du front, c’est-à-dire l’arrêt de la guerre, et la république en paquet-cadeau. Comme elles n’avaient pas obtenu ce qu’elles voulaient, elles s’étaient mises en grève et de fil en aiguille... le 8 mars 1917 est le premier jour de la Révolution Russe. Comme la manif des femmes à Versailles, déjà pour du pain, en juillet 1789 ? Tout juste.

Mais ce n’est pas Lénine qui avait eu l’idée de départ, c’était Clara Zetkin.

Clara jeune.jpgClara Zetkin (1857-1933) s’appelait en réalité Clara Eissner, et elle n’était    pas russe, elle était allemande. Marxiste, ça oui, elle l’était, institutrice (déjà fille d’instituteur), journaliste et femme politique.

C’est en 1878 qu’elle avait rompu avec sa famille pour se lancer dans la carrière. Chez les socialistes. Mais le chancelier Bismarck avait frappé son parti d’interdiction et elle avait dû prendre le chemin de l’exil – c’est fou ce qu’il y a eu d’exilés politiques en Suisse à la fin du XIXe siècle ;  en Belgique aussi d’ailleurs –. Bref, elle y avait rencontré Ossip Zetkin, qui, lui, était russe, et il était devenu son compagnon. Elle ne l’avait pas épousé mais avait pris son nom, et ils avaient eu, ensemble, deux enfants. À la mort de Zetkin, elle avait rencontré le peintre Friedrich Zundel et l’avait épousé, mais sans porter son nom. Zetkin elle était restée.

On peut dire que sa carrière est jalonnée d’un grand nombre d’actions très importantes, pas seulement pour le sort des femmes mais pour le sort de toutes les classes dominées. Ainsi, elle a participé, à Paris, à la fondation de la IIe Internationale ; elle a fondé – toute seule – la revue des femmes socialistes allemandes, Die Gleichheit (L’Égalité), et c’est à Copenhague, le 8 mars 1910 (sept ans avant la manif des Saint-Pétersbourgeoises), qu’elle a proposé la création d’une journée internationale des femmes, qui devait être, d’après elle, une journée de luttes : il s’agissait surtout d’arracher le droit, pour les femmes, de voter comme n’importe qui. (Aujourd’hui, dans un de ses livres, M. José Saramago fait voter blanc 83 % des électeurs d'un pays, et il a, hélas, raison.).
D’une lecture ancienne, je crois avoir retenu que dans cette revue, Die Gleichheit, elle avait posé la question de la liberté sexuelle et de l’égalité entre les hommes et les femmes, à quoi s’était opposé Lénine, qui avait trouvé que pour tout cela, on verrait plus tard, que les choses sérieuses d’abord, etc. Dommage. Du coup, c’est le capitalisme qui s’est emparé du problème et (en 1968) a dicté ses solutions, dans des buts inavouables, dont un des moindres n’était pas le souci mercantile de fabriquer des consommateurs sexuels obligatoires.

Je pourrais vous détailler les nombreuses activités de Clara Zetkin et leurs résultats. Je vais juste rappeler que non seulement elle a fini par arracher le droit de vote (en Allemagne) mais qu’elle a aussi été députée au Reichstag de 1920 à 1933, c. à d. jusqu’à ce que Hitler y mette le feu. Elle y a prononcé son dernier discours, à titre de doyenne de l’Assemblée, en 1932, pour appeler les Allemands à résister au nazisme. Après cette mémorable nuit d’incendie du 27 au 28 février 1933, que croyez-vous qu’il arriva ? Les nazis suspendirent toutes les libertés et mirent les partis progressistes hors la loi. Comme après le 11 septembre ? Évidemment oui, c’est une stratégie vieille comme l’usage de la démocratie contre elle-même. Clara dut reprendre le chemin de l’exil et mourut, quelques semaines seulement plus tard, à Moscou... On a accusé Staline de l’avoir liquidée. De quoi n’a-t-on pas accusé Staline ?

Ceci est un résumé si succinct qu’il en est outrageant. Mais je viens de m’apercevoir que Secours Rouge lui consacre, pour ce 100e anniversaire de son initiative, un dossier biographique illustré. Franchement, je ne pourrais pas faire aussi bien. Allez-y donc voir, vous ne perdrez pas votre temps. C’est là :
http://www.secoursrouge.org/zetkin.php

Clara Zetkin avait eu une amie très chère et compagne de luttes : Inès Armand, dite Inessa (Elisabeth, en fait). Née le 8 mai 1874 à Paris, d’un père français, le chanteur d’opéra Théodore Stéphane, et d’une mère anglaise, la comédienne Nathalie Wild.

La vie d’Inessa Armand est un roman et il s’y est passé tant de choses qu’il est impossible de la résumer dans un post de circonstance comme celui-ci.

armand_brussel_1909.jpgJe mentionnerai seulement pour mémoire qu’elle parlait plusieurs langues, que, d’Inès, elle devint Inessa, par son mariage avec Alexandre Armand, fils d’un richissime industriel du textile russe ; qu’elle eut de lui cinq enfants ; qu’elle le quitta un beau jour pour vivre, mais pas longtemps, avec son beau-frère Vladimir ; qu’elle fut tolstoïenne et féministe avant de s’engager plus précisément en politique. On peut dire que c’est la lecture des écrits de Lénine qui détermina tout le reste de sa trajectoire. Elle s’engagea dès lors dans la préparation acharnée de jours meilleurs, passant d’un pays à l’autre, participant à tous les événements désormais historiques qui ont précédé la révolution russe, et, lorsque Vladimir Ilyich rentra en Russie, en 1917, elle fut du voyage. Elle était devenue sa femme de l’ombre, bien qu’elle ait été, à mon avis, infiniment plus que cela. On pourrait presque dire que Lénine n’a quasiment rien fait qu’elle n’ait fait aussi, de son côté. Tout en élevant cinq enfants. 

 

Inessa Armand et ses enfants, en exil à Bruxelles, 1909.

Pour finir, Inessa Armand a dirigé la section féminine du Comité Central de Parti Communiste russe de 1919 jusqu’à sa mort en septembre 1920, ne cessant jamais de payer de sa personne. C’est d’ailleurs ce qui l’a tuée : partie en mission dans le Caucase alors qu’y régnait une épidémie de choléra, elle y contracta la terrible maladie loin de toute possibilité de soins et mourut dans le train qui ne put la ramener à Moscou assez vite, partageant ainsi le sort de ceux qu’elle était allée galvaniser.

On dit que Lénine ne s’est jamais remis de l’avoir perdue.

Elle est inhumée sur la Place Rouge, pas loin de lui, le long de la muraille du Kremlin.


J’ai dit qu’elle était une héroïne de roman. Trois films ont évoqué son histoire : 

  •  Lénine à Paris, de Serguei Youtkhevitch, où elle était incarnée par Claude Jade    
  •  Le train, de Damiano Damiani, où Dominique Sanda lui a prêté ses traits.
  •  Minu Leninid, d'Hardi Volmer où c’est Janne Sevchenko qui la fait revivre.


Des livres aussi lui ont été consacrés, dont la belle biographie de Jean Fréville Une grande figure de la Révolution russe : Inessa Armand, Paris, Éditions sociales, 1957, depuis longtemps épuisé.
 
Plus récemment, Georges Bardawil, a donné Inès Armand, La deuxième fois que j’entendis parler d’elle, chez J.C. Lattès, Paris, 1983.


Sa première biographie en anglais est l’Inessa Armand, Revolutionary and Feminist, de R.C. Elwood, Cambridge University Press, 1992 et 2002.

Quand l’édition française aux mains de marchands d’armes ne sera plus à la ramasse, on rééditera peut-être au moins sa biographie par Fréville... Mais ce serait bien aussi qu’un jeune historien s’y colle, ou même une jeune historienne.

 

*   

 

Rachel, crois-tu qu’on puisse t’oublier ?


rachel_corrie

 

 Pour ceux qui n'étaient pas nés :

Rachel Corrie était une étudiante américaine de 23 ans, qui militait dans un mouvement non-violent de solidarité internationale (I.S.M.). Elle a été assassinée dans la bande de Gaza, par un jeune soldat israélien, qui l’a délibérément écrasée en lui passant par deux fois sur le corps avec un bull-dozer, alors qu’elle tentait de faire un rempart de ce corps à la maison d’un médecin palestinien.

 

rachel-corrie.jpgrachel_corrie_dead.jpg

                                  Avant                                      Après

Avec le journal et les e-mails de la jeune fille, Katherine Viner et Alan Rickman ont fait une pièce, qu’ils ont intitulée My name is Rachel Corrie. Cette pièce a fait le tour du monde. Elle est encore, en ce moment, jouée un peu partout, mais ne l’a jamais été à New York, où le lobby pro-israélien a réussi à suffisamment terroriser le directeur du New York Theater Workshop pour qu’il la retire de l’affiche avant la première représentation.

L’assassinat de Rachel Corrie avait été filmé par un témoin. En voici la vidéo. Deux jeunes hommes que l’on y voit ont aussi été assassinés intentionnellement, d’une balle bien ajustée dans la tête, par des militaires dont un seul a été poursuivi (euh... un bédouin arabe enrôlé dans Tsahal, mais c’est fortuit).


 


 

*

 

Femmes afghanes au marché

 

 

                                                                                                                                                         ...Originaire de la lointaine Saint-Pétersbourg. elle a accompli un long voyage pour arriver dans ce pays, celui qu'Alexandre le Grand a traversé sur sa licorne, cette terre de vergers légendaires et d'épaisses forêts de mûriers, de grenadiers qui ornent les frises de manuscrits persans écrits voilà plus de mille ans.

  Son hôte s'appelle Marcus Caldwell. Anglais de naissance, il a passé la majeure partie de sa vie ici en Afghanistan, après avoir épousé une Afghane. Il a soixante-dix ans, et sa barbe blanche, ses gestes mesurés évoquent ceux d'un prophète, un prophète déchu. Elle n'est là que depuis quelques jours et ne sait rien ou presque de cette main gauche que Marcus a perdue. La coupe de chair qu'il pouvait former avec les paumes de ses mains est brisée en deux. Un jour, tard dans la soirée, elle l'a interrogé à ce propos, avec délicatesse, mais il s'est montré si réticent qu'elle n'a pas insisté. En tout état de cause. il n'est besoin d'aucune explication dans ce pays. Il ne serait guère surprenant qu'un jour les arbres et les vignes d'Afghanistan cessent de pousser, de peur que leurs racines en continuant de croître entrent en contact avec une mine enfouie à proximité.

  Elle est tombée malade pratiquement dès son arrivée, il y a quatre jours de cela, succombant à l'épuisement consécutif à son voyage jusqu'à lui, et il a pris soin d'elle depuis, après avoir vécu dans l'isolement le plus complet pendant des mois. D'après les descriptions qu'elle en avait eues, comme elle l'a dit dans son délire lors du premier après-midi, elle s'attendait à rencontrer une sorte d'ascète vêtu d'écorce et de feuilles, et accompagné d'un cerf de la forêt.

  Elle lui a dit aussi qu'il y a vingt-cinq ans son frère, entré en Afghanistan avec l'armée soviétique, faisait partie de ceux qui n'en étaient jamais revenus. Elle a visité le pays à deux reprises entre-temps, sans trouver la preuve qu'il était mort ou encore en vie, mais peut-être en ira-t-il autrement cette fois-ci. Si elle est ici aujourd'hui, c'est parce qu'elle a appris que la fille de Marcus aurait pu connaître le jeune Soviétique.
Il lui a dit que sa fille, Zameen, était morte.
"A-t-elle jamais fait une quelconque allusion'' a-t-elle demandé.
-Elle a été emmenée de cette maison en 1980, à l'âge de dix-sept ans. Je ne l'ai jamais revue.
-Et personne d'autre non plus?
-Elle est morte en 1986, je crois. Elle était alors la mère d'un petit garçon qui a disparu à peu près à l'époque où elle est morte. Elle était amoureuse d'un jeune Américain, et c'est de lui que je tiens ces informations. "

  C'est le premier jour qu'a eu lieu cette conversation, au terme de laquelle la jeune femme a glissé dans un long sommeil.

  À l'aide des diverses plantes du jardin, il a concocté une pommade pour la base de son cou, couverte d'un énorme hématome, la peau presque noire au-dessus de l'épaule gauche, comme si un peu des ténèbres du monde avait tenté d'entrer en elle à cet endroit. Il a regretté que ce ne soit pas la saison des grenades, car leur jus est un antiseptique puissant. Quand le car est tombé en panne au cours du voyage, a-t-elle raconté, tous les passagers sont descendus et elle s'est endormie sur le bas-côté de la route. Et soudain se sont abattus sur elle trois coups rapides assénés à l'aide d'un démonte-pneu, lui arrachant des cris de douleur et d'incrédulité. Elle était allongée, les pieds en direction de l'ouest, vers la ville sacrée de La Mecque à près de deux mille kilomètres de là, marque d'irrespect totalement involontaire de sa part, dont l'un des passagers avait cru bon de la punir. Elle avait commis une erreur grossière en voyageant enveloppée de voiles à l'image des femmes du pays, dans l'idée que ce serait plus sûr. Si son visage avait été plus exposé, et la couleur de ses cheveux visible, peut-être lui aurait-on pardonné sa faute en sa qualité d'étrangère. En revanche, n'importe qui, même un enfant qui aurait pu être son fils, avait le droit de punir pour l'exemple une Afghane sacrilège.

