25/10/2017

LA PARTIE D'ÉCHECS LA PLUS IMPORTANTE DE TOUS LES TEMPS - II.

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« LA PARTIE D’ÉCHECS LA PLUS IMPORTANTE DE TOUS LES TEMPS »

 

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Le discours de 3h1/2 de Xi Jinping devant le 19e Congrès National du PCC était en fait une introduction succincte à la feuille de route de la Chine pour le futur.

Le discours de Xi Jinping était à longue portée mais, ce qui est beaucoup plus important, absolument faisable, si on se fonde sur l’impressionnant bilan de la Chine

Adam Garrie – TheDuran18 octobre 2017.

 

Le président chinois Xi Jinping a pris la parole à la séance d’ouverture du 19e Congrès du Parti Communiste. Jusqu’ici, les principaux commentaires sur ce discours parlent de sa longueur monumentale, puisqu’il a duré plus de trois heures et demie.

 

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Le président chinois Xi Jinping

 

Bien qu’endurer un discours d’une telle longueur ne soit pas spécialement facile, avec le recul, le discours de Xi constitue un résumé remarquablement succinct des réalisations de la Chine, tout en offrant une feuille de route aisée à comprendre de la Chine et d’ailleurs aussi de ses partenaires, pour le reste du XXIe siècle. Si on essaie de condenser et de synthétiser plus de cent ans de succès passés et de programmation future, écouter trois heures et demie d’un discours est en réalité plus court que les copieux documents et analyses politiques qu’on pourrait avoir à lire autrement pour engranger une information aussi essentielle.

À cause de cela, beaucoup des médias dominants occidentaux ont décidé d’occulter le discours complet en invoquant sa longueur, alors qu’en réalité ces « journalistes » ne tiennent pas à affronter l’ascension de la Chine à sa place de superpuissance du monde moderne.

Vous pouvez voir ici le discours en entier. Sous la vidéo, je vais essayer d’expliquer ce que j’ai ressenti comme en étant les points les plus importants.

 


 

L’intervention de Xi Jinping fut tout entière enchâssée dans le thème principal de sa présidence : le développement continué du marxisme dans sa particularité chinoise. Ceci signifie essentiellement l’engagement de conserver les habitudes culturelles et socio-économiques chinoises dans le contexte de l’économie de marché socialiste, dont Deng Xiaoping, qui fut le leader primordial de la Chine de 1978 à 1989, a été le pionnier.

L’aspect le plus révolutionnaire du discours comprenait un engagement à construire le progrès industriel, infrastructurel et financier de la Chine, pour en faire, à l’intérieur, un pays toujours plus prospère. Alors que des mots comme « luxe » charrient encore une certaine stigmatisation dans le contexte d’un parti communiste, ce qu’a promis Xi est en réalité exactement ça.

Alors que les travailleurs chinois ont travaillé inlassablement pour faire passer la Chine d’une économie agraire à une économie prospère qui va bientôt dépasser les USA en termes de puissance économique totale (dans beaucoup d’autres domaines, la Chine a dépassé les USA depuis quelque temps déjà), Xi a fait comprendre que le temps était venu, pour les Chinois et les Chinoises de jouir davantage des bénéfices de la richesse qu’ils ont créée.

Pour que ceci se réalise, Xi a parlé de plusieurs stades de développement du « grand socialisme moderne », excroissance naturelle du socialisme de marché de Deng.

Dans la pratique, cela exigera deux choses. Avant tout, Une Ceinture-Une Route aidera à raccorder le modèle chinois de croissance économique à d’autres économies dynamiques et croissantes à travers de multiples régions du monde. La Chine est en train de créer un monde où les pays en développement pourront augmenter leur productivité tout en maintenant fondamentalement une totale indépendance politique. Deuxièmement, Xi a un vaste programme destiné à faire pivoter les investissements intérieurs de la Chine de projets basés primordialement sur l’infrastructure vers des projets qui amélioreront la micro-direction de la vie quotidienne. De beaucoup de manières, des programmes de ce genre, au niveau des villes, sont déjà en très bonne voie.

