12/05/2011

Époques et Sacco-Vanzetti

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Époques et Sacco-Vanzetti



Il y a aujourd’hui 85 ans – le 12 mai 1926 -  le trop fameux juge Thayer, de l’état du Massachussets, grand chasseur d’anarchistes, d’immigrés et autres bolcheviks, confirmait la condamnation à mort de Nicola Sacco et de Bartolomeo Vanzetti, prononcée le 14 juillet 1921 dans des circonstances plus que douteuses, en dépit d’une mobilisation internationale sans précédent dans l’Histoire. En dépit aussi du fait qu’un gangster nommé Celestino Madeiros, auteur d’un des délits pour lesquels on les a condamnés sans preuves, s’était lui-même dénoncé de la prison où il attendait son exécution pour autre braquage meurtrier.

Un an plus tard – le 23 mai 1927 à minuit – les trois hommes étaient exécutés ensemble : le coupable entre les deux innocents.

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Vanzetti et Sacco enchaînés




Rappel très succinct des faits, tels que les énonce la Librairie Libertaire, dans ses «Portraits d’anarchistes» : http://libertaire.pagesperso-orange.fr/portraits/saccovan...


 

Innombrables furent les manifestations en faveur des condamnés
et contre la peine de mort.
Parmi tant d’autres :


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New York – Union Square

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 Boston

 

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                                        Londres

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                                                                                                                  Paris

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                                           Berlin 1927                          

               

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                                                                                                                                      Boycottez
                                                                                                                                    les produits du Massachusetts



La foule énorme qui assista aux funérailles :

 

Funéraille ssacco & vanzetti.jpg

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* 

 

L’affaire Sacco-Vanzetti est un des assassinats judiciaires les plus célèbres qui soient. Elle a fait beaucoup de petits depuis, à l’encontre surtout des Afro-Américains et des Amérindiens, pour ne parler que des USA. J’y reviendrai.

Edna St. Vincent Millay protestant contre le jugement.jpgComme on a pu voir, en avril 1960, Georges Brassens et Mick Micheyl solliciter des signatures sur les marches du Trocadéro pour une pétition de la dernière chance demandant la grâce de Caryl Chessman, et comme on avait vu quelque dix ans plus tôt les foules se mobiliser en défense d’Ethel et Julius Rosenberg, juifs américains communistes, accusés d’espionnage au profit de l’URSS (1), on avait déjà pu voir au début du siècle, pour Sacco et Vanzetti, beaucoup de gens célèbres monter au créneau et manifester publiquement contre la peine de mort en général et ces deux morts-là en particulier. Du nombre furent John Dos Passos, Dorothy Parker, Bertrand Russell, Edna St Vincent Millay, Upton Sinclair et George Bernard Shaw, mais aussi John Cowper Powys (2).

 

 

 

La poétesse Edna St. Vincent Millay
participant à une marche de protestation

 

jcp.jpgAnglais d’ascendance galloise, John Cowper Powys gagnait sa vie en sillonnant les États-Unis, où il donnait, pour qui voulait l’engager, des conférences philosophico-littéraires devant les publics les plus divers. Sa popularité fut si grande, alors, qu’il fut cité comme témoin littéraire et de moralité au procès fait à New York, en 1922, à l’Ulysse de Joyce. Et c’est à lui encore que devait faire appel le journal antifasciste de Boston, The Lantern, lorsque, le 23 août 1928, premier anniversaire de leur mort, il fut question d’inaugurer une plaque à la mémoire des deux anarchistes martyrs.  L’espèce de discours ou si on veut de méditation – « Sacco-Vanzetti and Epochs » - que prononça Powys au moment du dévoilement de la plaque, fut publié pour la première fois dans le numéro de Janvier-février 1929 du journal, suivi d’un poème à leur mémoire, La lune sur Mégalopolis, qui parut dans le n° d’avril-mai-juin.
Pour commémorer à notre tour la grâce refusée, nous vous offrons ces deux pièces de circonstance, publiées ici pour la première fois en français.