Nadeem Aslam, La vaine attente


Je salue au passage, à défaut de pouvoir faire grand-chose d’autre sinon exprimer mon mépris et celui de toutes les femmes dignes de ce nom pour ceux qui font vivre en enfer depuis combien ?... un siècle ?... deux ?.... les femmes afghanes, dont une seule, voilée ou pas, vaut plus cher que tous les hommes impliqués mis ensemble, et ceci veut dire surtout nos «représentants», qui n’ont pas honte d’envoyer dans ce malheureux pays des jeunes gens des classes inférieures massacrer et se faire tuer pour satisfaire la volonté de puissance et la rapacité des maîtres qu’ils se sont et nous ont donnés.

 

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http://www.rawa.org/index.php

 

 

avant.php 

Deux femmes attendant l'aube de leur exécution

après.php

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Peu importe qui a tiré. Tous sont coupables. Et nous aussi de les laisser faire.

 

*  

 

« Quoi que fassent les femmes, elles doivent le faire deux fois mieux que les hommes pour qu’on les trouve à moitié aussi capables qu’eux. Heureusement, ce n’est pas difficile. »  Charlotte Whitton (1896-1975)

 

 

Quand on a eu la chance de ne pas naître afghane aujourd’hui ou cévenole au XVIe siècle; quand on a eu, comme moi, la chance rare d’avoir un père et des oncles que l’extrême misère avait rendus adultes avant l’âge et qui vous ont parlé d’égaux à égale quand on n’était pas plus haute que leurs genoux ; quand on a eu celle de naître en un endroit du globe et à un moment de l’Histoire où ne sont battues que celles qui le veulent bien, on ne peut qu’être pleinement d’accord avec ce qui suit :

 

DieguezAline200

 

 

 

  Pas concernée par la lutte des sexes

   par Aline de Diéguez

2004-04-05

  Cher François,

Merci pour votre message et votre présence attentive. Je vous dois une lettre sur, non pas la lutte des classes, mais la « lutte des sexes », si je puis dire, puisque c'était l'objet de votre dernière grande lettre. En fait, je suis embarrassée, parce que plus j'y pense, plus je m'aperçois que je ne me sens pas concernée. J'ai l'impression d'avoir toujours fait ce que je voulais sans me soucier de mon sexe. Enfant, j'ai appris à réparer mon vélo comme les garçons, et à coudre comme les filles. Cela m'est resté : perceuse, scie électrique ne me font pas peur. etc. Du coup, je suis obligée de vous dire que je me sentais plutôt supérieure aux garçons de ma classe et je n'ai pas honte de dire que cela a continué à l'âge adulte. Je me suis aperçue que le seul obstacle est l'incompétence. C'est pourquoi j'ai toujours été acceptée favorablement dans une conversation sur la maçonnerie avec des artisans, dans une discussion sur le structuralisme au cours d'un colloque ou sur toute activité classée « féminine » que je ne méprise pas du tout. Si les femmes ne s'intéressent ni à la philosophie, ni aux découvertes scientifiques, et ne savent pas se débrouiller avec une installation électrique ou des problèmes d'ordinateur, elles n'ont finalement que la place qu'elles méritent.

Si « les femmes » veulent se faire reconnaître à égalité avec les hommes dans la société et au travail, il leur reste à retrousser leurs manches et à montrer ce qu'elles savent faire.

J'ai l'impression que je ne suis pas un bon exemple de la lutte pour la « libération » des femmes. Ne m'étant jamais sentie emprisonnée, je n'ai jamais éprouvé le besoin de me libérer de quoi ce soit.


Très amicalement à vous

Aline



Aline de Diéguez

Est l’épouse du philosophe Manuel de Diéguez, et si on ignore tout de sa trajectoire personnelle, par une discrétion qui n’est pas de ce temps « people », on sait en revanche beaucoup de ce qu’elle pense, parce qu’elle le fait savoir sur un blog où non seulement elle écrit mais où elle dessine aussi le monde qui l’entoure, dont l’état ne lui plaît pas.

Victor Hugo a dit quelque part1 : « Tacite, qui attache aux tyrans leur règne au cou ». Il aurait pu le dire aussi d’Aline de Diéguez.

À titre d’exemple, une des choses les plus violentes que j’aie lues de longtemps est cet accrochage au cou de M. Mahmoud Abbas, le 30 octobre dernier, où la violence est d’autant plus meurtrière que la forme est plus policée :
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/pales...

Chers internautes, vous ne perdrez pas votre temps à explorer le blog entier de cette dame qui sait réparer les vélos et qui sait aussi penser :
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/somma...

Pour les images toutes seules, regroupées en carnets, c’est là :
http://no-war.over-blog.com/ext/http://anti-fr2-cdsl-air-etc.over-blog.com/ext/http://www.dieguez-philosophe.com/mariali


Mais j’aimerais plus spécialement attirer aujourd’hui votre attention sur ceci :
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/conspirateurs/conspirateur.htm

qui est de 2008, et sur ses développements d’aujourd’hui :

1ère partie
http://no-war.overblog.com/ext/http://pagespersoorange.fr...
 
2e partie
http://pagesperso-orange.fr/aline.dedieguez/mariali/chaos...

La 3e partie étant à venir.


Quand vous aurez lu - n’y manquez pas – vous vous apercevrez qu’il ne s’agit pas de plusieurs articles, mais d’UN livre d’Histoire, aussi informé qu’il est lucide et rigoureux, toutes qualités qui ne courent pas autant qu’on le croit les couloirs des officines de Clio.

Ce livre, en train de s’écrire sous nos yeux, m’a remis en mémoire une phrase de Leopold von Ranke, père de l’histoire scientifique européenne, à qui on reprochait des points de vues fort peu chrétiens dans son Histoire de l’Empire Ottoman, et qui répondit aux critiques : « Je suis historien avant d’être chrétien. Ce qui m’intéresse, ce sont les faits, la façon dont les choses se sont réellement passées. »  Clio – Sainte Trinité : 1-0.

Internautes mes soeurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire, si vous ne voulez pas mourir idiotes.


*  

 

Shministim

 

Chère Catherine,

Nous vous écrivons de Tucson, Arizona, après une incroyable première semaine de notre tournée aux USA. Jusqu’à présent, nous avons été accueillies très chaleureusement par tous nos hôtes, dans chacune des villes où nous sommes passées, de la région de San Francisco Bay à Honolulu, Hawaii !

Considérant les réactions suscitées par la politique d’Israël, nous nous attendions à devoir affronter une forte opposition à notre présence. Nous sommes heureuses que les désaccords qui se sont fait jour pendant nos discussions aient toujours été exprimés avec courtoisie et respect.

Nous devons dire que l’ouverture d’esprit avec laquelle nos propos ont été accueillis a été rafraîchissante, y compris dans une synagogue juive et sur un campus où règne généralement une grande tension à propos des problèmes que nous venions évoquer.

Nous espérons que ces échanges de vues stimuleront la discussion sur le conflit israélo-palestinien et sur le rôle qu’y jouent les États-Unis. Comme nous l’avons rappelé aux personnes venues nous entendre, « les dollars de vos impôts alimentent notre occupation ! ».

En solidarité,

Netta et Maya.

Nedda et Maya a Staten Island
 

Maya Wind et Netta Mishly

à Staten Island, 2009

 

Cette lettre a été écrite, en septembre 2009, par Maya et Netta, à ceux qui avaient soutenu de façon ou d’autre leur initiative.

Explication :

En Israël, le service militaire est obligatoire pour les deux sexes dès l’âge de 18 ans. On appelle Shministim des étudiants du secondaire terminal qui refusent de servir dans l’armée israélienne, parce qu’elle occupe abusivement le territoire palestinien et y commet des crimes que le monde entier condamne2.

D’abord sporadiques et isolées, les lettres de refus de servir sont devenues concertées et collectives. On pense que cent jeunes à peu près – filles et garçons – ont signé celle-ci :


« Nous, signataires de cette lettre, jeunes israéliens d'écoles supérieures, déclarons vouloir nous opposer à la politique d'oppression et d'occupation menée dans les territoires occupés et en Israël. C'est pour cela que nous refusons de servir dans l'armée israélienne.

Ce refus signifie d'abord une protestation contre la politique de séparation, de contrôle, d'oppression et de meurtres menée par l'Etat d'Israël dans les territoires occupés, car nous comprenons que cette politique ne nous mènera jamais à la paix et contredit les valeurs fondamentales qu'une société se disant démocratique doit avoir.


Tous les membres de ce groupe croient en la valeur du travail social. Nous ne refusons pas de servir la société dans laquelle nous vivons, mais nous protestons contre l'occupation et les moyens d'action employés par le système militariste aujourd'hui: négation des droits civils, discrimination sur une base raciale et actions contraires aux lois internationales.

Nous nous opposons aux actions prises au nom de la "défense" de la société israélienne: postes de contrôles, assassinats ciblés, routes-apartheid réservées aux juifs, couvre-feu, etc... qui servent la politique d'occupation et d'exploitation, annexe plus de territoires occupés à l'Etat d'Israel et nie les droits de la population palestienne d'une manière aggressive. Ces actions sont un sparadrap posé sur une plaie saignante, et une solution limitée et temporaire qui aggrave les conflits.

Nous nous opposons au pillage et au vol des territoires et des sources de revenus des Palestiniens en vue de l'expansion des implantations [...] De plus, nous nous opposons à toute transformation des villes et villages palestiniens en ghettos privés des conditions minimales d'existence ou de source de revenus par la concstruction du mur de séparation.

Afin d'établir un dialogue effectif entre les deux sociétés, nous, la société aux fondations bien établies et plus forte, avons la responsabilité d'établir et de renforcer l'autre. C'est seulement avec un partenaire socialement et financièrement mieux établi que nous pourrons travailler à la paix plutôt qu'à des actes de vengeances unilatéraux. Plutôt que de supporter ces citoyens qui espèrent la paix, l'armée prend des sanctions, et pousse de plus en plus de gens vers des actes d'extrême violence et vers l'escalade.

[....]

Là où il y a des humains, il y a quelqu'un pour parler. Par conséquent, nous demandons de créer un dialogue allant au-delà de la lutte de pouvoir, de la vengeance et des actions unilatérales; de désapprouver le mythe du "pas de partenaire crédible" qui nous conduit à une situation perdant/perdant de frustration continue, nous demandons que l'on opte pour des méthodes plus humaines.

Nous ne pouvons pas détruire au nom de la défense, ni emprisonner au nom de la liberté. Par conséquent, nous ne pouvons à la fois agir moralement et servir l'occupation.

Les membres du "Shministim"

 

La peine qu’encourent ces jeunes objecteurs de conscience est de 21 à 28 jours de prison.

À la fin de leur peine, ils sont de nouveau appelés à faire leur service militaire. S’ils refusent une deuxème fois, comme la plupart le font, ils subissent à nouveau la même peine. Le processus peut être répété à l’infini si le gouvernement et l’armée le veulent.

Cela n’a l’air de rien, trois ou quatre semaines de prison à répétition, avec sorties entre les coups, surtout en comparaison de ce qu’endurent les Palestiniens, mais cette répression « démocratique » les empêche de poursuivre leurs études, de trouver un quelconque travail et de fonder une famille. Elle peut les en empêcher très longtemps.

En 2009, après le choc du massacre de l’opération « Plomb durci », un certain nombre de shministim ont décidé d’aller réveiller les consciences somnolentes dans quelques coins sourds-muets de sainte Communauté Internationale. Par deux ou par trois, tels des représentants en mission de la Première République ou des Sandinistes de 1990, ils ont pris leur bâton de pélerin et s’en sont allés « expliquer » de quoi il est question au juste et rappeler les responsabilités de chacun. Lourde tâche pour de jeunes épaules, car ces missionnaires, dressés depuis la naissance à être une nouvelle « Hitlerjugend » ont dû tout inventer et ne compter que sur leurs propres ressources intérieures, dès lors qu’ils ne sont pas restés sourds à ce que Jean-Jacques Rousseau appelait « notre étincelle de divinité » et James Joyce « agenbite of inwit »3 .

Tandis qu’un groupe de trois (deux filles et un garçon) s’en allait en Afrique du Sud, Netta et Maya, en collaboration avec les Américaines de Codepink, se lançaient dans un vaste tour des USA. Des vidéos de certaines de ces séances d’information et de discussion se trouvent sur Internet. Si vous savez vous y prendre, vous pourrez les y voir. Netta et Maya sont à présent rentrées chez elles, c’est-à-dire probablement dans une prison militaire.

Ce qui, moi, me ravit particulièrement chez ces jeunes gens, garçons et filles, c’est que dans un monde qui semble devenu la concrétisation cauchemardesque des théories d’Hélvétius, ils donnent raison à Rousseau.

Question oiseuse : Pourquoi rien de ce genre ne s’est-il produit en Europe ? L’«Union » n’a pas de collectifs féminins équivalents à Codepink ou quoi ?


refuse - latuff
                                                                                                         

Et Carlos Latuff est un grand dessinateur politique brésilien - http://latuff2.deviantart.com/

 

    *

 

Quand un homme prend part à une révolution, on  dit qu’il est un révolutionnaire.
Quand c’est une femme, on dit « bacchante de la Révolution ».

 

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Dernière mais non des moindres, 

... en un peu plus développé... 

... car elle est d'ici... 

... et j'ai un compte à régler.

 

 

 

Anne-Josèphe Terwagne,
dite Théroigne de Méricourt


Née à Marcourt (Ardenne belge) le 3 août 1762, morte à Paris (Salpêtrière) le 8 juin 1817.

Tout le monde croit connaître « la belle Liégeoise », dont les quelques inventions qui prétendent la définir courent le monde et les pseudo-livres d’histoire depuis deux siècles. Tout le monde sait que c’était « la panthère de la Révolution », « une tigresse assoiffée de sang » (avec une préférence pour celui de Marie-Antoinette), qu’elle s’habillait en homme et brandissait des sabres, qu’elle fut publiquement « mise nue et fessée » par des tricoteuses, qu’elle était folle et qu’il fallut l’enfermer. Ainsi s’exprime l’omniscient Ouy-Dire.