La réticence de la Chine à intervenir dans les questions politiques des autres pays a constitué un thème récurrent du discours de Xi. Ceci avait pour but de rassurer les nouveaux partenaires de la Chine, mais faisait aussi partie d’une déclaration plus large, selon laquelle, dans un XXIe siècle dominé par la Chine, la domination serait organiquement économique en termes de ressources accessibles et non une domination politiquement ou idéologiquement impérialiste. De multiples façons, il n’y a pas de meilleur endroit pour rassurer ses partenaires du manque d’intérêt de la Chine à exporter une idéologie qu’un congrès du Parti Communiste. Dans ce sens il a été exprimé clairement que la dialectique idéologique de la Chine est réservée à la Chine et non à ses partenaires. On pourrait résumer cela en une seule phrase de la façon suivante : « Le grand socialisme moderne dans un seul État et Une Ceinture-Une Route pour tous les partenaires indépendants ». Pour le dire autrement : « Beaucoup de systèmes politiques, un but de prospérité commun ».

Entre aujourd’hui et l’année 2020, la Chine travaillera a solidifier les gains économiques et sociaux de la dernière décennie, chose qui sera couronnée par l’achèvement du projet de modernisation de l’Armée de Libération Populaire en 2020, en même temps que des efforts seront poursuivis pour éliminer totalement la pauvreté rurale et développer les secteurs de l’agriculture moderne et de l’industrie en dehors des régions urbaines modernes de la Chine.

Entre 2020 et 2035, la Chine travaillera à bâtir un pays « prospère, fort, démocratique, culturellement avancé, harmonieux et beau ». En termes plus pratiques, cela signifie un pays où les standards de vie réels des Chinois continueront de croître, tandis que les conditions de vie resteront à l’abri des pics et des effondrements qui ont été le fléau des sociétés occidentales au cours des dernières décennies.

Tandis que les capitalistes critiquent souvent les pays socialistes pour leur pauvreté en objets de luxe et en activités de loisirs et qu’à l’inverse beaucoup de socialistes critiquent les pays capitalistes parce qu’ils rendent la culture inaccessible et une stabilité de vie impossible, le programme de Xi ambitionne d’offrir à la fois la stabilité, des environnements résidentiels et de travail constants et satisfaisants, tout en augmentant également la capacité des citoyens de base d’enrichir leurs vies par des activités culturelles et que les nouvelles avenues de l’amélioration sociale seront rendues possibles par les technologies modernes auxquelles la Chine s’est à la fois préparée mentalement et a fait œuvre pionnière.

Dans ce sens, la Chine se prépare à la réalité économique et sociale de l’âge de la mécanisation industrielle. Là où beaucoup d’entrepreneurs occidentaux tels qu’Elon Musk ont préconisé un salaire vital fixe pour tous les citoyens, de façon à pouvoir affronter une mécanisation accrue, les propositions de Xi veulent garantir effectivement le partage et la distribution de l’immense richesse de la Chine par un programme d’investissements directs au bénéfice des gens et de leur environnement social. Ainsi, plutôt que de payer aux gens un salaire arbitraire, la Chine, après 2035, fera de plus en plus en sorte que se développe une société où la richesse sera transférée à l’ensemble des citoyens sous forme d’investissements diversifiés, chose qui pourra être harmonieusement réalisée grâce à l’entrée dans l’âge de la méga-mécanisation.

Une partie des recommandations de Xi pour améliorer la qualité de la vie des Chinois est de veiller à toujours équilibrer le développement infrastructurel et la protection écologique. Étant le pays qui s’est plus rapidement industrialisé que n’importe quel autre dans l’histoire, la Chine a déjà commencé à s’engager dans la technologie verte, particulièrement dans le domaine de la création d’énergies plus complètement que n'importe où ailleurs. Quand la Chine commencera à exporter ses technologies vertes, Pékin sera presque devenue un leader mondial dans ce domaine.

Xi Jinping a aussi parlé de la nécessité de s’assurer davantage encore que la corruption ne s’implante pas en Chine malgré la diversification économique et la croissance. Il a encouragé les fidèles du parti à rester attachés aux valeurs traditionnelles en préparant le développement des nouvelles manières de penser et des nouvelles manières de résoudre les problèmes.

 

Cela marchera-t-il ?

Prises au pied de la lettre, toutes les propositions de Xi sont impressionnantes. Il serait difficile pour quiconque autre qu’un idéologue de ne pas être d’accord avec le champ d’application global de ce long discours.