Plaque Sacco-Vanzetti Boston.JPG


Époques et Sacco-Vanzetti
The Lantern, Janvier-Février 1929

Le meurtre judiciaire de ces deux penseurs libres par la respectable opinion publique du Massachussetts fut un événement plein de lourdes implications étayant la notable théorie de Spengler. Si l’on considère la contemporanéité du moment présent de notre « civilisation » occidentale ou faustienne avec un moment similaire d’autres « cultures » mourantes, notre âge actuel correspond exactement à l’époque hellénistico-romaine ! Ici, suivant Spengler, nous trouvons « existence sans intériorité... art mégalopolitain de la banalité... luxe, sport, agitation nerveuse, modes artistiques rapidement changeantes... architecture prétentieuse... imitation de motifs exotiques... étalement impérial par le moyen d’inventions, de machines, de matières et de masses... domination de l’Argent (« Démocratie »)... pouvoirs économiques pénétrant, saturant les formes et les autorités politiques... »

Spengler, en fait, mettrait en parallèle comme précisément « contemporaines » non seulement la période hellénistico-romaine (quelques décennies avant les Césars) et la nôtre, mais aussi l’époque bouddhique en Inde, et celle du taoïsme tardif en Chine. Ainsi donc, l’enseignement de Bouddha, les doctrines de Lao-Tseu et la philosophie des stoïques correspondraient, si l’on suit ce regard d’émouchet plongeant sur les destinées irréversibles de tous les organismes sociaux, presque exactement à l’espèce de protestation vivante - tendre ou cynique selon les cas – de penseurs individuels (du type de ces deux hommes et d’autres semblables à eux) qui s’élèvent contre les citadelles mondiales de l’Argent propres à notre époque. Mais cette civilisation «hivernale» (toute d’ acier, de  pierre et de machines dans laquelle notre destin présent est de vivre, n’est pas – nous pouvons être reconnaissants de l’apprendre – destinée à durer plus d’un siècle ou deux (à peine une bagatelle dans les vastes éons dont disposent les forces de la vie), et doit être suivie – toujours selon notre « morphologie physiognomonique » - d’une époque correspondant à celle des Théodoric, des Attila, des Césars, des Odoacre : quand l’invisible pouvoir de l’argent sera brisé par la volonté arbitraire des conquérants en conflit, quand les hordes d’hommes et de femmes ordinaires en reviendront à l’état d’endurance internationale des fellahs, quand nous errerons dans des cités envahies par les herbes qui auront perdu leur opulence, parmi les vestiges de mécanismes scientifiques sophistiqués qui auront perdu leur secret, et que l’existence humaine, retournant pour des millénaires à la monotonie patiente, ahistorique, d’une lutte avec les éléments, atteindra la sagesse mystique d’une seconde religiosité !

Ainsi, l’état organisé étant mort, « la haute histoire », dit Spengler, « se couche, elle aussi, fatiguée, pour dormir. L’homme redevient une plante, adhérant à la terre, muet et endurant. Le village intemporel et l’éternel paysan réapparaissent, produisant des enfants et plantant des semences dans la Terre-Mère – essaim actif, pas trop inadapté, sur lequel souffle, éphémère, la tempête des soldats-empereurs... C’est seulement quand finit l’Histoire à majuscule que l’Existence, sainte et tranquille, réapparaît. C’est un drame noble dans son absence de but, noble et sans but comme la course des étoiles et la rotation de la terre... ».

Une telle spéculation – une telle prophétie – est-elle « trop belle pour être vraie » ? Peut-être. Mais, après tout, qui le sait ? L’inhumanité même du mécanisme compliqué qui hypnotise nos mégalopolitains en un si actif « service » peut travailler à sa propre perte. La chimie de la destruction est plus facile à acquérir que la chimie de la construction. La foule peut être rendue efficace par standardisation bien plus rapidement pour un dessein de mort que pour un dessein de vie. Un gaz toxique peut être produit beaucoup plus vite et plus scientifiquement que des charrues pour la terre et des carènes pour la mer. Contre une civilisation en armure comme la nôtre, la patience sans illusions d’un bouddhiste indien, d’un taoïste chinois, d’un anarchiste philosophe, d’un stoïque hellénique, sont autant de protestations « contemporaines ». Ce sont des projecteurs fouillant nos ténèbres électrifiées, qu’aucune persécution ne peut éteindre. D’avant en arrière et d’arrière en avant balayant notre ciel, ils continueront leur réquisitoire spirituel jusqu’à ce que l’heure précédant l’aube arrive. Alors sera entendu le prophète de ce qui pourrait être appelé « le Cinquième Évangile », et les forces planétaires se remettront à frémir pour un autre printemps, dont aucun homme encore ne peut distinguer les contours. 