Anne Terwagne fait partie de ceux, nés sous une mauvaise étoile, dont le destin semble être de servir de paratonnerre à malheurs et à malfaisances humaines. Tels Job qui, au moins, y était pour quelque chose, puisqu’il croyait en Dieu.

Née d’une famille de laboureurs, c’est-à-dire de fermiers aisés (un peu comme Jeanne d’Arc, voyez...), elle eut le premier et déterminant malheur de perdre sa mère en bas âge. Son père se remaria. La belle-mère était acariâtre et prit l’enfant en grippe.

Commença pour elle, alors, le périple habituel des enfants de la D.D.A.S.S. : quelque temps chez une «marraîne » qui se lassa vite de jouer les éducatrices de substitution et la refila à un couvent de bonnes soeurs. Pour m’être moi-même enfuie à deux ans et demi d’un tel semi-internat, j’imagine sans peine... Elle s’enfuit, revint chez sa marraîne sans baguette ni citrouille, réessaya la maison paternelle qui se ferma comme une huître, et fut en fin de compte « placée » chez des semi-nobles, pour s’occuper de leurs enfants. Elle n’avait pas quinze ans.

La gamine, qui avait une jolie voix et encore beaucoup d’illusions à perdre, rêvait d’être cantatrice. Audacieux, en plein règne des castrats.

Or, vint à passer par là une dame fort sociable « qui avait fait les beaux jours de l’Oeil de Boeuf », entendez une ancienne prostituée, qui passait le temps désormais à tenir salon « entre Londres, Anvers, Bruxelles, Liège et Spa », entendez une espionne.  Spa était alors ce qu’est aujourd’hui Dubai, et la «Querelle des Jeux de Spa » qui donna, en 1788, le coup d’envoi à la Révolution Liégeoise, y a été fomentée par des agents britanniques4 .

Si la protectrice de la future Méricourt avait connu son heure de gloire sous Louis XV, elle ne devait pas trop compter sur ses propres charmes pour attirer chez elle ceux à qui elle voulait tirer les vers du nez. Il lui fallait de la chair fraîche. Que se passa-t-il au juste ? Anne fut-elle cédée à sa nouvelle maîtresses par les anciens ? Leur demanda-t-elle la permission de quitter leur service (elle était mineure) ? « On » lui promit en tout cas de lui apprendre la musique et de l’initier au chant. C’était plus qu’il n’en fallait pour l’attirer comme un moucheron dans une toile.

Elle s’en fut donc avec sa nouvelle propriétaire et commença sa carrière de courtisane, pour laquelle il ne semble pas qu’elle ait été surdouée ni surtout très motivée. En revanche, elle n’apprit pas le chant d’opéra en dépit de ses nombreuses réclamations.

C’est à Londres, dans le salon de l’accueillante cosmopolite, dont il était un assidu, qu’elle rencontra un des hommes les plus sinistres de l’Ancien Régime et des deux suivants : Jean-François Perregaux, Suisse, banquier et espion à la solde de l’Angleterre, après l’avoir été à celle de la Société Typographique de Neuchâtel.

Dès lors, son destin était scellé. Les deux Thénardiers allaient y pourvoir à un point qu’elle n’a sans doute elle-même jamais soupçonné.

Avant de poursuivre et en guise de commentaire latéral à l’étude de Madame de Diéguez sur la Fed, je me permets de rappeler que « la banque dite de France » (l’expression est d’Henri Guillemin) fut en réalité une banque privée, dont la France eut le privilège d’engraisser les actionnaires. Elle fut comme on sait créée par Napoléon, qui, n’étant pas ingrat, mit à sa tête celui qui avait sponsorisé son coup du 18 Brumaire an VIII  : Perregaux. Lequel était toujours le loyal agent de William Pitt et allait rester celui de ses successeurs. Pour mémoire... Coup d’état : 19 novembre 1799 – Création de la « Banque de France » : 18 janvier 1800.

Revenons en arrière et à notre Théroigne. Dans le salon de sa protectrice, elle fit la connaissance d’un jeune aristocrate anglais, héritier d’une riche famille mais aussi mineur d’âge qu’elle, et ne disposant donc ni de sa fortune ni de son libre arbitre. Il la séduisit, et lui promit le mariage « dès que... ». Cette promesse n’engagea qu’elle, qui en tomba enceinte et accepta de fuir pour le suivre. Il la mit dans ses meubles, lui offrit des bijoux fastueux – les usuriers prêtaient volontiers aux jeunes sots avec « des espérances » -  et en attendant sa majorité, se lança dans une vie de débauche, où les moeurs à voile plutôt qu’à vapeur ne manquèrent même pas. Est-ce pour qu’il échappe à l’exemple paternel qu’elle mit son enfant en nourrice en France ou pour toute autre raison ? Je ne sais. Elle finit par s’enfuir du bouge où elle était moins chez elle que les comparses de son futur et fit la connaissance d’un vieux gentilhomme qui lui promit, par écrit, de lui servir toute sa vie une rente. Contre quels services ? Allez savoir, car aussitôt, elle se mit, sans lui, en route pour l’Italie, dans l’idée fixe d’apprendre le chant d’opéra. Elle semble avoir eu un flair incomparable pour attirer à elle les personnalités les plus pourries... ou est-ce qu’elles pullulaient alors tellement qu’il était impossible à quelqu’un de désemparé de les éviter ? Le castrat – célèbre – à qui elle demanda des leçons, non seulement ne les lui donna pas mais se débrouilla pour la tondre.

Entretemps, son enfant, né de santé fragile, était mort chez sa nourrice.

C’est alors qu’il ne fut bruit partout que de la convocation des États-Généraux et qu’à l’instar de Philippe Buonarrotti, elle s’enflamma et s’en fut là où allaient se passer les choses.

De moeurs austères quoi qu’on en ait dit dans les sentines de l’aristocratie, elle tint à Paris table ouverte et nourrit, jusqu’à s’en ruiner, des gens bien plus riches qu’elle. Mais, incapable de se contenter de son salon, comme une Manon Roland ou une Germaine de Staël, c’est en fille du peuple qu’elle se lança dans les affaires publiques. Elle savait lire, écrire et un peu de solfège. Elle jouait joliment du clavecin aussi. Pratiquement autodidacte, elle avait en politique de l’instinct, mais aucune culture qui lui eût permis de s’orienter dans une jungle où beaucoup d’hommes se perdirent. Elle ne sut pas faire le tri, dans ses invités à la rhétorique identique, entre ceux qui parlaient pour essayer de se faire comprendre et ceux qui le faisaient pour, surtout, n’être pas compris. De ces derniers étaient Sièyes, Brissot, Camille Desmoulins, Marie-Joseph Chénier, Anacharsis Cloots, Fabre, Momoro et quelques autres par qui, pour son malheur, elle se laissa hypnotiser. Saint-Just, qui soupa quelquefois chez elle, finit très vite par s’en abstenir, ne voulant pas se commettre avec des hommes dans lesquels il avait reconnu, dès l’abord, des ennemis rédhibitoires.

C’est une des caractéristiques de l’histoire de Théroigne de Méricourt : ses mauvaises relations et l’intégrité qu’au milieu des pires compagnies elle garda toujours.

Gobant les beaux discours dans son logis, elle les traduisit au dehors par des initiatives qui ne tardèrent pas à faire d’elle, pour ces bourgeois ambitieux, une redoutable emmerdeuse, voire un danger public, et ses pique-assiettes ne firent jamais grand-chose pour empêcher les Actes des Apôtres et autres follicules aristocrates de la traîner dans la boue et de la calomnier de toutes les manières possible, de préférence les plus basses.

Échantillon (ce sont les Goncourt qui parlent) :

« Que d’applaudissements ! Mais aussi quels rires dans la presse royaliste ! Quelle proie que « la Muse de la démocratie », que cette « Vénus donnant des leçons de droit public » pour les moqueries et les huées ! Rivarol, Peltier, Champcenets, Suleau, Marchand, ne tarissent pas d’ironies, de soufflets, de gorges-chaudes et d’ordures. Que de gros esprits et de goguenardises salées ! Un pamphlet la loge rue Trousse-vaches. Les Sabats jacobites donnent « Le boudoir de Mademoiselle Théroigne, Intermède civique.- » -– On voit, sur une espèce de toilette, un pot de rouge végétal, un poignard, quelques boucles de cheveux éparses, une paire de pistolets, l'Almanach du père Gérard, une toque, la Déclaration des droits de l'homme, un bonnet de laine rouge, un peigne à chignon, une fiole de vinaigre de la composition du sieur Maille, un fichu fort chiffonné, la Chronique de Paris et le Courrier de Gorsas. On aperçoit dans le fond un lit de sangle décoré d’une paillasse qui sert de lit de repos à la belle patriote et à ses nombreux adorateurs. À côté de la paillasse est une pique énorme, près de laquelle on voit un superbe habit d’amazone de velours d’Utrecht. Le boudoir est orné de plusieurs tableaux agréables, tels que la Prise de la Bastille, la Mort de MM. Foulon et Berthier, la Journée du 6 octobre 1789, l’assassinat juridique de M. de Favras, les meurtres  commis à Nîmes, Montauban, etc., la Glacière d’Avignon et autres jolis massacres constitutionnels. Mademoiselle Théroigne est dans le négligé le plus galant ; elle a des pantoufles de maroquin rouge, des bas de laine noire, un jupon de damas bleu, un pierrot de bazin blanc, un fichu tricolore et un bonnet de gaze couleur de feu surmonté d’un pompon vert.»  Les Actes des Apôtres régalent leurs lecteurs de Théroigne et Populus ou le Triomphe de la démocratie, drame national en vers civiques. Le Petit Gautier l’appelle « charogne ambulante ».
C’est que Théroigne portait une idée : elle était, dans la Révolution, le parti de la femme. Dans le déchaînement de la Liberté, elle appelait la femme à l’émancipation, à l’usurpation. Elle demandait que le civisme lui fît des devoirs, l’héroïsme des droits. Elle voulait hautement, et la première, faire sortir son sexe du ménage, pour le faire entrer dans la patrie. »


L’histoire détaillée de toutes les propositions qu’elle fit, des concours qu’elle obtint, de ceux qui la soutinrent puis la lâchèrent, reste à faire.

 


Je me contenterai d’évoquer ici une des péripéties les plus mal connues de sa carrière météorique.

En juin 1790, elle quitte Paris par la diligence pour se rendre à Liège :

« Je me plaisais beaucoup à Paris, mais je n’avois plus d’argent pour y rester et j’étois pourtant toujour chargée de tous mes frères que je ne voulois point abandonner. On ne payoit point ma rente de 5000 livres et je ne savois quand on me la payerois, j’avois anticipés sur ma rente de mille écus à peut près pour deux ans et mis tous mes diamans en gages
5, je devois déjà beaucoup; je n’avois plus qu’un collier et 25 louis d’un derniere bague, que j’avois engagée pour vivre, moi et ma famille, payer la pension d’un de mes frères que je laissai à Paris pour continuer d’apprendre la peinture auprès de M. d’Avit ...6 ».

Elle rentre dans son village où elle est ravie de retrouver ses amies d’enfance, mais elle ne peut s’empêcher, en cours de route, à Liège, à Saint-Hubert, à Marcourt, de parler révolution, justice, égalité, droits du peuple. Aux Français qu’elle rencontre, elle demande de quel parti ils sont, pas toujours très prudemment. Devant un ancien dragon autrichien de son village, elle déblatère contre les rois et manque passer un mauvais quart d’heure. Le bruit commençe à courir qu’elle est chargée par les révolutionnaires français de soulever le pays. Un de ses frères vient la voir et la conduit au village de la Boverie, près de Liège, où il lui a trouvé un  logement pas trop ruineux (sa rente ne vient toujours pas et son banquier – Perregaux - ne semble pas répondre à ses lettres). Mais ses allées et venues au Pays de Liège, dûs à ses soucis d’argent, provoquent la méfiance du Comte de Mercy Argenteau, plénipotentiaire aux Pays-Bas Autrichiens (Bruxelles), qui écrit le 6 février 1791 au chancelier Kaunitz :

« Il nous arrive des prédicateurs... le nommé Cara7, ennemi de toute autorité est dans le pays, je le fais guetter... On m’annonce aussi la nommé (sic) Théroigne de Mericourt qui était à la tête des assassins de la Reine dans les journées des 5 et 6 octobre ; elle doit se trouver dans la province de Luxembourg et entretenir des correspondances avec nos enragés, avec ceux de Paris et de Liège. Un Français, muni de bonnes lettres de recommandation, est venu me demander permission de l’enlever secrètement, elle et ses papiers : j’y ai donné les mains et j’en fais soutenir l’expédition par une escouade de la Maréchaussée. Si la capture se fait, on la conduira à Fribourg pour y attendre ce qui sera décidé à son égard. ».

Les stratèges de la CIA croient peut-être avoir inventé les extraordinary renditions et les black sites...

Dans la nuit du 15 février, deux émigrés, le chevalier Maynard de la Vallette8 et le comte de St. Malou frappent à la porte de l’auberge de la Croix Blanche, à la Boverie.  – « Au nom de S.M. l’Empereur, ouvrez » ! Ils s’introduisent dans la chambre de Théroigne, la persuadent de se lever et de s’habiller, car elle est sous le coup d’une arrestation. Ils s’emparent bien entendu de ses livres et de ses papiers, et fouette cocher ! Ils essayent en route de lui faire avouer qu’elle a pris part à un complot contre la Reine, mais ils en sont pour leurs frais.