C’est pourquoi la plus grosse question qui reste à poser est : la Chine sera-t-elle capable d’accomplir ces exploits ?

La simple réponse, fondée sur le bilan moderne de la Chine est un OUI retentissant.

La Chine a été capable de créer et de bénéficier d’une révolution industrielle moderne, une révolution dans l’organisation et la vie dans les villes, une révolution de la consommation, une révolution des standards de vie et une révolution technologique, tout cela en une période de 30 à 40 ans.

Ce qui reste à faire à la Chine, c’est bâtir, sur ces fondations qu’elle a posées à une vitesse phénoménale, si on considère le volume de sa population et la masse de son territoire.

Parce que toutes les propositions de Xi comprennent une combinaison d’investissement intérieur et de partenariats extérieurs qui comprennent à leur tour de nouvelles opportunités d’investissements multilatéraux en même temps qu’un engagement déterminé envers la paix, la seule manière dont le progrès de la Chine puisse être compromis serait par l’intervention d’une puissance étrangère.

Quoi qu’il soit clair que les USA ont l’intention de compromettre le développement extérieur de la Chine par le moyen d'Une Ceinture-Une Route, il est également clair que les indubitables tentatives US de le faire se sont traditionnellement soldées par des échecs. Le pivotement de Washington vers l’Inde, tentative évidente de faire échouer l’alliance sino-pakistanaise, est devenu honte publique lorsque Washington a en quelque sorte pris diplomatiquement ses distances d’avec New Delhi, après qu’il fût devenu clair que l’Inde ne croit pas qu’il soit bien prudent de sauter dans le train du nouveau désastre afghan de l’Amérique. Ceci limite d’autant les options de l’Inde à long terme, si New Delhi ne réussit pas à rejoindre la Russie et le Pakistan sur le parcours d’Une Ceinture-Une Route. Bien que les USA aient pris soin de sortir quelques déclarations pro-Inde le jour du discours de Xi, le timing et la nature des remarques montrent qu’il peut s’agir là du dernier hoquet d’une politique en plein cul-de-sac plutôt que d’une réelle revitalisation.

Pour ce qui est de l’Asie du Sud-Est, la crise prolongée au Myanmar semble devoir être maîtrisée de l’intérieur. Le danger, c’est que les États-Unis pourraient encore internationaliser les conflits dans l’espoir de faire barrage aux partenariats de la Chine en Asie du Sud-Est. Ailleurs dans l’Asie du Sud-Est cependant, les Philippines pourraient bientôt devenir une double « success story », à la fois pour Manille et pour Pékin, puisque, dès cette année, Xi Jinping a salué « une ère dorée » des relations entre l’ex-colonie US et la Chine, chose qui a été rendue possible par le pivotement du président Rodrigo Duterte, qui s’est détourné de Washington pour se rapprocher à la fois de la Russie et de la Chine. La Chine se prépare aussi à construire tout un nouveau quartier à Manille, qui servira de vitrine aux Philippines pour le reste du XXIe siècle et au-delà.

En ce qui concerne le Moyen Orient, alors que les États-Unis y ont causé une dévastation majeure, il y a désormais davantage de pays disposés à (et capables de) travailler avec la Chine qu’il n’y en a jamais eu auparavant, en ce compris des pays comme l’Iran et l’Arabie Saoudite, le Qatar et l’Égypte, le Liban et l’Irak, la Syrie et la Turquie.

L’ouverture récente, par la Chine, d’une base militaire logistique à Djibouti, semble devoir aussi lui assurer de futurs partenariats en Afrique. De plus, la chaleur des relations de la Chine avec la Russie signifie que deux des trois superpuissances du monde sont sur la même longueur d’ondes, et c’est quelque chose de très différent de ce qui a caractérisé l’époque de la Guerre Froide, quand l’URSS, la Chine et les USA avaient trois ordres du jour très différents, dont chacun rendait possible à une des trois puissances d’exploiter les deux autres.

Par-dessus tout, sur le point de savoir si Xi Jinping et ses successeurs seront capables de concrétiser les monumentales promesses faites dans le discours d’aujourd’hui, les pronostics paraissent réalisables à un point surprenant. La Chine a montré au monde qu’elle peut faire se produire ce qui est difficile à une vitesse qui choque beaucoup de sceptiques et avec une exactitude qui laisse confondus les observateurs ou les précédents géants économiques émergents

Dans ce sens, il n’est pas du tout hors les bornes du réel qu’un discours de 3h1/2 puisse façonner les cent ans à venir de l’histoire de la Chine et du monde.