***

 

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La lune sur Mégalopolis
The Lantern, Avril-Juin 1929



L’acier et la pierre sont des choses cruelles
À porter, pour des coeurs mortels.
« Ils » font face aux remous mystiques de la vie
Avec des échafauds de désespoir.
En vain, le plus délicieux des matins s’ébroue...
« Ils » dominent la ville,
Masqués comme des bourreaux,
Leurs haches tourjours prêtes !

Mats, regardez ! La lune est au-dessus de tout !
Légère, elle avance, elle flotte,
Comme si ces maisons âpres et hautes
N’étaient que le décor d’une vieille chanson.
Voyez-la gouverner son bateau en croissant,
Tandis que la sève de toutes les choses vertes
S’enroule dans son sillage
En anneaux couleur de primevères !

Regardez ! Du croissant tombe
Une rosée, un mystère...
Il y a des feuilles vertes sur les toits !
Des fougères vertes dans le ciel !
L’acier et le marbre se vêtent
De lichen, de mousse et d’herbe ;
Et par-dessus chaque bastion gris,
Des ombres, comme des branches, passent !

Miracle ! Ella a fait monter
Du champ, de la haie et du bois,
La sève qui déborde comme une coupe
Du précieux sang de Jésus Christ !
Baume céleste, calmant divin,
Cette sève solitaire tombe en pluie
Et soigne, par délivrance,
La torture de la ville.

Ô Puissance bénie, ton propre étrange coeur
Reste en retrait, et froid,
Voyageant toujours à l’écart
Des chagrins anciens et nouveaux.
Mais les racines sombres sont partout
Arrosées de pluies brunes.
Ce que tu aspires à travers l’éther,
Tu as le pouvoir de le reverser sur notre désespoir,
En dépit de l’acier et de la pierre ! (3)



***




__________________    

(1) Les époux Rosenberg, qui ont toujours clamé leur innocence,  seront électrocutés le 19 juin 1953, dans la prison de Sing-Sing, victimes de la chasse aux sorcières communistes du sénateur Joseph McCarthy  et de sa sinistre HUAC (House of Un-american Activities Committee).  --  Caryl Chessman, coupable des crimes de droit commun pour lesquels il avait été condamné en 1948, s’était, lui, rédimé dans sa prison, où il avait étudié le droit au point de réussir à faire reporter huit fois son exécution. Elle aurait dû l’être une neuvième fois, mais l’ordre de suspension arriva trop tard, l’exécution était commencée et ne pouvait être interrompue sans danger mortel pour les assistants : c’est dans la chambre à gaz de la prison de San Quentin, que Chessman est mort le 2 mai 1960.


(2) « J.C.P. » est un auteur-maison : La Thalamège a publié quatre de ses livres.

(3) Source : The Powys Review, n° 9 - 1981/1982 - John Cowper Powys, fils de prêtre et père de prêtre, parlait de Jésus Christ comme on respire et priait Déméter. Un quart de siècle après avoir écrit ces lignes - l’histoire avait marché, dans le sens prévu par Spengler ou pas –, son acceptation philosophique des aléas de l’Éternel Retour avait fait place à tout autre chose, puisque, dans Spectres Réels, un des contes de sa vieillesse, il fait liquider l’espèce humaine par l’armée de ses propres morts, conjointement conduite par le roi des fantômes gallois et celui des fantômes russes. «Et le soupir de soulagement que poussera la Création montera jusqu’aux étoiles» s'écria le roi Fabulatorius.