Kidnappeurs et prisonnière arrivent à Fribourg en Brisgau le 25 février (dix jours de route) et la voilà enfermée à l’auberge du Nègre, pendant que le commandant de la place demande des instructions à Vienne. Ordre lui est donné de la conduire à la forteresse de Kufstein, dans le Tyrol. Elle y arrive le 17 mars. Elle n’y est pas mise au cachot mais dans une chambre fort honnête. Elle est correctement nourrie et on lui laisse les trois livres qu’elle a pu emporter en dépit de ses ravisseurs : Sénèque, Platon et l’Abbé Mably. Elle obtient même la jouissance d’un piano. Ce qui la contrarie le plus dans cette aventure, c’est de n’avoir pu renouveler ses engagements aux Monts de Piété de Paris et de Liège et d’avoir ses bijoux vendus à vil prix. Perregaux étant toujours aux abonnés absents, son ancien maître (celui dont elle élevait les enfants), le baron de Selys Fanson, lui vient en aide : il dégage un collier à Liège et prête diverses sommes à son frère.

C’est seulement le 28 mai que M. de Plank, conseiller aulique, arrive à Kufstein pour l’interroger. Il ne lui faut pas longtemps pour se rendre compte que cette jeune femme n’a commis aucun délit, et en conclusion de son enquête, il conseille au gouvernement impérial  de la remettre en liberté.

Cela ne fait pas l’affaire du chevalier Maynard de la Valette, qui voit sa prime de prise lui échapper et qui soutient mordicus qu’il a mis la main sur une dangereuse conspiratrice. Il vient à Kufstein, armé d’un dossier de sa confection, qu’il a intitulé « Dires et aveux de demoiselle Théroigne » où il est révélé qu’elle est à la solde des Jacobins et a pour mission de propager les idées révolutionnaires dans les Pays-Bas. Elle y est aussi accusée d’avoir comploté avec Mirabeau, ainsi qu’avec les ducs d’Orléans, de Liancourt et de Broglie, car à quoi bon lésiner. M. de Plank organise une confrontation entre l’accusée et l’accusateur et en retire la certitude que c’est ce dernier qui ment. Elle n’a pu connaître aucun des personnages qu’il invoque.

En août 1791, sous une identité d’emprunt, elle quitte Kufstein en la garde du conseiller, pour être conduite à Vienne, où on la loge chez un bourgeois. Un de ses oncles d’Allemagne, Campinado, qui est banquier, vient la voir et use de son influence pour qu’elle puisse être entendue par le Chancelier Kaunitz., et ensuite, par l’empereur Leopold lui-même. Les deux hommes, après l’avoir interrogée longuement, lui rendent sa liberté, avec une somme d’argent nécessaire à son retour à Liège.

Le 15 décembre 1791, le Journal général annonce ainsi sa libération : « La crapuleuse créature qui se fait appeler Théroigne de Méricourt est maintenant à Bruxelles. Elle s’est présentée chez le respectable ministre de Metternich9. Sa barbare audace n’a pas diminué dans les prisons d’où elle sort ; l’apparition de cette charogne ambulante indigne tous les honnêtes gens de ce pays. Elle loge à l’enseigne de « l’homme sauvage », qui jamais ne fut aussi sanguinaire qu’elle. »

À Paris, une loi d’amnistie a été votée le 15 septembre, qui lui permet de rentrer sans crainte en France et, le 28 janvier, elle est reçue en triomphe aux Jacobins.

Pendant sa détention, il lui avait été demandé de mettre sa défense ou auto-justification par écrit. C’est ce qu’elle a fait. Cette « confession », comme on l’appelle, écrite au crayon sur du papier qui a mal vieilli, se trouve aux  Archives de Vienne. En 1892, M. Strohl-Ravelsberg l’a publiée, en tout ou en partie, sous le titre Les conf
essions de Théroigne de Méricourt, la belle Liégeoise confessions, dont le baron Camille Buffin a plus tard prélevé des extraits pour les publier dans ses Récits d’hier et d’aujourd’hui. C’est là que j’ai lu le peu que je connais de cette plaidoirie, qui m’a donné la très forte envie de publier (ou republier) la totalité du document. Il y a quelques années, une âme généreuse, de passage à Vienne, m’a fait parvenir l’intégralité de ce document sur micro-film. Les machines à lire les micro-films ne courant pas les rues de mon trou provincial et le nerf de la guerre manquant, ce texte intégral attend toujours d’être décrypté. Mea culpa.
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Paris 1792 – 1793 – 1794...


Les choses s’envenimaient, entre les Jacobins et ses amis. Juin 1793 vit la chute des girondins et de ce Brissot, qui l’avait tant influencée. Elle prit la précaution - sur quels conseils ? - de se faire admettre dans une clinique psychiatrique. Cela se fit beaucoup alors dans les milieux contre- anti- ou hérético-révolutionnaires, où l’on jugea expédient de se soustraire aux possibilités d’une guillotine en se faisant admettre dans la villa bien protégée de quelque aliéniste de renom. Il suffisait d’en avoir les moyens : les certificats de complaisance coûtaient cher mais valaient bien leur pesant d’assignats. Théroigne fut donc «internée».

Au bout d’un temps, soit qu’elle crût la voie libre, soit qu’elle n’y tînt plus, elle sortit. Et ne mit pas longtemps à se faire arrêter. Il n’y fallait pas grand-chose, les temps étaient troublés et le cabinet de Saint-James avait graissé les pattes qu’il fallait pour que fût extraite des prisons (Danton étant ministre de la Justice) toute une pègre de droit commun, qui ne chôma pas à dénoncer à tours de bras n’importe qui dans tous les sens, le but étant de « déstabiliser » la République, selon l’euphémisme actuel. Non, ce qui se passe en Iran n’est pas nouveau non plus.

Théroigne, donc, fut arrêtée et – c’est une hypothèse personnelle – prit en prison la mesure de ses erreurs de jugement. De se retrouver gardée peut-être par des gens de sa classe, au milieu d’autres dont elle s’était crue l’égale ? Qui le sait...  C’est de là qu’elle écrivit la fameuse lettre à Saint-Just, que tout le monde, depuis deux siècles, s’obstine à décréter « lettre de folle ». Or, cette lettre n’est pas plus insane que n’importe quel appel à l’aide envoyé par quelqu’un ne disposant pas de sa liberté et craignant ceux qui l’entourent – une première lettre étant restée sans réponse - à quelqu’un d’autre censé comprendre, à mots couverts, s’il y est fait allusion à des choses que seuls les deux correspondants peuvent connaître. Les archives et la littérature sont pleines de telles lettres, envoyées de tous temps et en tous lieux, par des prisonniers, des résistants, voire des pensionnaires, à d’hypothétiques sauveurs. Mais il est tellement plus facile d’appeler divagation ce que l’on ne comprend pas, et la race des moutons de Dindenault n’est pas éteinte.

Il est d’ailleurs facile d’en juger, car la voici. Il n’y a pas dans cette lettre un mot qui permette de conclure à la folie (l’orthographe a sans doute été corrigée par M. Laport) :

« Citoyen Saint-Just, je suis toujours en arrestation. J’ai perdu un temps précieux. Je vous ai écrit pour vous prier de m’envoyer deux cents livres et de venir me voir ; je n’ai reçu aucune réponse. Je ne sais pas beaucoup de gré aux patriotes de me laisser ici, dénuée de tout. Il me paraît qu’il ne devrait pas leur être indifférent que je sois sans rien faire. Je vous ai envoyé une lettre où je dis que c’est moi qui ai dit que j’ai eu des amis jusque dans le palais de l’empereur, que j’ai été injuste à l’égard du citoyen Bosque, mais que j’en suis fâchée. On m’a dit que j’avais oublié de signer cette lettre, c’est défaut d’attention. Je serais bien charmée de vous voir un  instant. Si vous ne pouvez venir où je suis, si votre temps ne le permet point, ne pourrais-je point me faire accompagner jusque chez vous ? J’ai mille choses à vous dire. Il faut établir l’union. Il faut que je puisse développer tous mes projets, continuer d’écrire ce que j’écrivais. J’ai de grandes choses à dire. Je puis vous assurer que j’ai fait des progrès. Je n’ai ni papier, ni lumière, ni rien ; mais quand même il faut que je sois libre pour pouvoir écrire ; il m’est impossible de rien faire ici. Mon séjour m’y a instruite, mais si j’y restais plus longtemps, si je restais plus longtemps sans rien faire, sans rien publier, j’avilirais les patriotes et la couronne civique. Vous savez qu’il a été question de vous et de moi, et que les signes d’union demandent des effets. Il faut beaucoup de bons écrits qui donnent une bonne impulsion. Vous connaissez mes principes. Je suis fâchée de n’avoir jamais pu vous parler avant mon arrestation. Je me suis présentée chez vous. On me dit que vous étiez déménagé. Il faut espérer que les patriotes ne me laisseront pas victimes de l’intrigue. Je puis encore tout réparer si vous me secondez. Mais il faut que je sois où je serai respectée, car on ne néglige aucun moyen de m’avilir. Je vous ai déjà parlé de mon projet. En attendant que cela soit arrangé, que j’aie trouvé une maison où je serai à l’abri de l’intrigue, où je serai dignement entourée de la vertu, je demande qu’on me remette chez moi. Je vous serais mille fois obligée de me prêter deux cents livres.
« Adieu. !
                                                                              Théroigne ».


Lettre enfiévrée sans doute. Projets irrationnels peut-être, utopiques en tout cas, mais elle en avait fait déjà, qui nous paraîtraient entachés de naïf idéalisme aujourd’hui, et qui furent pourtant, pour certains, signés « Marie-Joseph Chénier, Gilbert Romme, Théroigne, David, Hion, etc. »

Quant à avoir les nerfs à vif, elle ne fut pas la seule, et de loin. Ce même Saint-Just à qui elle écrit n’a-t-il pas, moins de huit jours après avoir décrété que « l’avenir est aux flegmatiques », dans une altercation avec Carnot, piétiné et jeté au feu son chapeau ?

Ce qui touche ici au ricanement sardonique des dieux de la tragédie, c’est que Saint-Just ne reçut jamais cette lettre, puisque, au moment où elle lui était envoyée, il avait les mains attachées et attendait l’aube de son exécution.

Anne Terwagne survécut à Thermidor, mais ceux de ses anciens amis qui n’étaient pas morts avaient d’autres chats à fouetter : ils touchaient enfin au pouvoir, et ce pouvoir n’aurait que faire d’égalité, de vertu ou de justice. Il lui restait des bijoux en gage et le lancinant problème de la fameuse « rente Persan » qui n’arrivait plus depuis si longtemps, jamais envoyée ou détournée.

Laurent-François Dethier, avocat et géologue, père spirituel de la Révolution Franchimontoise - qui fut une expérience radicale très peu connue - et député du département de l’Ourthe sous le gouvernement français, a écrit d’elle : « ...elle fut enfermée comme folle sous le gouvernement consulaire dans une maison de force où elle est morte ».

« Comme folle » ? et « Sous le gouvernement consulaire » ? Dethier n’a jamais parlé pour ne rien dire et pesait ses mots. Rien, aucune pièce indiscutable ne prouvant qu’elle était folle au moment de son internement, on pourrait penser qu’elle gênait Bonaparte, lequel n’a jamais fait le moindre sentiment quand il s’est agi de se débarrasser d’une ou de très nombreuses personnes.
      
Mais le baron Buffin (dont j’ignore les sources) raconte, au début du XXe siècle, une autre histoire :

« D’après un décret du Comité révolutionnaire de la Section Le Peletier, elle fut arrêtée le 27 juin 1794 et enfermée dans la maison sise rue Laloy, 278. » C’est juste un mois avant sa lettre à Saint-Just. Sur quelles bases le décret ? Ou sur quelle dénonciation ?

« Le 30 juin suivant, (soit trois jours plus tard) Joseph Terwagne (qui dépendait d’elle pour sa subsistance) demanda au tribunal du 1er arrondissement de Paris la réunion d’un conseil de famille pour donner son avis sur la nominationn d’un curateur à Anne-Josèphe sa soeur, incapable de gérer ses biens (c’est moi qui souligne) par suite de son état de démence. »

Quelle suite fut réservée à cette demande ? Qui fut le curateur s’il y en eut un ? Que signifie cette démarche ?

- tentative de sauver sa soeur de l’échafaud en la faisant passer pour folle ?
- tentative de mettre ses biens à l’abri de la confiscation, pour le cas où elle serait condamnée ?
- manoeuvre conjointe à celle de l’arrestation ?

Demande-t-on souvent l’internement de quelqu’un qui vient de se faire arrêter ?

Nous ne savons, dans cette affaire, qui est qui et qui fait quoi. Seuls Anne et Joseph sont dans la lumière. Qui se tient dans la coulisse ?

« Le 20 septembre
(trois semaines après sa dernière lettre et la mort des robespierristes) l’officier de santé de la section Le Peletier constate l’aliénation de Théroigne. (Qui l’officier ? Compétent ? Pas compétent ? Intègre ? Corruptible ? De quelle faction ?) Elle est placée dans une maison de santé du Faubourg Marceau, (Privée ? Cette question !) puis transférée successivement en 1797 à l’Hôtel-Dieu, en 1799, à la Salpêtrière, enfin le 11 janvier 1800 aux Petites Maisons, où elle resta jusqu’à son retour à la Salpêtrière le 7 décembre 1807. »

Si cette chronologie était la bonne, alors, Anne aurait été arrêtée un mois avant Thermidor pour des motifs inconnus, et ne serait sortie de sa prison que pour être internée. Définitivement.