Source : http://theduran.com/xi-jinpings-3-5-hour-speech-before-th...

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

 

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J’y reviens parce que j’en ai marre d’entendre caqueter de fascisme et d’antifascisme par des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent.

 

 

Déjà Caméléon perçait sous Malaparte

 

Théroigne – L.G.O.25 octobre 2017

 

C’était trop tentant pour qu’on y résiste et il ne faut jamais résister aux tentations.

Cela dit… est-ce juste ? Ou ses retournements vrais ou apparents, voire opportunistes, ont-ils eu une logique interne et des causes qui ont échappé à tous, y compris peut-être à lui-même ?

Il y a tout juste 60 ans qu’il est mort (juillet 1957) et il est toujours en enfer. Celui de la bien-pensance évidemment, mais celui de l’ignorance qui en découle n’est pas mal non plus. Je propose qu’on y revienne un peu plus tard, non pas pour vider l’abcès – que les italiens se débrouillent avec leur histoire ! ­–, mais pour essayer d’y voir clair, de « comprendre » comme le suggérait Simenon.

Dans l’immédiat, oubliez s’il vous plaît les petits maoïstes franchouillards à qui José Artur disait « À 40 ans, vous serez tous notaires » en ne se trompant pas. Oubliez Sollers, July et tutti quanti.

Le dernier très grand amour de Malaparte fut la Chine. Coup de foudre instantané.

 

Extraits de Io, in Russia e in Cina [Moi, en Russie et en Chine]

Publication posthume de 1958

(En français : « En Russie et en Chine » parce que les éditeurs français sont incapables de respecter un titre original)

 

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Malaparte à l'hôpital Sanatrix - Rome - Juillet 1957

 

« Oui, c’est sûr, je suis encore très fatigué. Le voyage de Pékin à Rome a été long, fatigant, bien que toutes les précautions aient été prises pour m’épargner l’excès de fatigue du vol de dix mille kilomètres de la Chine à l’Italie. Et peut-être la raison de ma fatigue n’est-elle pas tant physique que la douleur de la séparation d’avec mes amis chinois.

Je le savais même avant d’aller en Chine, ce que signifiait le mot frère, mais la vraie, profonde, éternelle signification de l’expression amour fraternel, je ne l’ai apprise que pendant mon séjour et ma maladie en Chine. Et si j’insiste sur mon expérience en affection, gentillesse et solidarité humaine, ce n’est pas par esprit à la De Amicis*, mais parce que c’est un fait rare et merveilleux qu’un peuple engagé dans une lutte aussi dure contre l’héritage de misère et de souffrance du passé, pour la construction d’un grand pays moderne, libre, juste et humain, sache tourner une si grande partie de son esprit vers la bonté, la générosité et la fraternité.

La faim, la souffrance, l’esclavage, l’injustice rendent souvent les peuples durs et méchants. Le peuple chinois, nonobstant des siècles d’esclavage, de faim, d’humiliation, de terreur, est resté bon. Et la grande leçon qu’on apprend en Chine, dans la Chine Populaire de Mao Tse Toung, ce n’est pas seulement une leçon de courage, de sacrifice, de ténacité dans la lutte et dans le travail, mais c’est aussi, surtout, une leçon de modestie, de bonté, d’honnêteté. Pendant mon voyage à travers la Chine, du Shaanxi du nord à l’extrémité nord-occidentale du Turkestan, du Gansu au Hubei, j’ai vu de près un peuple de paysans et d’ouvriers uni et compact dans la construction d’une patrie neuve, libre et juste, d’une Chine socialiste.