***

 

 

TRACES, TÉMOIGNAGES...



Une infinité  d’oeuvres d’art -  textes, films, chansons, peintures - ont été consacrés à Niccolo, dit Nicola SACCO et à Bartolomeo VANZETTI. Nous ne pourrions, ici, les répertorier tous. Aussi bien les moteurs de recherche doivent-ils servir à quelque chose.

En voici quelques-uns qui nous reviennent à l’esprit.  Mémoire subjective... Choix arbitraires... Nos excuses.

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Le célèbre Passion of Sacco and Vanzetti (1932)
de Ben Shahn, immigré lithuanien.


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Détail d’une mosaïque murale du même Ben Shahn, également intitulée
La passion de Sacco et Vanzetti
Mur est du Huntington Beard Crouse Hall, Université de Syracuse (N.Y.)


***



Webster-Thayer.jpgDu juge Webster Thayer, qui voulut la mort des deux hommes et qui l’obtint, il nous reste cet extrait de ses recommandations aux jurés, à propos de Vanzetti :

« Cet homme, bien qu’il puisse ne pas avoir en réalité commis le crime qu’on lui impute, est néanmoins moralement coupable, parce qu’il est l’ennemi de nos institutions...  parce que les idéaux qu’il défend sont apparentés au crime... »

et ce portrait moral ébauché par un de ses contemporains :

« ... j’ai connu le juge Thayer toute ma vie... c’est un homme à l’esprit étroit, un homme à moitié éduqué, un homme sans intelligence, un homme que la peur des rouges met hors de lui... »



*



Tout le monde connaît la chanson d’Ennio Morricone pour le film Sacco et Vanzetti de Giuliano Montaldo, qui fut popularisée en 1971 par Joan Baez, mais connaissez-vous celle-ci, où Woody Guthrie prête sa voix à de libres animaux s’ébahissant des affaires des hommes et se mettant les uns les autres en garde contre les juges Thayer de ce monde ?

 

woodyguthrie.jpg



Old Judge Thayer, take your shackle off of me ;
Old Judge Thayer, take your shackle off of me.
Turn your key and set me free,
Old Judge Thayer, take your shackle off of me.

The monkey unlocked the courthouse door,
An’ the elephant oiled the hardwood floor ;
In did jump the kangaroo,
An’ in did hop the rabbits, too.
Next in come the two baboons,
Next in rolled a dusty storm,
Next in waddled the polar bear
To keep the judge and jury warm.

Ever’body knows the mockingbird
Wrote down ever’ word he heard ;
The lawyers all were foxy-sly,
With a foxy nose an’ a foxy eye.

The ‘possum used the big stiff broom,
Then he polished the new spitoon ;
Up did smile the crocodile,
Said, « Here comes the jury down the aisle. »

Old momma catfish asked the trout,
« What’s this trial here all about ? »
Little baby suckerfish upped and said,
« The Judge has caught him a couple of Reds. »

Well, the rattlesnake asked the bumble bee,
« Who’s this Sacco an’ Vanzetti ? »
« Are they the men, » asked the momma quail,
« That shot the clerks at the Slater Mill ? »

The mosquito sung out with his wings,
Said, « I was there an’ seen the whole durn thing ;
Saw the robbers fire their guns,
But I didn’t see these men, neither one. »

Well, the big-eyed owl looked around,
« They said that Sacco’s cap was found
Down on Pearl Street, on the ground,
Where the payroll guards both got shot down. »

« That cap don’t fit on Sacco’s head, »
The big black crow flapped up and said,
« They tried that cap on Sacco here,
And it fell down around both his ears. »

Well, the camel asked the old giraffe,
« Did these two fellas duck the draft,
By runnin’ down below the Mexican line ?
To keep from fightin’ on the rich man’s side ? »

The lumber duck did rattle his bill,
« All the ducks and geese are flyin’ still
Down toward Mexico’s warm sun
To try to dodge the rich man’s gun. »

Up did waddle a lucey goose,
« I think these men ought to be turned loose.
But old Judge Thayer, he swore to his friends
These men’ll get a chair or the noose. »

When the guilty verdict came,
An’ seven years in jail they’d laid,
When these two men there did die,
The animals met on the earth and sky.