Dans ce cas, toutes les descriptions de son état – le tapage, l’auto-enfermement dans une mansarde, le refus de voir quiconque, le scandale public, les plaintes des voisins et l’intervention de la maréchaussée forçant pratiquement un malheureux frère, dépassé, à demander qu’on la mette en lieu sûr – ne seraient qu’affabulation et rien d’autre. Le fait est qu’aucun historien que je connaisse n’a jamais produit le moindre petit procès-verbal de police, qui eût sanctionné des faits, une bonne fois pour toutes.

Il y a des benêts qui croient que Staline a inventé l’enfermement psychiatrique des opposants. Il y en a d’autres qui préfèrent ignorer qu’il existe des motivations pas nécessairement politiques aux internements abusifs, la cupidité étant le plus courant. Il y en a même qui croient qu’il n’y a pas d’internements abusifs du tout. Et il y en a qui ignorent qu’il y a, en Belgique, au début du XXIe siècle, bien plus de fous en prison, évidemment sans soins, que de prisonniers à l’asile. Les moeurs politiques vont et viennent.

De l’état réel d’Anne, du 30 juin 1794 à sa mort, nous n’avons que les descriptions qu’en a laissé « le grand aliéniste Esquirol ». On sait ce qu’était alors un grand aliéniste. On sait surtout qu’il avait, sur ses «délirants» autant de pouvoir que Dieu et je ne sache pas que personne ait jamais mis en cause les traitements – quels qu’ils fussent – appliqués (infligés ?) à ceux qu’il faut bien appeler leurs prisonniers par « les grands aliénistes ». Celui-là était monarchiste10. Il a tenu à sa merci,  pendant près de deux décennies, « la charogne ambulante » qui avait voulu boire le sang de la Reine.

Ce ne sont pas des conclusions que j’énonce, ce sont des données du problème. Un problème jamais posé et par conséquent jamais résolu.

Tout ce dont nous pouvons êtres sûrs, c’est qu’une femme de 32 ans fut internée sans son consentement (car « incapable de gérer ses biens  par suite de son état de démence »), état constaté par un seul officier de santé de la section Le Peletier, d’où avait émané, quelques jours plus tôt, l’ordre de l’arrêter; nous sommes sûrs qu’elle le fut sur demande écrite d’un de ses demi-frères, qui ne savait ni lire ni écrire ni signer (il signa d’une croix), et que la demande fut rédigée par son propre banquier, lequel avait avancé au demi-frère de quoi s’établir blanchisseur.et pouvait, s’il voulait, lui en réclamer restitution immédiate. Le banquier s’appelait Perregaux. Il allait, cinq ans plus tard, avec la bénédiction de ses employeurs britanniques, financer un regime change, dont le bénéficiaire le remercierait, après un délai décent de deux mois, en le nommant gouverneur d’une banque pseudo nationale, grâce à laquelle les Français auraient le droit de lui rembourser, avec usure, sa mise de fonds.

Le problème particulier d’Anne Terwagne ne peut être posé qu’en n’oubliant pas que l’internée possédait un certain nombre de bijoux de prix encore en gage dans divers Monts de Piété, lorsqu’elle est sortie de la nébuleuse de sa « rente Persan » évanescente pour entrer dans la nuit. Que ces bijoux aient constitué une fortune d’un certain poids au moment où elle en fut dépouillée est attesté par les nombreuses et de plus en plus anxieuses lettres qu’elle écrivit à l’homme qu’elle avait chargé de la défense de ses intérêts, y exprimant sa crainte que ses diamants fussent vendus à vil prix si elle ne les dégageait à temps, alors qu’était si grand le besoin qu’elle en avait pour soutenir l’existence » de ses demi-frères.

Deux exemples à trois ans d’intervalle :


Gênes, 9 mars 1789


Monsieur,

« Je vous suis très reconnoissente des peines que vous vous êtes donné, pour me faire payer de Mr de Persan.

«Je joint mon sertifiqua de vie bien en forme, afin qu’il ne puisse plus trouver de détour, est que vous puissiez, en qua du moindre retar à me payer les six moins échus et ceux qui vont échoire le mois d’avril prochain, que vous soiez en droit, dis-je, d’en agir avec riguer pour le forser à s’acquiter avec moi toutes de suite.

« Je vous suis fort obligée, monsieur de la bonté que vous avez de me permete de tirer sur vous, en attendant que je sois payée, je vous prie donc d’envoyer une traite de cent loys à votre correspondant à Genes avec ordre de payer M. Dourazzo, et de me donner le reste pour mon voyage jusquj’à Rome, et en meme temps il seroit à propos que vous eussiez la bonté de m’envoyer une lettre pour votre correspondant à Rome par qui vous me ferez tenir là mon argent quand je serai payée.

« A l’égard de mes diaments, je les enverrai chez vous, quand je serai à Rome, et vous les garderai jusqu’à ce que mes talents me permete de retourner en Angleterre.

« Si vous voulez avoir la bonté de m’envoyer des lettres de recommandation pour Rome et pour Naples, ou je conte aller quand j’aurai resté à Rome quelque temps, je vous aurai infiniment d’obligation, j’écrirai également à Mr Hammerslys de m’en envoyer. Il m’a déjà recommandé à sont correspondant à Genes ; je lui dois beaucoup à cause de toutes les marques d’estime qu’il m’a donnée ; j’ai eu l’honneur de diner hier avec votre ami le consul anglois qui, à votre considération, m’a toujours fait beaucoup de politesse depuis que je suis à Genes.

« Je vous demande pardon de tant vous annuyer. J’ai cependant encore autrre chose à vous demander. J’ai imaginé que vous pouriez me rendre ce servisse. Cela me seroit d’autant plus agréable que je n’aurai pas besoins de recourir au servisse de mes prétendus amis.

« Je suis venue en Italie pour chanter et étudier : j’ai conduis avec moi mes trois frères, l’un étudie la peinture et les deux autres le commerce. Comme je suis obligée de toujours voyager, je voudrois établir l’aîné à Liège, où nous avons des parans qui sont dans le commerce. J’aurai besoin de trois mille livres ou trois mille livres et demis pour acheter une plase de controleur à mon frère aîné, afin que le revenu de cette petite plase fournise à ces besoin pandant qu’il étudiera dans un contoire.

« Cependant je fait reflexion que si je mourois vous perderiez votre argent, je voudrois rendre service à mon frère et je suis assez embarasée, si vous vouliez seulement les avanser pour un ant, vous les retienderiez chaque six mois la moitiez avec les ainteret et vous seriez entièrement remboursé à conter du mois prochain dans un ant. Si vous vouliez faire cela pour moi avec les ainteret et je vous assure que je vous serois fort obligée, j'an aurai priez Mr Hammerslys, mais comme mes revenu sont en Frence j'ai crus qu'il étoit plus simple de vous en faire la proposition. Je vous prie de me faire réponse à cette egard par le même couryer. Par que je ne prendrai aucune résolution sant savoir vos sentiment.

« Votre servante

« Anne Josephe THEROIGNE


« je vous prie d'adresser votre réponse au consul anglois votre correspondant à Genes. »


 

5 janvier 1792


Monsieur,

« A présent que je suis libre, je suis sûre que je puis aller où je veux : si je suis contente de la justice de l’empereur, je dois aussi dire que, pendant tout le temps de mon injuste détention, on m’a traitée avec douceur.

« Quant à vos aristocrates , ils ont employé les moyens les plus ba, les intrigues les plus infâmes pour tacher de me faire perdre la liberté pour toujours. Je vous assure que, s’il n’avait tenu qu’à eux, je serais encore dans la forteresse de Kufstein. Des chevaliers français tel est le caractère.

« Je vous serais obligée, Monsieur, de m’envoyer de l’argent, trente louis que vous échangerez à Paris. Si vous n’avez que des assignats, j’y perdrai moins qu’ici. Je vous prie en grâce de m’envoyer ce que je vous demande par le même courrier, car je n’ai plus un liard pour payer mon logement, ni ma pension. Vous adresserez votre réponse poste restante Bruxelles.

«  En attendant, je suis avec estime, Monsieur, votre servante.


                                                                            Théroigne ».

 
Quel homme de finance n’aurait pu tourner autour de son petit doigt avec la plus grande facilité un jeune paysan illettré qui n’avait jamais été capable d’assurer sa propre subsistance et qu’affolait la perspective de perdre sa planche de salut ?

Quoi, un banquier faisant interner une de ses clientes, victime de ses détournements ?  Ces choses-là n’arrivent pas, voyons !

Je ne dis pas qu’elles se sont passées ainsi. Je dis que personne ne s’est jamais soucié de connaître la vérité à la manière de von Ranke, sur la fin d’une femme qui, à tous égards, méritait autre chose. De ses contemporains et de la postérité.

Une consoeur postmoderne du Dr.Esquirol a écrit tout un livre sur « le cas » Théroigne de Méricourt. Louable intérêt. Elle a juste omis de s’assurer au préalable que sa patiente souffrait bien d’une quelconque pathologie au moment de son internement.

muscadins.jpgAh, oui, la fameuse fessée... Une des fables les plus prisées veut que Théroigne ait été un jour, dans la rue, troussée et battue de verges par des tricoteuses, puis sauvée in extrémis (de quoi ?) par Marat. Le choc aurait été trop fort pour elle, d’où sa folie, etc. etc.

Elle y aurait mis le temps : Marat était mort depuis un an. Arrêtons de prendre les désirs de ces Messieurs pour des lanternes. Les femmes du peuple n’ont jamais fessé publiquement personne. Ce sont les Muscadins qui l’ont fait.


Rappelons qu’en Thermidor An II, la Terreur Blanche faisait rage depuis de nombreuses semaines ; qu’en province, des bandes armées s’attaquaient aux républicains et qu’à Paris, les Muscadins, au costume extravagant hautement symbolique, dont la pièce maîtresse était le gourdin, s’attaquaient courageusement et en bandes eux aussi, aux épouses des représentants jacobins qui avaient eu l’imprudence de sortir de chez elles, pour les trousser et les fesser en effet.

musc et gourdins.jpgEn d’autres termes, ils tenaient la rue, un peu à la manière de leurs descendants de celle d’Assas à Paris au début des années 1960 et à la fin des années 1980. Même cheptel, mêmes méthodes. « Musc & gourdins... Muscadins ! », dit-on joliment chez CanalMythos11.

 Si Théroigne a été fessée dans la rue, ce dont je doute, car elle sortait rarement seule, c’est par quelques courageux contre-révolutionnaires. Elle n’aurait fait que partager ainsi le sort de maintes femmes respectables, et elle en avait vu d’autres. Les monarchistes au gourdin leste et à la conscience élstique, elle connaissait, merci, elle sortait même d’en prendre. Il n’y avait pas là de quoi devenir folle, sinon de rage. En aucun cas de mélancolie. Ah, la mélancolie, si à la mode alors chez les aliénistes... Reste la question que personne n’a osée : Kidonkéfou ?

Quant à ce qu’ont dit d'elle Messieurs les hommes, de Suleau à ses ravisseurs et de Lamartine à Ghelderode, c’est à couper le souffle : un seul et même fantasme ! Résignons-nous-y Mesdames, l’imaginaire des mâles en matière de nous est désespérément privé  d’originalité. Je ne vais pas ici enfiler ces perles, ce serait fastidieux. Aussi bien Baudelaire les a-t-il toutes résumées en quatre vers :

 

Avez-vous vu Théroigne, amante du Carnage,

Excitant à l'assaut un peuple sans souliers,

La joue et l'oeil en feu jouant son personnage,

Et montant, sabre au poing, les royaux escaliers ?

 

Au moins ne la traite-t-il pas de panthère, de bacchante, de ménade buveuse de sang, et ne salive-t-il pas sur sa semi-nudité dans l’action. Curieusement, un des hommes les plus incontinents en matière de fantasmes a eu pour elle des paroles justes, et cet homme-là c’est Michelet :

 « Tragique histoire, horriblement défigurée par Beaulieu et tous les royalistes. Je prie les Liégeois de réhabiliter leur héroïne. »


Autre exception, le baron Camille Buffin (noblesse belge, on fait avec ce qu’on a) résumait ainsi, au début du XXe siècle, son sentiment :

« En étudiant l’histoire de Théroigne, on doit reconnaître que cette femme montra en toute circonstance une remarquable énergie et l’on ne peut se défendre d’avoir pour elle une certaine sympathie. Jetée dans la vie à 17 ans, sans appui, sans instruction, sans argent, livrée par sa beauté à toutes les tentations, exposée à toutes les séductions, elle parvint non seulement à devenir un orateur politique, mais à acquérir une influence populaire incontestable.

« Au milieu des événements dramatiques de la Révolution Française, elle groupa autour d’elle des hommes éminents, tels que J.M. Chénier, le peintre David, Danton, Pétion, Desmoulins, Siéyes, etc., et finit par prendre une part importante aux délibérations des assemblées. Il est pénible de penser que pendant les 24 années qu’elle passa dans un asile d’aliénés, réduite à l’alimentation des indigents, vêtue uniquement d’une chemise, aucun de ses anciens amis ne se souvint d’elle et ne lui accorda un secours, aucun des frères, qu’elle avait nourris si longtemps, ne lui fit une visite. Ingratitude cruelle ! Son nom s’était effondré sous les injures et les quolibets. Représentée tour à tour comme hideuse ou stupide, ivre, dévêtue, obscène, empoisonnant le sang français, personne n’osait plus la connaître. Et cependant Théroigne était innocente de la plupart des accusations portées contre elle par les adversaires de la Révolution, comme par exemple l’accusation du dessinateur Gabriel, d’avoir fait guillotiner un artiste qui avait peint d’elle un portrait peu ressemblant.