Ce que j’avais vu à Ta Tun, dans le Shaanxi, à Urumçi, au Turkestan, à Langchou, au Hangzhou, à Xi’an, dans le Shenxi, à Tchoungking, au Setchouan, c’était une armée engagée dans une bataille contre les misères héritées du féodalisme, contre toute une histoire millénaire de tyrannie et de faim. Mais ce que j’ai vu pendant le cours de ma maladie, pendant les trois mois et demi passés dans les hôpitaux de Tchounking, de Hankou, de Pékin, c’est un spectacle encore plus extraordinaire et plus émouvant : celui d’un peuple entier engagé dans une bataille colossale contre la tuberculose, le rachitisme, l’anémie, la malaria, la dénutrition, c’est-à-dire contre les cent et cent maux qui, siècle après siècle de féodalisme, ont laissé un héritage épouvantable dans le sang de la population chinoise. […] Qu’on ne croie pas que les médecins des hôpitaux soient des médecins quelconques : ce sont en général des spécialistes de grande réputation, d’un niveau sûrement pas inférieur, et souvent même supérieur à celui des médecins américains et allemands. Le département psychiatrique de l’hôpital de Hankou est sans doute celui qui est équipé de façon la plus moderne de tout ce que j’ai pu voir, et il n’arrive pas, en Chine, comme c’est malheureusement le cas ailleurs, que les enfants qui peuvent y être hospitalisés soient seulement les enfants des riches. Ce sont les enfants d’ouvriers, de paysans, de pauvres gens. […] La directrice du département pédiatrique, le professeur Tao, m’a dit : « Les enfants ont une importance décisive pour l’avenir du monde, bien plus grande que beaucoup d’entre nous ne le croient ». Cette phrase du professeur Tao m’a fait ressouvenir de ce que m’avait dit un paysan chinois dans une coopérative agricole du Shaanxi: « Il n’y aura pas la guerre, parce que les enfants ne la veulent pas ».

Ce que j’ai télégraphié au président Mao Tse Toung en quittant la Chine est vrai : « Je suis venu en Chine en ami, j’en pars amoureux de la Chine ». Je ne pourrai jamais oublier ce que les autorités et le peuple chinois ont fait pour moi, et ce sentiment de gratitude et d’affection s’ajoute à mon sentiment d’admiration, de solidarité pour la grande œuvre de construction socialiste de ce peuple.

Comme je l’ai dit l’autre jour dans une interview à la Pravda, celui qui a vécu, de près, l’expérience chinoise, peut mieux que quiconque estimer sereinement et objectivement les douloureux épisodes survenus en Europe ces derniers mois. Ce sont des événements tragiques, pénibles, qui font de la peine à toute âme juste et honnête, mais qui ne peuvent toutefois, en aucune façon, ébranler la foi en l’avenir d’un monde de liberté, de justice et de bien-être, qui est le monde dont la Chine Populaire nous offre une image encore un peu verte, mais sûre et définitive.

Moi aussi, j’ai souffert de lire dans les journaux les nouvelles de Budapest, mais cette souffrance n’a jamais été accompagnée du moindre doute. La grande et positive expérience chinoise absout toutes les erreurs quelles qu’elles soient, parce qu’elle est la preuve manifeste et indiscutable que la somme des faits positifs, dans le mouvement du progrès, est supérieure toujours à la somme des erreurs. […]

J’aime les Chinois. Et je serai toujours à leurs côtés dans tous les cas, quoi qu’il puisse arriver dans le monde. J’aime les Chinois non seulement pour la raison personnelle du bien qu’ils m’ont fait, mais pour la raison plus valable et plus vraie du bien qu’ils font à tous les hommes et à tous les peuples. L’autre matin, à l’aéroport de Pékin, quand j’ai commencé à monter la raide passerelle d’embarquement du turboréacteur soviétique mis à ma disposition par le gouvernement chinois pour me ramener en Italie, la petite foule des autorités, de journalistes, de médecins, d’infirmières, d’employés de l’aéroport, d’écrivains, de diplomates, qui était venue me saluer – il y avait dans cette foule le ministre de la Culture de la République Populaire chinoise – est devenue tout à coup silencieuse. Je n’arrivais pas à monter les marches trop raides et je me suis affalé, à moitié évanoui. Le commandant du turboréacteur soviétique, un Russe blond aux mains énormes, est descendu en courant et m’a soulevé, presque porté, me hissant marche à marche vers la cabine de l’avion. La foule, frappée de ce spectacle pénible, se taisait. Arrivé en haut de la passerelle avec le souffle coupé (depuis plus de trois mois, je respire avec un seul poumon) je me suis arrêté pour reprendre des forces. C’est alors que je me suis rendu compte du silence de la foule. Je voulais dire quelque chose pour saluer mes amis, pour remercier, et me sont venus spontanément aux lèvres trois mots chinois, que j’ai prononcé lentement avec grande difficulté : « Uò ai zungkuojen », qui veulent dire « J’aime les Chinois ». Et ils se sont mis à pleurer.