« See what fear and greed can do,
See how it killed these sons so true.
Us varmints has got to get together, too,
Before Judge Thayer kills me and you. »


Ballads of Sacco & Vanzetti.jpg

Woody Guthrie
Ballads of Sacco & Vanzetti
Smithsonian/Folkways. 1992. CD.

« Old Judge Thayer » est la 7e plage de ce CD.
(La 12e – « Lettre de Sacco à son fils » -  est chantée par Pete Seeger.)

 



http://www.youtube.com/watch?v=XGoeuh54MIU




*


Réponse de Vanzetti au juge Thayer (9 avril 1927) :

« Si cette chose n’était pas arrivée, j’aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J’aurais pu mourir inconnu, ignoré : un raté. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais, dans toute notre vie, nous n’aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles, nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vies d’un bon cordonnier et d’un pauvre vendeur de poissons, c’est cela qui est tout ! Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe. »

Dernier message des deux condamnés aux autres « humiliés et offensés » :

« Chers amis… Après 7 ans, 4 mois et 11 jours de lutte, maintenant que la tragédie touche sa fin, deux d’entre vous seulement meurent. Faites un trésor de nos souffrances, de notre douleur, de nos fautes, de notre passion pour les batailles futures et pour les grandes émancipations. Notre idéal vit. N’ayez qu’un seul cœur en cette heure la plus sombre de notre tragédie. . . Et ayez du cœur. Saluez tous les amis et camarades de toute la terre.
Nous vous envoyons notre suprême au revoir, le cœur plein de tendresse et d’affection et longue vie pour la liberté. »  Bartoloméo VANZETTI, Nicolas SACCO.




*



Un livre-audio (en anglais)  :

 

livre-audio howard zinn.jpg

 

 

 

 

Howard ZINN (sous la direction de)


HEROES AND MARTYRS :
Emma GOLDMAN, SACCO & VANZETTI
and the Revolutionary Struggle


CD.

AK Press – 1er juillet 2001



 


Et encore :

Sur un  site uruguyaen, un texte de Howard ZINN en espagnol :

http://www.elortiba.org/savanz.html




*



Un poème écrit à l’issue d’une manifestation où les camarades n’étaient pas venus assez nombreux :

 

SUR LE PORT DE DIEPPE
Louis Aragon

Le jour de Sacco-Vanzetti
Sur le port sur le port de Dieppe
Mais comment cela se fait-il
Qu’il y eût seulement des guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti
Quand les affiches du Parti

Disaient d’aller au port de Dieppe
A quoi cela ressemblait-il
Qu’il y eût seulement des guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti

Qu’est-ce que tu croyais petit
Qu’il allait se passer à Dieppe
Aussitôt venu que parti
Pour n’avoir trouvé que des guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti

Tu étais malheureux faut-il
Pour espérer autant de Dieppe
Comme un changement pressenti
Mais c’était compter sans les guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti

Le mal d’aimer qu’on s’en sortît
En criant sur le port de Dieppe
Tu le croyais ferme et tu t’y
Trouvas tout seul avec les guêpes
Le jour de Sacco-Vanzetti.




*

 

LIVRES

 

 

Lettres de S & V 10-18.jpg
SACCO & VANZETTI
Lettres

traduites par Jeanne Guéhenno
Collection : 10-18 n° 654 – 316 pages
10/18
1ère édition dans cette collection : 1971
toujours édité.



Livre - L'affaire S. &V. Creafg.gif

 Ronald CREAG
L'affaire Sacco et Vanzetti

Lyon, Atelier de création libertaire, 2004.
264 pages
   




russell vanzetti.jpg

 

 Francis RUSSELL
L'affaire Sacco-Vanzetti

Paris, Robert Laffont, 1964.





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Pierre DUCHESNE
Sacco et Vanzetti

Paris, Presses de la Cité, 1971.