« Sa vie privée ne fut certes pas exempte de fautes, mais elles sont imputables en partie à l’abandon de sa famille pour laquelle elle se montra toujours bonne et généreuse. Quant à son rôle politique, il est difficile à apprécier. Fut-elle comme on l’assure, l’agent inconscient d’hommes intrigants qui, à diverses reprises, utilisèrent son influence réelle sur le peuple ? Ce qui semble certain, c’est qu’elle était sincère dans ses convictions républicaines, sans ambition, ni intérêts, elle croyait en soutenant les révolutionnaires, défendre les droits des pauvres et des opprimés et si elle poussa l’amour de la patrie jusqu’au crime, quelle est sa part de responsabilité ?»


Théroigne Salpêtrière.jpgIl se trompe sur un point, le baron Buffin : Théroigne reçut bien, au cabanon, au moins deux  visites. Celle de Sièyes, venu la regarder comme une bête en cage, à qui elle dit son fait de façon telle qu’il s’enfuit, décomposé. Celle ensuite de l’artiste qui a dessiné d’elle ce dernier portrait. Qui était ? Ce Gabriel, qui l’avait calomnieusement accusée d’avoir fait guillotiner l’auteur d’un « portrait peu ressemblant.».

Fut-elle, comme Buffin rapporte qu’on l’assura, « l’agent inconscient d’hommes intrigants qui, à diverses reprises, utilisèrent son influence réelle sur le peuple » ? Il est difficile d’en douter. On a beau se dire que lorsqu’elle appelait les femmes à s’armer et à s’entraîner aux Champ de Mars, elle était sincèrement persuadée des dangers qu’elle annonçait, qu’elle les pressentait, les voyait, tels qu’en effet ils finirent par déferler. Mais la France n’était pas encore en guerre, alors, et les jacobins robespierristes s’y opposaient avec l’énergie du désespoir, conscients que leur pays – en aussi complète déréliction que les États-Unis aujourd’hui – n’était pas en état de l’affronter.

C’étaient ses amis, Brissot en tête, qui la voulaient, sans expressément le dire, bien sûr, se contentant de crier au loup, à l’invasion imminente, comme l’ont fait de tout temps les va-t-en guerre (Napoléon pendant toute sa carrière, Hitler hier, les USA cinquante fois et Israël aujourd’hui). Quand la banqueroute est là et que l’empire auquel on prétend est sur le point de s’effondrer, le recours à la guerre, pour ceux qui sont au pouvoir, est la toute dernière carte qui reste à jouer. À condition bien entendu de passer d’avance par pertes et profits une partie non négligeable de la population en âge de porter les armes et de condamner de gaîté de coeur la majorité du reste à la plus extrême misère. C’est ce que se préparaient à faire les Girondins, se voyant déjà, par la grâce de ce miraculeux conflit, en train de piller l’Europe jusqu’à en rétablir les finances publiques françaises. Leurs finances privées ne se portaient pas trop mal, merci. Ces armateurs, ces colons,  ces planteurs, ces négriers n’étaient pas sectaires : que les colonies fussent très loin à l’Ouest ou très près à l’Est importait peu, et quoi de plus excitant que de conquérir et dépouiller l’Europe en brandissant les idéaux de la Révolution ! (Eh, non, cela non plus n’est pas nouveau.) « Démocratie »... « Liberté » (pour soi, sinon pour les autres)... Pour l’égalité et la fraternité, il n’y avait pas le feu.. Quand le peuple sortirait de sa croisade messianique, il ne serait heureusement plus en état d’embêter le monde avec ces billevesées. Il serait trop heureux en fait qu’on le laisse rentrer dans ses tanières pour y lécher ses plaies. En attendant, cette petite excitée était bien utile pour fabriquer le consentement dont on avait besoin.

Les robespierristes, en dépit d’efforts héroïques, n’allaient pas pouvoir épargner à leur pays cette épreuve. Tout au plus réussiraient-ils à le débarrasser des Girondins d’abord, de Danton ensuite, mais pas avant que ce dernier eût réussi à dégarnir Paris de ses éléments les plus radicaux, grâce à l’idée géniale de la levée en  masse. Combien furent-ils, alors, à tomber dans le même panneau que l’innocente?

La guerre une fois déclarée par la France girondine, il revint aux jacobins de la faire, de la faire défensivement et de la gagner. C’était donc eux qu’il faudrait ensuite éliminer pour que, de défensive, elle pût devenir de conquête, chose que mènerait à bien un ambitieux petit caporal. Le délicat Sièyes, qui depuis si longtemps cherchait un sabre, l’avait enfin trouvé.

Devant l’ampleur du désastre qu’elle avait à la fois redouté et contribué à faire advenir, Théroigne se mit à recommander la modération. Trop tard. Mais c’est grâce à elle et à d’autres abusés comme elle que des générations d’historiens à lunettes en bois ont pu faire passer Danton et les Girondins pour les modérés qu’ils ne furent jamais.

Ceux qui survécurent à la lutte à mort entre camp de la guerre et camp de la révolution la trouvèrent assurément plus gênante qu’utile, dès qu’ils n’en eurent plus besoin. Se rendit-elle jamais compte ? Difficile à dire. Sa sincérité ne fait aucun doute. Et quel qu’ait été son discours, sa fraternité fut également indiscutable. Pour le reste...

Incidemment : l’élimination  des révolutionnaires opposés à la guerre avait commencé de la blanche main de Charlotte Corday. S’est-on jamais avisé que ces deux femmes, qui ont joué et perdu leur vie pour des causes si opposées, ont été instrumentalisées par les mêmes hommes ? Toutes deux ont payé le plus haut prix qui fût leurs convictions respectives. Au moins la Liégeoise ne s’est-elle pas mis de sang sur les mains pour les yeux de merlan frit d’un bellâtre à la Barbaroux.


teroigne 2.jpg

À celle qui a peut-être été la première victime de Thermidor, je n’ai rien à offrir en guise de monument expiatoire, mais je puis au moins lui rendre, une dernière fois, la parole :

 

D I S C O U R S

PRONONCÉ  à  la  Société  Fraternelle des Minimes,
le  25  mars  1792,
l’an quatrieme de la liberté,


Par  Mlle  THÉROIGNE,

En  présentant  un  Drapeau  aux  Citoyennes
du  Faubourg  S.  Antoine.

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CITOYENNES, quoique nous ayons remportées des victoires, qu’un Tyran soit mort, qu’un Ministre prévaricateur soit accusé de haute trahison, & que l’Assemblée Nationale montre une énergie qui ranime l’espérance des Amis de la Patrie, nous sommes cependant toujours en danger. Sans entrer à cet égard dans des détails qui vous sont connus, je vous répéterai seulement ce que je crois ne pouvoir être trop rappelé à votre souvenir, afin de vous inviter à réfléchir sérieusement sur notre situation ; à ne pas perdre de vue que les torches de la guerre civile sont prêtes à s’allumer ; que l’étendart de la contre-révolution est arboré dans plusieurs parties de l’Empire ; qu’il est visible que par-tout, mais particulièrement dans Paris, des scélérats soudoyés ont un plan de division intestine qu’ils suivent avec la plus grande activité, afin de préparer des partis qui seront toujours funestes à la liberté, si votre vigilance ne déjoue pas les trames criminelles ourdies par nos ennemis.

Citoyennes, n’oublions pas que nous nous devons toutes entieres à la Patrie ; qu’il est de notre devoir le plus sacré de resserrer entre nous les liens de l’union, de la confraternité ; & de répandre les principes d’une énergie calme, afin de nous préparer avec autant de sagesse que de courage à repousser les attaques de nos ennemis.

Citoyennes, nous pouvons, par un généreux dévouement, rompre le fil de ces intrigues. Armons-nous ; nous en avons le droit par la nature & même par la loi ; montrons aux hommes que nous ne leur sommes inférieures ni en vertus, ni en courage ; montrons à l’Europe que les Françoises connoissent leurs droits, & sont à la hauteur des lumieres du dix-huitieme siecle ; en méprisant les préjugés, qui par cela seul qu’ils sont préjugés, sont absurdes ; souvent immoraux, en ce qu’ils nous font un crime des vertus.

Les tentatives que le pouvoir exécutif pourra faire par la suite pour regagner la confiance publique, ne seront que des piéges dont nous devons nous défier : tant que nos moeurs ne seront pas d’accord avec nos lois, il ne perdra pas l’espérance de profiter de nos vices pour nous remettre dans les fers. Il est tout simple, & vous devez même vous y attendre, on va mettre en avant les aboyeurs, les folliculaires soudoyés, pour essayer de nous retenir, en employant les armes du ridicule, de la calomnie, & tous les moyens bas que mettent ordinairement en usage les hommes vils pour étouffer les élans du patriotisme dans les ames foibles. Mais, françoises, actuellement que les progrès des lumieres vous invitent à réfléchir, comparez ce que nous sommes avec ce que nous devrions être dans l’ordre social. Pour connoître nos droits et nos devoirs, il faut prendre pour arbitre la raison, & guidées par elle, nous distinguerons le juste de l’injuste. Quel seroit donc la considération qui pourroit nous retenir, nous empêcher de faire le bien lorsqu’il est évident que nous le pouvons & que nous le devons ? Nous nous armerons, parce qu’il est raisonnable que nous nous préparions à défendre nos droits, nos foyers, & que nous serions injustes à notre égard & responsables à la Patrie, si la pusillanimité que nous avons contractée dans l’esclavage avoit encore assez d’empire pour nous empêcher de doubler nos forces. Sous tous les rapports, vous ne pouvez douter que l’exemple de votre dévouement ne réveille dans l’ame des hommes les vertus publiques, les passions dévorantes de l’amour de la gloire & de la Patrie. Nous maintiendrons ainsi la liberté par l’émulation et la perfection sociale résultante de cet heureux concours.

Françoises, je vous le répete encore, élevons-nous à la hauteur de nos destinées ; brisons nos fers ; il est temps enfin que les Femmes sortent de leur honteuse nullité ; où l’ignorance, l’orgueil, & l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis si longtemps ; replaçons-nous au temps où nos Meres, les Gauloises & les fieres Germaines, délibéroient dans les Assemblées publiques, combattoient à côté de leurs Époux pour repousser les ennemis de la Liberté. Françoises, le même sang coule toujours dans nos veines ; ce que nous avons fait à Beauvais, à Versailles, les 5 & 6 octobre, & dans plusieurs autres circonstances importantes & décisives, prouve que nous ne sommes pas étrangeres aux sentimens magnanimes. Reprenons donc notre énergie, car si nous voulons conserver notre Liberté, il faut que nous nous préparions à faire les choses les plus sublimes. Dans le moment actuel, à cause de la corruption des moeurs, elles nous paroîtront extraordinaires, peut-être même impossibles ; mais bientôt par l’effet des progrès de l’esprit public & des lumieres, elles ne seront plus pour nous que simples & faciles.

Citoyennes, pourquoi n’entrerions-nous pas en concurrence avec les hommes. Prétendent-ils eux seuls avoir des droits à la gloire ; non, non... Et nous aussi nous voulons mériter une couronne civique, & briguer l’honneur de mourir pour une liberté qui nous est peut-être plus chere qu’à eux ; puisque les effets du despotisme s’appesantissoient encore plus durement sur nos têtes que sur les leurs.