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* Edmondo de Amicis est un auteur italien mort en 1908, qui a écrit des livres pédagogiques, dont Cuore et Les deux amis, classiques de la littérature enfantine, exaltant l’amitié entre camarades d’école, le courage, le patriotisme, etc.

Io, in Russia e in Cina – La Feltrinelli

Source : « Fu la Cina l’ultimo amore di Malaparte » https://www.agi.it/cultura/curzio_malaparte_60_anni_cina_...

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

(de l’italien parce que pas l’édition française sous la main)

 

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[Si je ne me trompe, c’était pendant les Cent Fleurs. Vladimir Vladimirovitch avait cinq ans, Xi Jinping en avait quatre. Malaparte n’a donc pas connu le « Grand bond en avant » ni la Révolution culturelle. Tant mieux pour lui.

Il n’aura pas connu non plus la Révolution cubaine, ses soixante et quelques années de blocus meurtrier, la Révolution des œillets portugaise, le Chili, l’Angola, la victoire des Sud-Africains, les petits Gazaouis vitrifiés au lance-flamme… Il n’aura pas connu les années Eltsine, Beslan, la guerre de Tchétchénie, la Russie de Poutine, la « libération verticale » qu’il avait pourtant annoncée (par les bombes) de la Yougoslavie, les années de plomb de son pays, Aldo Moro dans son coffre de voiture, le retour des nazis en Ukraine, les destructions systématiques de l’Irak, de la Syrie, de la Libye, du Yémen et j’en passe.

Il n’y a rien à répondre à ce qu’il dit, sinon le croire de toutes nos forces :

« …absout toutes les erreurs quelles qu’elles soient, parce qu’elle est la preuve manifeste et indiscutable que la somme des faits positifs, dans le mouvement du progrès, est supérieure toujours à la somme des erreurs ». ]

 

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Curzio Malaparte

En Russie et en Chine

Paris, Les Belles Lettres, 2014

Coll. Le goût des idées

272 pages

 

 

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Malaparte et les croix chinoises

Un récit d’Igor Man – La Stampa.it - 2002

 

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« Curzio Malaparte in hora mortis », par Luca del Baldo

 

Sur la poche de poitrine du pyjama (de soie) de Malaparte, il y avait une petite broderie, un dessin simple et pourtant complexe. « C’est le signe de la longévité – expliquait Curzio – un dessin de mes amis chinois. Ce n’est pas juste pour conjurer le sort, c’est un réconfort. Une aide pour le cas où il faille s’en aller. On peut continuer à vivre aussi de l’autre côté, dans le nouveau territoire qui nous est assigné par le créateur. Ce sera une vie plus difficile, mais peut-être moins pénible. Parce que, comme on le sait, vivre bien est assez facile, ils ne sont que trop nombreux à y réussir. Mais ça ne m’a jamais été possible. Ce qu’il y a, c’est que les choses difficiles me plaisent trop. Et que ça fatigue, parfois. Tant.

Curzio Malaparte préférait la lumière tamisée. Il avait appris à l’apprécier en Chine et ainsi désirait que dans sa chambre n’entrât jamais une trop forte clarté. Un après-midi pourtant, il voulut que j’ouvre la fenêtre en grand. C’était l’après-midi du 13 avril 1957. Il disait, content : « On est en avril, on ouvre la fenêtre et c’est le printemps. Laissons-le entrer, il ne lui faut qu’un moment. Maintenant, referme, s’il te plaît, Igor. Merci. Même si on ferme la fenêtre, c’est toujours le printemps. Il est entré. Désormais, si je touche quelque chose, c’est le printemps : le printemps est dans l’air, partout. Dans l’eau que je verse dans mon verre. Je bois le printemps dans l’eau. Dans une gorgée d’eau à peine. C’est comme ça. »

Quand il était là-bas, en Chine, dans cet hôpital près du Fleuve Bleu, il lui arrivait souvent de penser au printemps. Il y avait dans l’air une suave couleur de rose, racontait Curzio. C’étaient les persiennes de la fenêtre qui rendaient rose la lumière. Et verte aussi. Ou grise. Ou d’un bleu voilé d’argent. Comme le bleu de la Montagnola ou l’argent des oliviers de Poggiboni et des collines du Val d’Elsa. De Spazzavento. Fermant à moitié les yeux, Malaparte disait : « Alors, je me trouvais tout d’un coup au milieu d’un pays toscan. En Chine, la lumière fait de ces miracles ».