 

 

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John DOS PASSOS
Devant la chaise électrique
Sacco et vanzetti : histoire de l'américanisation
de deux travailleurs étrangers

traduit par Alice Béja
Gallimard, Collection Arcades, 2009, 191 pages




John Cowper Powys à La Thalamège :

L'Ame de l'homme.jpg
Oscar WILDE
L’Âme de l’homme sous le socialisme

John Cowper POWYS
Jugement suspendu sur Oscar Wilde

Verviers, La Thalamège, 1986, 112 pages


Le Hibou.jpg

 

 John Cowper POWYS
Le hibou, le canard et... Miss Rowe ! Miss Rowe !

Conte philosophique
Verviers, La Thalam§ge, 1986, 48 pages

 


Spectres 2.JPG

 

John Cowper POWYS
Spectres réels

Conte fantastique et philosophique
Verviers, La Thalamège, 1986, 138 pages

 

Rabelais.jpg
John Cowper POWYS
RABELAIS
Sa vie, l’histoire qu’il raconte, et une interprétation de son génie et de sa religion

Essai
traduction, préface et notes de Catherine Lieutenant
Verviers, La Thalamège, 1989, 336 pages, illustr.



Affaire Rosenberg  (non exhaustif !) :


Meeropol - Nous sommes vos fils.jpgMichael et Robert MEEROPOL
Nous sommes vos fils

Par les fils d’Ethel et Julius Rosenberg, adoptés après l’exécution de leurs parents par Abel Meeropol, auteur de la célèbre chanson Strange Fruits, popularisée par Billie Holiday.
Avec plus de cent lettres d’Ethel et Julius.

Éditions Sociales - Éditeurs Français Réunis, 1976, 364 pages



Rosenberg lettres.jpg

 

Julius et Ethel ROSENBERG
Lettres de la maison de la mort
 
Gallimard, 1953, 254B pages

 

sobell on condamne bien  1.jpg

 


Morton SOBELL
On condamne bien les innocents

Hier et demain, 1975, 269 pages

 

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Gérard A. JAEGER
LES ROSENBERG
La chaise électrique pour délit d'opinion
 
Le Félin, 2003, 324 pages



Sur et de Caryl Chessman :

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Dominique LAPIERRE
Chessman m'a dit

Paris, Del Duca, 1960





Cellule 2455 - couloir de la mort.jpg

Caryl CHESSMAN
Cellule 2455 couloir de la mort

Paris, Presses de la Cité, 1960, 316 pages
Paris, Presses Pocket, 1962, 375 pages





À travers les barreaux.jpg

Caryl CHESSMAN
À travers les barreaux

Paris, Presses de la Cité, 1960, 314 pages
Paris, Presses Pocket, 1974.




Chessman face à la justice.jpg

Caryl CHESSMAN
Face à la justice (The face of Justice)

Paris, Presses de la Cité, 1962, 311 pages
Paris, Presses Pocket, 1964.




Fils de la haine.jpg

Caryl CHESSMAN
Fils de la haine

traduction Louis Chantemele

Paris, Presses de la Cité, 1959, 298 pages
Paris, Presses Pocket, 1963, 250 pages





***

 

 

AUJOURD'HUI...

 

Si les deux Italo-américains ont été condamnés sans preuves et si leur condamnation a été maintenue et finalement exécutée en dépit de la très forte mobilisation internationale en leur faveur, c’est qu’ils faisaient peur. Les pauvres – surtout ceux qui ne courbent pas docilement la tête – font toujours peur à ceux qui les oppriment. Quand on a peur, d’un homme ou d’un insecte, on l’écrase. C’est un réflexe qui n’a pas fini d'exposer la mauvaise conscience du monde.

L’Amérique du Nord, à l’issue de la Première Guerre Mondiale, était un chaudron de sorcières d’iniquités, d’injustices et de sauvagerie répressive. Si tant est qu’elle ait jamais été autre chose, elle l’était plus encore que d’habitude, du fait de certaines circonstances économico-historiques.

C’est peu dire que l’histoire se répète...