Oui... généreuses Citoyennes, vous toutes qui m’entendez, armons-nous, allons nous exercer deux ou trois fois par semaine aux Champs-Elisées, ou au Champ de la Fédération, ouvrons une liste d’Amazones Françoises ; & que toutes celles qui aiment véritablement leur Patrie, viennent s’y inscrire ; nous nous réunirons ensuite pour nous concerter sur les moyens d’organiser un Bataillon à l’instar de celui des éleves de la Patrie, des Vieillards ou du Bataillon sacré de Thèbes. En finissant, qu’il me soit permis d’offrir un Etendart tricolore aux Citoyennes du faubourg Saint-Antoine.

~~~~

D I S C O U R S

Imprimé par ordre de la Société Fraternelle de
patriotes, de l’un & l’autre sexe, de tous
age & de tout état, séante aux Jacobins,
rue Saint-Honoré.

_________________________     

A  P A R I S
______  

1 7 9 2.

 

 

Un mois et cinq jours plus tard, la France déclarait la guerre à l’Autriche.

Un an presque jour pour jour plus tard, c’est la défaite, pour ne pas dire la déroute : le général girondin Dumouriez, après avoir été battu à Neerwinden et à Louvain, s’entretient avec le prince de Saxe-Cobourg Gotha, son vainqueur, comme si de rien n’était. L’assemblée lui envoie quatre représentants pour le destituer et l’arrêter . C’est lui qui les arrête et les livre aux Autrichiens. Il se prépare à marcher sur Paris, pour y mettre au pas l’Assemblée et s’emparer de la dictature. Les soldats du rang, les fameux volontaires enrôlés grâce à Danton, refusent de le suivre et crient à la trahison. Il ne lui reste plus qu’à passer à l’ennemi avec tout son état-major.

Depuis des mois, Marat l’accusait lui aussi de trahison. Ses amis politiques – le gouvernement de la France, à ce moment-là, c’est eux – décrètent Marat d’arrestation. Appelé à la barre de l’Assemblée pour y répondre des forfaits dont on l’accuse, Marat se défend seul et sort en triomphateur de l’épreuve : le peuple qui l’attend dehors le porte en triomphe. Robespierre réclame la mise en accusation des ministres girondins pour complicité avec Dumouriez, et l’obtient.

Est-ce juste avant, est-ce pendant ou juste après ces journées cruciales – insurrectionnelles – des 31 mai et 2 juin 1793 qu’elle fit placarder l’appel qui suit ? Elle y mentionne son retour d’Allemagne « il y a à peu près dix-huit mois ». Ces dates coïncident.

Essayait-elle de sauver ses amis ou simplement d’empêcher, comme elle le dit, la guerre civile ?

C’est sous la pression de l’émeute populaire que, le 2 juin, vingt-neuf députés girondins et deux ministres sont décrétés d’arrestation (leur procès aura lieu en octobre). Placés en résidence surveillée à leur domicile, plusieurs s’enfuient et s’en vont soutenir les insurrections fédéralistes de Normandie, de Bretagne, du Sud-Ouest et du Midi, c’est-à-dire y fomenter cette guerre civile qu’elle semble redouter plus que tout. Il est donc possible que ce soit là le premier désaveu qu’elle exprime à leur égard. Ils rencontrent, dans leur cavale, Charlotte Corday, qu’ils se mettent à catéchiser. Marat n’a plus un mois à vivre.


 

«  AUX 48 SECTIONS,

 

« Citoyens,

« Écoutez, je ne veux point vous faire de phrases, je veux vous dire la vérité pure et simple.

« Où en sommes-nous ? Toutes les passions que l’on a eues à Paris l’art de mettre aux prises nous entraînent, nous sommes presque au bord du précipice.

« Citoyens, arrêtons-nous et réfléchissons, il est temps. À mon retour d’Allemagne, il y a à peu près dix-huit mois, je vous ai dit que l’Empereur avoit ici une quantité prodigieuse d’agens pour nous diviser, afin de préparer de loin la guerre civile, et que le projet étoit de la faire éclater au moment que ses satellites seroient prêts à faire un effort général pour envahir notre territoire. Nous y voilà ; ils sont au point de dénouement, nous sommes prêts à donner dans le piège. Déjà des rixes précurseurs de la guerre civile ont eu lieu dans quelques sections : soyons donc attentifs et examinons avec calme quels sont les provocateurs, afin de connoître nos ennemis.

« Malheur à vous, citoyens, si vous permettez que de semblables scènes se renouvellent. Si on peut se donner des coups de poings, se dire des injures indignes de citoyens, bientôt on  osera davantage...

« Citoyens, arrêtons-nous et réfléchissons ou nous sommes perdus. Le moment est arrivé où l’intérêt général de tous veut que nous nous réunissions, que nous fassions le sacrifice de nos haines et de nos passions pour le salut public. Si la voix de la patrie, la douce espérance de la fraternité n’ébranlent point nos âmes, consultons nos intérêts particuliers. Tous réunis nous ne sommes pas trop fort pour repousser nos nombreux ennemis du dehors et ceux qui ont déjà levé l’étendard de la rebellion. Cependant je vous préviens que nos ennemis ne distinguent point les partis et que si nous sommes vaincus nous serons tous confondus au jour de la vengeance.  Je puis dire qu’il n’y a pas un seul patriote qui se soit manifesté dans la révolution, sur le compte duquel on ne m’ait interrogée. Tous les habitants de Paris sont indistinctement proscrits, et j’ai ouï dire mille fois par ceux qui me vouloient faire déposer contre les patriotes, qu’il falloit exterminer la moitié des François pour soumettre l’autre...

« Les plus petites choses conduisent quelquefois aux plus grandes. Des femmes romaines ont désarmé Coriolan et sauvé leur patrie.

« Rappelez-vous citoyens qu’avant le dix août, aucun de vous n’a brisé le fil de soye qui séparoie la terrasse des Feuillans du jardin des Thuileries. La moindre chose arrête quelquefois le torrent des passions avec plus de succès que tout ce qu’on peut leur opposer.

« En conséquence je propose qu’il soit nommé dans chaque section, six citoyennes les plus vertueuses et les plus graves par leur âge, pour concilier et réunir les citoyens, leur rappeler les dangers de la patrie ; elles porteront une grande écharpe où il sera écrit AMITIÉ ET FRATERNITÉ. Chaque fois qu’il y aura assemblée générale de section, elles s’y rassembleront pour rappeler à l’ordre tout citoyen qui s’en écarteroit, qui ne respecteroit point la liberté des opinions, chose si précieuse pour former un bon esprit public ; ceux qui ne sont qu’égarés, mais qui cenpendant ont de bonnes intentions, aiment leur patrie, feront silence. Mais si ceux qui sont de mauvaise foi et apostés tout exprès par les aristocrates, par les ennemis de la démocratie et les agens des rois, pour interrompre, dire des injures et donner des coups de poings, ne respectent pas plus la voix de ces citoyennes que celle du président, ce seroit un moyen de les connoître. Alors on en prendroit note pour faire des recherches sur leur compte. Ces citoyennes pourroient être changées tous les six mois ; celles qui montreroient le plus de vertu, de fermeté, de patriotisme dans le glorieux ministère de réunir les citoyens et de faire respecter la liberté des opinions pourroient être réélues pendant l’espace d’une année. Leur récompense seroit d’avoir une place marquée dans nos fêtes nationales et de surveiller les maisons d’éducation consacrées à notre sexe.

« Voilà, citoyens, un  projet que je soumets à votre examen.
« Théroigne. »


Quelle femme de Baghdad ne pourrait tenir aujourd’hui ce discours ?

Charlotte Corday et Théroigne de Méricourt ne furent  pas les seules à être utilisées sans états d’âme par les mêmes ambitieux sans scrupules. Il en est d’autres qui l’ont été tout autant, même si elles l’ont payé moins cher. Je veux parler des deux soeurs Fernig, Marie-Félicité (1770-1841) et  Marie-Théophile (1775-1819).

soeurs fernig portrait à l'huile Valenciennes ter.JPGNatives de Mortagne, dans le Nord, filles d’un capitaine et soeurs d’un futur général, ces deux jeunes femmes exceptionnellement douées pour le métier des armes ont d’abord combattu sous les ordres du lieutenant-général Beurnonville, futur ministre de la guerre, pour être assez vite – à l’âge respectif de 17 et de 22 ans – élevées au rang d’aides de camp du général Dumouriez . Lorsque celui-ci, forcé de jeter le masque et de passer à l’ennemi avec seulement son état-major pour le suivre (exemple rare de toute une armée refusant d’obéir à son chef), Marie-Théophile et Marie-Félicité furent de la chevauchée. Sachant ce qu’elles faisaient ? J’en doute. Des récits biographiques disent qu’à peine arrivées à Bruxelles, elles comprirent qu’elles venaient d’émigrer et n’eurent plus qu’une seule idée : repasser les lignes, s’expliquer et se faire réintégrer dans les rangs républicains.
Elles finirent par mener à bien leur évasion, mais non à convaincre totalement de leur bonne foi. Elles ne furent pas punies de leur défection temporaire, mais ne furent pas réintégrées non plus : leur carrière militaire était finie. Toutes deux sont plus tard retournées vivre à Bruxelles, sous occupation française il est vrai, mais en qualité de civiles (Marie-Félicité mariée, Marie-Théophile célibataire). C’est là qu’elles sont mortes, la cadette sous l’occupation hollandaise, l’aînée sous la  monarchie belge.

(Les soeurs Fernig, portrait à l'huile. Musée de Valenciennes)

 


Stèle Marcourt

  Stèle érigée par le village de Marcourt à sa plus célèbre citoyenne.

 

*

 

« On reconnaît la grandeur et le caractère d’une nation à la manière dont elle traite ses animaux». Gandhi

«On n'a pas deux cœurs, l'un pour l'homme, l'autre pour l'animal… On a du cœur ou on n'en a pas».
Lamartine

«La chasse est le moyen le plus sûr pour supprimer les sentiments des hommes envers les créatures qui les entourent ».
Voltaire

«Les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis ».
G.B. Shaw

«De l'assassinat d'un animal à celui d'un homme, il n'y a qu'un pas».
Tolstoï

«Les problèmes posés par les préjugés raciaux reflètent à l’échelle humaine un problème beaucoup plus vaste et dont la solution est encore plus urgente : celui des rapports de l’homme avec les autres espèces vivantes… Le respect que nous souhaitons obtenir de l’homme envers ses semblables n’est qu’un cas particulier du respect qu’il faudrait ressentir pour toutes les formes de vie… ».
Levi-Strauss

Etc. etc. etc.

 

brigittebardotetunphoquereference

 

.....«Que d’applaudissements ! Mais aussi quels rires ! Quelle proie que la “Muse de la Démocratie”, que cette “Vénus donnant des leçons de droit public” pour les moqueries et les huées ! » auraient pu redire les Goncourt, s’il eussent connu Brigitte Bardot.

Ne dénonçons pas les Rivarol, les Peltier, les Champcenetz, les Suleau et les Marchand d’aujourd’hui, qui ne tarissent pas « d’ironies, de soufflets, de gorges chaudes et d’ordures » à son sujet.

Il est vrai qu’elle y a prêté le flanc en  adoptant, depuis son dernier mariage, le discours de ceux qui l’entourent. Elle n’est pas la première, nous venons de le voir, à subir l’influence d’hommes peu recommandables. Ni la dernière. Et, certes, elle a répété, sur ceux qui sont, que cela plaise ou non, l’avenir de la France, d’assez consternantes sottises. Elle a pris, comme tant d’autres, la couleur de son environnement..

Qu’elle ait, à un moment de sa vie où une très jolie femme devient fragile, fait l’objet d’une OPA malintentionnée serait très cruel à lui dire, et au fond, ce n’est peut-être même pas vrai. On ne devrait jamais vieillir. On ne devrait jamais se mettre à boire pour ne pas voir que le temps vous outrage, alors qu’on ne lui a rien fait. Que celui qui ne s’est jamais trompé lui jette la première pierre. Après tout, le grand Vallès lui-même a bien écrit un livre sur l’argent, pour essayer de se persuader que les capitalistes avaient raison...

Pourtant, « Muse de la Démocratie », elle l’a bel et bien été quand ce mot signifiait encore quelque chose. Et cette Vénus a vraiment donné des leçons de droit public ! Ou n’y a-t-il que moi qui se souvienne de cette mi-décembre de 1961, où, seule, elle a osé répondre par un non catégorique au chantage de l’OAS? Croit-on peut-être que ce n’était rien et qu’il n’y fallait pas de courage ? « Si vous ne voulez pas être plastiquée »... (Sartre venait de l’être)... « Payez secrètement »... Combien de ses vertueux censeurs d’aujourd’hui ont-ils payé alors « secrètement » pour être laissés en paix, et tant pis pour les Algériens et tant pis pour le contingent ? A-t-on oublié ses mots d’alors à L’Express : « ...les inspirateurs de ce genre de lettres seront rapidement mis hors d’état de nuire s’ils se heurtent partout à un refus net et public de la part des gens qu’ils cherchent à terroriser par leurs menaces et leurs attentats (paroles réactivées, et de quelle manière, par les femmes algériennes des années 1990) En tout cas, moi, je ne marche pas, parce que je n’ai pas envie de vivre dans un pays nazi. » A-t-on oublié le billet d’André Wurmser en première page de L’Humanité, lorsqu’un de ses films fut sifflé dans un cinéma d’Alger, et sa photo, pendant plusieurs jours en page politique du même quotidien, sans compter les autres ? Lui en a-t-on prêté des motifs, alors qu’elle n’était tout simplement pas intimidable ! Déjà célèbre de toutes les manières, y compris par la liberté de ses moeurs, elle l’a été à ce moment-là d’une manière toute nouvelle et pas « people » pour un sou, qui a forcé le respect jusque hors de France. (Je rappelle en passant que c’est un autre acteur, Peter Ustinov, qui a cassé le pouvoir d’intimidation du McCarthysme, en répondant par de spirituelles insolences au questionnaire qu’on lui fit remplir à son entrée aux États-Unis.) On peut penser ce qu’on veut des dérives de la Bardot d’aujourd’hui, et je n’en pense pas de bien, mais comment oublier, en même temps, qu’aux instants du vrai danger – pas du chantage à l’insécurité ! – elle n’a ni émigré à Hollywood ni planqué son magot en Suisse, mais est restée au contraire à travailler en France, et à y payer ses impôts ?