Les Chinois disent que la lumière est bonne et qu’on doit être gentils avec elle, qu’il faut la traiter bien, la lumière, ne pas s’en emparer avidement. Si on est gentils avec la lumière, la lumière te fait cadeau de plein de couleurs. Comme cela se passait là-bas, quand Malaparte était dans un hôpital voisin du Fleuve Bleu. Novembre finissait, et pourtant la lumière avait les tons délicats du printemps. La même chose se produisait en approchant de Noël. Curzio, toutefois, n’était plus soulevé par celle lumière gentille. Le directeur de l’hôpital lui demanda ce qu’il avait : « Vous avez perdu votre sérénité » dit-il. « J’avais promis, m'expliqua Curzio, aux enfants des phares, aux gamins des gardiens des phares qui toutes les nuits s’allument en Italie, que je leur ferais faire une belle fête de Noël. Pauvres petits, si loin et si perdus, toujours au milieu des vipères et sans jouets. J’avais espéré pouvoir être rentré à la maison pour Noël. Mais j’étais encore à l’hôpital. Je regrettais pour les enfants des phares. J’allais les décevoir. » C’est pourquoi Malaparte était triste, de mauvaise humeur. Même la lumière qui filtrait de la fenêtre ne réussissait pas à le soulager. Mais le directeur sourit. Comme seuls les Chinois le font et on ne peut pas comprendre s’ils sont émus ou indifférents, s’ils t’aiment ou s’ils te haïssent. On ne comprend pas. Jamais. Il sourit, le directeur, et dit : « Ici aussi il y a des enfants comme ceux que vous dites. Ils sont quatre, les enfants du gardien du phare qui se trouve au milieu du grand fleuve. Quelle différence y a-t-il entre un enfant et un autre, entre un enfant italien ou chinois ou russe ou américain ? Ce sont tous des enfants ». Ainsi, les enfants du gardien de phare chinois ont eu des cadeaux inattendus. « Et Noël a aussi été bon pour moi – disait Curzio – : j’ai reçu un très beau télégramme. Le ministre Tambroni avait débloqué un million pour le Noël des phares, pour les enfants italiens qui vivent isolés. J’ai eu un beau Noël, même si j’étais à l’hôpital et si l’Italie se trouvait de l’autre côté du monde. Même si les douleurs me rongeaient les os et m’ôtaient le sommeil. Un Noël avec les enfants des phares ».

Les enfants du gardien de phare chinois voulurent remercier Malaparte. Ils vinrent à l’hôpital avec un cadeau pour lui. « Oh, comme le cœur me battait, disait Malaparte, leur cadeau, c’était deux bocaux dans lesquels frétillaient deux petits poissons. Ils les avaient pêchés dans le grand fleuve qui va très loin, expliqèrent-ils. Curzio devait plonger les doigts d’abord dans l’un, puis dans l’autre des bocaux et effleurer les poissons. Comme ça son mal, la mauvaise maladie, passerait aux petits poissons. Une fois retournés au phare, les enfants les rendraient au grand fleuve et le fleuve les emporterait, eux et la maladie appelée cancer, quoique Curzio refusasse d’avoir le cancer : « J’ai la tuberculose, moi. Je l’ai attrapée avec les gaz d’ipérite quand je jouais aux cartes avec les morts de Bligny » disait-il au mépris de la vérité.

Une fois arrivés à la mer, les petits poissons eux-mêmes perdraient la maladie et elle disparaîtrait pour toujours. « J’ai fait comme ils disaient – racontait Malaparte – j’ai agité les doigts dans les bocaux, et les petits ont murmuré, satisfaits. Ils se sont inclinés, ils ont repris leurs bocaux, et après s’être encore inclinés, ils s’en sont allés. Ils marchaient tout doucement, en faisant bien attention que les poissons ne s’échappent pas, parce qu’il fallait les reverser dans le grand fleuve bleu qui devait les porter loin. Eux et la maladie. Oh, comme le cœur me battait, maintenant que je t’en parle, Igor, je me rends compte que j’ai été heureux ». […]

Source : http://www.farodihan.it/2002/11/30/malaparte-e-la-croce-c...