Un slogan qu’on vit beaucoup sur les murs de Paris en mai-juin 1968, oeuvre du Collectif des Beaux-Arts, disait :

 

Peur du rouge.jpg

 

Or, ce qui n’a pas changé, depuis Sacco et Vanzetti, c’est la peur que font toujours aux bêtes à cornes de la variété humaine, le rouge et le noir. Surtout lorsque ces deux couleurs subversives ont appris à communiquer avec efficacité.

C’est ainsi que Mumia Abu Jamal attend lui aussi son exécution dans le couloir de la mort, pour des faits qu’il n’a peut-être pas commis, mais surtout pour des raisons presque toutes inavouables. Et il l’y attend depuis 29 ans. Oui, vous avez bien  lu : vingt-neuf ans ; 10.585 jours ; 254.040 heures ; 15.242.400 minutes dans la salle d’attente de la chaise électrique, à deux pas de l’instrument de torture qui peut, d’un instant à l’autre, lui ôter la vie. Comment nos maîtres d’école ont-ils pu nous impressionner avec les onze ans dans sa cage suspendue du cardinal de La Balue ? ! Le progrès a fait tellement mieux depuis.



«Imaginez... Imaginez une pièce de la taille de votre salle de bains et imaginez que vous êtes condamné à y vivre, à y manger, à y dormir, à y soulager vos besoins naturels, à y rêvasser, à y pleurer et surtout, surtout, à y attendre. Imaginez que c'est pour tout le reste de votre existence que vous êtes condamné à l'attente. Imaginez ce que c'est qu'attendre, attendre et attendre ; attendre la mort. Moi, je n'ai pas besoin d'imaginer. Je "vis" dans cette pièce, tout comme trois mille hommes et femmes dans trente-huit États des États-Unis. Ça s'appelle le "couloir de la mort". Moi, j'appelle ça l'enfer. »


Mumia ABU-JAMAL.



Or, la Cour d’Appel fédérale, qui devait se prononcer ce mois-ci sur la confirmation de la peine de mort ou son remplacement par la réclusion à perpétuité – alors que le condamné demande depuis près de trois décennies la tenue d’un « vrai » procès -  vient de statuer que la condamnation de Mumia était anti-constitutionnelle. Ce qui ne le déclare pas du tout non coupable mais implique seulement que la peine prononcée est caduque pour vice de forme. Et c’est reparti pour quelques années dans le Death Row.

Quand donc apprendrons-nous ?  s’écrie Amy Goodman.



Qui est Mumia Abu Jamal ?

 

mumia abu jamal.jpg

Un journaliste Afro-Américain du nom de Wesley Cook, né à Philadelphie en 1954, dont la vocation d’activiste lui est venue à même pas 14 ans, après qu'il se fût fait arrêter et rouer de coups pour avoir manifesté pacifiquement contre la candidature à la présidence des États-Unis du pro-ségrégationniste George Wallace. Alors qu'il était encore au lycée, il choisit de s’appeler Mumia, prénom swahili, auquel il ajouta Abu Jamal (« père de Jamal ») en arabe, à la naissance de son premier fils. Il rejoignit alors – c’était leur grande époque – les Black Panthers, dont il devint le chargé de l’information pour la section de Philadelphie. Il officiait à cette époque sur les ondes de la station de radio WHYY.

 

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Bien vite, il se fit connaître « pour sa capacité à créer des atmosphères dans ses billets, qui mélangeaient le journalisme traditionnel et les préoccupations sociales » (Wikipedia). Mais, comme on l’a vu récemment en France avec Didier Porte et Stéphane Guillon, plus il se radicalisait, plus il attirait sur lui l’attention des « autorités ». Celles, justement, qui ont peur du rouge. Et du noir.

En 1980, neuf membres d’un groupe radical appelé MOVE furent lourdement condamnés suite à la mort d‘un officier de police lors d’une descente musclée à leur siège (1). Les billets d’Abu Jamal durcirent le ton et l’inévitable se produisit : WHYY le licencia. Chômeur et tricard dans sa profession, il se fit chauffeur de taxi pour survivre. Et lorsque, en janvier 1981, un magazine de Philadelphie le cita au nombre des « personnalités  à suivre », il y avait déjà des mois qu’il n'appartenait plus à ce monde.