Par ailleurs, il est un point sur lequel personne, jamais, n’aura pu l’influencer, c’est sa défense, bec et ongles, des innocents entre tous, dont le martyre perpétuel passe nos capacités d’imagination et d’encaissement. Nous voulons bien laisser faire, mais nous ne pourrions pas savoir sans tomber dans les pommes.

Là, non seulement elle n’a subi aucune influence, bonne ou mauvaise, mais c’est elle qui a pesé – qui pèse encore – sur son siècle. Je n’ai, pour ma part, vu un  tel déni d’anthropocentrisme que chez deux autres personnes, que je vénère pour cela et que j’admire pour beaucoup d’autres raisons : Paul Léautaud et John Cowper Powys. Pourquoi sont-ils si rares, ceux qui comprennent que, si les animaux n’ont que deux miroirs à leur cerveau quand nous en avons plusieurs, cela nous donne des responsabilités supplémentaires, pas des droits ?

Je me souviens comme si c’était hier – pas vous ? – de sa toute première manifestation dans ce sens. C’est en 1962, à la télévision, qu’elle est apparue dans l’émission d’Éliane Victor « Les femmes aussi », pour flanquer la torture des animaux de boucherie dans l’assiette de millions de patates de divan. Elle n’a plus jamais arrêté depuis. Combien de présidents de la République est-elle allée voir pour tenter de les persuader de légiférer un peu, un tout petit peu, contre la barbarie à pleins tubes ? Cinq ? Six ? Tiens, fume ! Et voilà qu’au moment où elle s’y attendait peut-être le moins, il y en a un, enfin, qui l’a entendue, et qui vient d’interdire la chasse aux bébés phoques sur le territoire de son pays, qui se trouve être le plus vaste du monde  – non, bien sûr, ce n’est pas en France – et à qui elle a écrit :  «Monsieur le Premier Ministre, qui restez mon Président de coeur, merci ».
 
Et si on lui donnait un petit coup de main ?

« Monsieur le Premier Ministre et Président de coeur de Brigitte Bardot, encore un effort ! Maintenant que vous leur avez sauvé la vie, empêchez qu’on en fasse des orphelins. Rendez ce plus grand de tous les services à vos compatriotes : aidez-les à grandir. Qui sait... peut-être alors feront-ils tache d’huile... D’avance, toutes les femmes dignes de ce nom vous remrcient. Et comment va Mashenka-Milashka ?

« Salutations déférentes. »

 

*

 

Il paraît que Jean Ferrat (on n'est plus tout à fait le 8 mars) avait appelé son âne « Justice sociale ».
Dans ce cas, c’était une ânesse, pas un âne.


Les Antraiguois s’en occupent-ils, maintenant que son humain n’est plus ?


anesse + carotte

Magne-toi, Justice sociale si tu veux des carottes !

 

 


J’aurais voulu parler de tant d’autres...


STAS - Mauvaise graine bis

Mauvaise graine, collage d’André Stas.

 
J’aurais voulu parler de la veuve de Marat, Simonne Evrard, épousée « sur l’autel de la Nature », et de la soeur de Marat, Albertine. Car c’est avec ces deux femmes, réfugiées après la défaite dans un petit bourg suisse et « vivant ensemble d’une rente minuscule sur l’État et du travail de leurs mains », que Philippe Buonarrotti a entrepris de mettre sur pied une quantité de sociétés secrètes qui, sous le Consulat, sous l’Empire et sous la Restauration, ont détourné la franc-maçonnerie à des fins politiques, dans le but de républicaniser l’Europe. Si indignes qu’elles en soient devenues, toutes les gauches européennes sont sorties de leurs mains. Sans lui, et sans elles, ni Marx, ni Bakounine, ni Élisé Reclus, ni Lénine n‘auraient trouvé le moindre auditeur..

J’aurais voulu parler de ma très chère May Picqueray, de Louise, la Canaque d’honneur, de Séverine, qui tant impressionna Léautaud, de la mère d’Haroun Tazieff, qui fut la première chimiste en jupons de Russie, docteur en sciences politiques et athée, qui épousa un Tatar musulman, le perdit à la guerre, devint membre du Komintern et sauva, pendant la guerre suivante, des petits enfants juifs et ceux de Maurice Thorez pêle-mêle (alors, Frédéric, cette biographie, ça vient ?).

J’aurais voulu parler de Silvia Cattori, de Mona Chollet, de Paula Jacques et de toutes celles qui, comme elles, pensent que le talent ne suffit pas, s’il n’y a pas une conscience pour aller avec. Et, tiens, à propos, j’aurais bien aimé parler des cailles coyphées, des belles thélémites, des fillettes de par icy et même des Gargamelles de mon très cher aussi maître François, ce sera pour une autre fois, et puis il le fait si bien lui-même. Misogyne ? Vous ne savez pas lire !

J'aurais voulu parler des Anglo-Saxonnes, presque toutes des femmes de lettres, qui, au moment où Zetkin et Armand posaient politiquement le problème de l'égalité des sexes et de la libération des moeurs, ont choisi de le faire de façon expérimentale, au prix d'un tribut souvent très lourd : les Virginia Woolf, les Violette Trefusis, plus tard les Virginia Townsend Warner et les Mary Renault, mais aussi les femmes de la mouvance de D.H. Lawrence et celles du clan Powys - celles du noyau et celles de la couronne, les Marian et Gertrude Powys, les Frances Gregg, Phillys Playter, Alyse Gregory et Gamel Wolsey, sans oublier Hilda Doolittle et Isadora Duncan. Combien d'autres encore...

J’aurais voulu parler de Marie N’Diaye, qui pense en même temps qu’elle écrit. Ça existe encore, ça, un écrivain qui pense, à part M. Michon ? Madame, surtout, ne lâchez pas la langue française ! C’est un Stradivarius des langues, mais elle a terriblement besoin de votre sang neuf, de vos mots neufs, de vos tournures neuves et de votre façon de penser, sinon elle mourra, car ceux qui en ont hérité lui préfèrent le pidgin qu’ils prennent pour de l’anglais. Ne leur laissez pas nous faire ce coup-là !

J’aurais voulu parler de Pascale Vandegeerde, qui a tiré quinze ans de prison dans l’indifférence générale pour sauver les Belges du déshonneur, qui est allée jusqu’au bord de la folie mais sans broncher sur ses principes, et qui maintenant fait des jardins comme si personne ne lui devait rien.

Que dire de Joëlle Aubron ? Peut-être que, pendant que j’écris ceci, elle fume des asphodèles avec  Rachel Corrie.

Quant à celles qui sont au pouvoir... « Une femme au pouvoir, qu'il s'agisse du pouvoir politique ou économique, est un homme » (José Saramago). Une femme châtrée en tout cas.

J’ai dit que je ne parlerais pas de paix, mais je veux bien parler de guerre à la guerre...

C’est quand qu’on rejoue Lysistrata, version mondiale ?

Voilà. Désolée d’avoir empiété sur l’année de l’homme.

 

Marie Mouillé

 

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Notes

1. Dans William Shakespeare.

2. On les appelle aussi refusniks, n’en déplaise aux joyeux drilles du Jeu des Dictionnaires.

3. « agenbite of inwit !... Ils ont beau me dire que c’est tout simplement «conscience» en vieil anglais. Conscience ! Il me semble entendre quelque Déméter à tête de jument hennir son dédain mystique  pour le  derner mot des Mystères d’Éleusis ! » John Cowper Powys, James Joyce’s Ulysses – An appreciation.

4. On appelait d’ailleurs cette station thermale « le Café de l’Europe ». Entendez : son tripot. On y jouait des sommes colossales. Artois et Provence y perdirent, certains soirs, de quoi nourrir tous les pauvres de France pendant plus d’un an. Une de leurs distractions, à la sortie du « Wauxhall », était de jeter dans la Hoëgne des piécettes de cuivre aux gamins, à condition qu’ils allassent les y chercher avec les dents.

5. En moins d’un an, elle avait emprunté 8000 livres.
 
6. Louis David, qui, pendant la Révolution, dirigea les Beaux-Arts.

7. Jean-Louis Carra, journaliste et conventionnel, qui sera guillotiné avec les Girondins en 1793.

8. « Le chevalier, un homme de 34 ans environ, avait le talent d’indisposer tout le monde contre lui... Il était indiscret, insolent, fanfaron et savait mentir avec le plus grand sang-froid... il tournait de jour en jour au chevalier d’industrie. » (M. Strohl Ravelsberg)

9.
Elle voulait demander des comptes à Mercy-Argenteau, ignorant qu’il avait entretemps été remplacé par Metternich.

10.
Pour Dora Weiner, Esquirol est plus qu’un élève de Pinel, il est aussi un rival qui sort vainqueur de ce qu’elle appelle « la joute du vocabulaire ». Ils sont opposés aussi par des traditions politiques différentes : alors que Pinel reste associé à l’utopie de la Révolution, Esquirol est monarchiste. Avec les changements politiques post-révolutionnaires en France, Pinel est progressivement relégué, alors qu’Esquirol devient le centre de l’organisation nationale du monde asilaire avec la Restauration. À partir de 1817, Esquirol est au zénith en ce qui concerne la folie et son vocabulaire supplante de plus en plus celui de Pinel. Esquirol ne s’embarrasse pas de finesses hippocratiques démodées et l’heure n’est plus à la vocation universaliste de guérir la manie en tant que problème de l’humanité, mais d’administrer une folie qui est devenue un problème national. (Diego Alcorta, Dissertation sur la manie... aiguë ?)

11. http://canalmythos.blogspot.com/ ...
        http://canalmythos.blogspot.com/2007/02/de-lorigine-de-lexpression-jeunesse.html

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LIVRES

Sur ou de Clara Zetkin :

Clara Zetkin, Selected Writings, 1991 (en anglais)
Dorothea Reetz, Clara Zetkin as a Socialist Speaker, 1987. (en anglais)

Sur Inès Armand :

Jean Fréville, Une grande figure de la Révolution russe : Inessa Armand, Paris, Éditions sociales, 1957.

Georges Bardawil, Inès Armand : La deuxième fois que j’entends parler d’elle, Paris, J.C. Lattès, 1983.

R.C. Elwood, Inessa Armand, Revolutionary and Feminist, Cambridge University Press, 1992 et 2002.

Sur Rachel Corrie : 

Je m'appelle Rachel Corrie, Texte d'après les écrits de Rachel Corrie adaptés par Alan Rickman et Katharine Viner, traduits en français par Séverine Magois. (Représentations dans divers théâtres de France, de Suisse et de Belgique. Aucune publication en français !)

Sur les femmes et l’Afghanistan :

Nadeem Aslam, La vaine attente, Paris, Seuil, 2009 (roman traduit de l’anglais, auteur pakistanais en exil).

Nous espérons pouvoir revenir plus tard sur l’extraordinaire floraison de talents littéraires qu’offrent, en ce moment, l’Inde, l’Afghanistan et le Pakistan.

Victor Hugo sur Tacite (à propos d’Aline de Diéguez) :

C’est dans William Shakespeare, in Oeuvres complètes de Victor Hugo, Paris, Hetzel – Quantin, 1864. En ligne http://fr.wikisource.org/wiki/William_Shakespeare_%28Victor_Hugo%29
Les curieux y liront, sur William Pitt, une page d’anthologie (chapitre « L’Histoire réelle », pp. 315-316 de l'édition sus-citée.).

Sur les Shministim :

Des sites et des vidéos (taper "shministim" dans Google).

Celui-ci est en anglais :  http://december18th.org/

John Cowper Powys, James Joyce’s Ulysses – An Appreciation, Londres, The Village Press, 1975.

Sur Théroigne de Méricourt
:

Edmond et Jules de Goncourt, Portraits intimes du dix-huitième siècle, Paris, Flammarion & Fasquelle, 1857 (Les citations de Théroigne à l'orthographe non retouchée : d'après la collection des Goncourt.)

Strohl-Ravelsberg, Les Confessions de Théroigne de Méricourt, la belle Liégeoise. -  Extrait du procès-verbal inédit de son arrestation au pays de Liège, qui fut dressé à Koufstein (Tyrol), en 1791 (208 p. fol.). (Ouvrage édité en 1892 à Paris, d'après une autobiographie écrite au crayon par Théroigne et reposant aux Archives de Vienne.)

Baron Camille Buffin, Récits d’hier et d’aujourd’hui, Renaix, Leherte-Courtin & Fils, s.d. (1900 -1920).

Georges Laport, La vie trépidante de Théroigne de Méricourt, Mézières-Charleville, Les Cahiers Ardennais, 1931.

Notice biographique officielle de la Principauté de Liège en ligne :
http://perso.infonie.be/liege06/12douze10.htm

Théroigne de Méricourt, La lettre-mélancolie, Paris, Verdier, 2006, Texte édité par Jackie Pigeaud, transcription de Jean-Pierre Ghersenzon. (Voir ici le compte-rendu qu’en fait Maïté Bouyssy, pour Les Annales historiques de la Révolution Françaisehttp://ahrf.revues.org/6643 )

Bibliographie non exhaustive.

Sur Perregaux, espion suisse :

Robert Darnton, L'aventure de l'Encyclopédie, 1775-1800, un best-seller au siècle des Lumières, Paris, Perrin, 1982

Sur Perregaux, espion anglais et banquier de la France :

Albert Mathiez, « Le Banquier Perrégaux », Annales révolutionnaires, XI, mars 1920, p.242-252.
Albert Mathiez, « Encore le banquier Perrégaux », Annales révolutionnaires, XII, avril 1920, p. 237-243.
Henri Guillemin, Napoléon tel quel, Paris, Trévise, 1969 – Réédition Utovie, 2005.
Olivier Blanc, La Corruption sous la Terreur, Paris, Robert Laffont, 1992.
Olivier Blanc, Les Espions de la Révolution et de l’Empire, Paris, Perrin, 1995.

De Brigitte Bardot :

Noonoah, le petit phoque blanc, Éditions Grasset jeunesse, 1978.

Initiales B.B., Éditions Grasset. Mémoires (Tome 1 - de 1934 à 1973), 1996.
Le Carré de Pluton, Éditions Grasset. Mémoires (Tome 2 - de 1973 à 1998), 1999.
Un cri dans le silence, Éditions du Rocher, 2003
Pourquoi ?, Éditions du Rocher. A l'occasion du 20ème anniversaire de sa Fondation, Brigitte Bardot retrace tout son combat pour la protection animale - plus de 300 photos, 2006. 

Sur Brigitte Bardot :

Prière de se reporter à Wikipédia.

Sur Vladimir Poutine, les phoques et les tigresses :

http://www.russiablog.org/2009/03/putin-bans-seal-hunt-ca...

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/20080901.OBS965...

(Aux dernières nouvelles, la tigresse va bien, a eu un petit, a été perdue pour cause de collier désactivé, a été retrouvée, a un nouveau collier, a recommencé à circuler sur l’écran du Premier ministre.)

http://www.videos.nouvelobs.com/video/iLyROoafYHHy.html

(La petite tigresse de deux mois a maintenant plus d'un an et se trouve dans la réserve naturelle de Krasnogorsk.) 

De José Saramago :

Interview accordée à Aliette Armel pour Le Magazine littéraire (Mars 2010 - N°495)

Le cahier, chroniques parues sur Internet entre septembre 2008 et mars 2009, préface d'Umberto Eco, traduit du portugais par Marie Hautbergue, Paris, Le Cherche Midi, 2010.

Le voyage de l'éléphant, traduit du portugais par Geneviève Leibrich, Paris, Seuil, 2010