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades.

 

 

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Curzio Malaparte

La Volga naît en Europe

Paris, Les Belles Lettres, 2012

Collection « Mémoires de guerre »

304 pages

 

 

 

 

Pourquoi la Volga est un fleuve européen et pourquoi la Seine, la Tamise, le Tibre (et le Potomac aussi) sont ses affluents.

Pendant la guerre contre la Russie, dès le début de la campagne, au cours de l'été 1941, ma connaissance de la Russie soviétique et de ses problèmes m'aida beaucoup à juger de la nature des événements, et à prévoir leur inévitable évolution.

Il ne faut pas oublier que j'étais un correspondant de guerre de l'Italie, pays de l'Axe, au même titre que les trois cents correspondants de guerre affectés aux troupes italiennes sur tous les fronts, en Libye, dans les Balkans et même en Russie : que l'on ne s'étonne pas, par conséquent, que je fusse avec les troupes de l'Axe et non point avec les Anglais ou les Russes. Ce n'est pas ma faute personnelle si j'étais un citoyen de l'Axe et si les citoyens russes, anglais et américains étaient des citoyens des pays alliés. Ce que j'observais sur les champs de bataille n'était autre chose que la confirmation, la preuve de ce que j'écrivais sur la Russie communiste depuis plus de vingt ans. Dans toute mon expérience personnelle des choses russes, je me suis toujours refusé à juger la Russie soviétique du point de vue qu'on pourrait appeler « bourgeois », c'est-à-dire d'un point de vue nécessairement subjectif.

[…]

Il faut rappeler cette vérité, à la veille de la grande lutte qui pourrait se terminer par l’effondrement de la Russie soviétique. Car beaucoup de gens s’abandonnent au préjugé trop simpliste que la guerre contre la Russie soviétique, celle d’hier comme celle de demain, est tout bonnement une lutte de l’Europe contre l’Asie, contre des idéologies asiatiques. C’est contre des idéologies européennes que l’Allemagne dans sa guerre contre l’URSS a combattu hier : c’est contre des idéologies européennes que l’Amérique combattra demain, dans sa guerre inévitable contre l’autre Europe.

[…]

L’Europe bourgeoise ne peut plus rien désormais ­ – et je crois ne pas me tromper – contre la Russie prolétarienne. Elle a passé les cartes de son jeu à la grande démocratie « bourgeoise » américaine.

Il y aura peut-être, et elle me paraît inévitable et hélas prochaine, une tentative américaine pour s’opposer au communisme russe. Même si l’Amérique réussissait dans son intention d’abattre la puissance soviétique (ce qui est probable), sa victoire laisserait sans solution, en Europe, les problèmes qui agitent profondément l’esprit des masses prolétariennes.

Extraits de la préface écrite en français par Malaparte, pour l’édition de 1948.

 

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Malaparte jouant au samourai pour rire devant un public chinois bon enfant.

(Oui, je sais que les samourais c’est japonais !)

 

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CATALOGNE

 

Réponse de Bruno Drweski

à Do, de Mai 68 (http://mai68.org/spip2/spip. php?article843) :

 

« Si nous soutenons le gouvernement bourgeois indépendantiste de Catalogne, alors il faut être logique, il faut soutenir l'indépendance "kouchnérienne" du Kurdistan irakien, le combat kurdo-israélo-usano-antisyrien pour le Rojava, l'indépendance néo-fasciste du Vlaams Blok flamand ou de la Padanie nord-italienne et du Xinjiang/Turkestan chinois ainsi que de la Tchétchénie russe, sans pour autant faire le bilan des résultats concrets qu'ont apporté aux peuples concernés et, plus largement, à l'humanité progressiste, le démantèlement déjà réalisé de l'URSS, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, du Soudan, etc. »

 

On ne saurait mieux dire.


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Mis en ligne le 25 octobre 2015.

 

 

 

21:24 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Musique, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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