Les faits :

C’est tôt le matin du 9 décembre 1981 que l’ex-brillant journaliste, au volant de son taxi, arrive à l’endroit où un officier de police du nom de Daniel Faulkner, vient de faire se ranger son frère, William Cook, sur le bord de la chaussée. Que se passe-t-il alors ? C’est ce qui, au terme d’un procès plus que douteux, est devenu impossible à démêler. Des coups de feu sont tirés et quand d’autres policiers arrivent, ils découvrent leur collègue mort de deux balles : une qui lui a été tirée dans le dos et l’autre à bout portant en plein visage. Abu Jamal, une balle dans la poitrine, est assis sur le trottoir, à côté d’un pistolet de calibre 38 qui lui appartient.

Il est arrêté, accusé du meurtre du policier et rondement condamné à mort en juillet 1982. Par un juge nommé Sabo, dont le racisme agressif est légendaire et qu’on a entendu dire : «Je m’en vais les aider à faire griller ce nègre !» (témoignage d’une greffière du Palais). «Les» ? Les jurés, bien sûr.

Le procès accumule trop d’irrégularités criantes pour que la condamnation ne soit pas très rapidement contestée, d’autant qu’au cours d’une audience d’appel, un témoin affirme avoir été présent sur les lieux du drame et avoir été dissuadé de témoigner au procès de 1982 par des pressions policières.  Selon lui, ce n’est pas Mumia qui a tiré sur le policier mais quelqu’un d’autre, qu’il a vu s’enfuir en courant.

En juin 1999, un ancien tueur à gages du nom d’Arnold Beverly, affirme avoir tué Faulkner dans le cadre d’un contrat mêlant police et mafia. Et il est vrai que la balle dans le dos et le coup de grâce à bout portant dans la tête ressemblent à une exécution mafieuse.

En dépit de quoi la condamnation d’Abu Jamal est confirmée.

En décembre 2001, un juge fédéral annule la condamnation  d'Abu Jamal pour vice de forme du procès, mais il confirme sa culpabilité dans le meurtre du policier.

Le 27 mars 2008, une cour d’appel fédérale annule derechef la condamnation à mort et reconfirme le verdict de culpabilité d’origine. Cela signifie que si l’accusation ne requiert pas dans les délais une nouvelle condamnation à mort devant un nouveau jury, celle-ci sera automatiquement commuée en condamnation à la réclusion perpétuelle.

À la suite de la décision de la Cour d’Appel qui vient de tomber, les avocats d’Abu Jamal ont fait savoir qu’ils allaient à nouveau faire appel pour tenter d’obtenir un nouveau procès – si possible équitable – basé sur des « faits nouveaux » : ceux qui n’ont jamais été pris en compte par le procès ayant abouti au verdict de culpabilité.

Mumia a-t-il blessé l’officier Faulkner ? C’est possible. Mortellement ? C’est possible aussi (bien qu’il ait déclaré n’avoir pas tiré sur lui). Mais il ne l’a certainement pas fait dans les conditions retenues par l’accusation. Un des détails que le procès a décidé d’ignorer : selon l’expert en balistique, la balle dans la tête de la victime était de calibre 44, alors que le pistolet que transportait Mumia – avec permis, comme presque tous les taxis de nuit – était de calibre 38. Et tout à l’avenant.

Comment de telles anomalies n’ont-elles été prises en compte ni par les enquêteurs, ni par les juges chargés d’instruire le jury ? C’est ce qui a mobilisé si tôt, si fort et si longtemps les adversaires de la peine de mort et les partisans d’une justice moins  caricaturale. Car l’état de Pensylvanie jouit à cet égard d’une réputation détestable. Le maire de Philadelphie, Frank Rizzo, ancien commissaire de police de la ville, n’a jamais hésité, par exemple, à utiliser des arguments racistes dans ses campagnes électorales. Il a aussi été inculpé par le Département de la Justice US « pour approbation d’abus policiers ». Plusieurs membres de la police de Philadelphie ont été jugés et condamnés pour fabrication de fausses preuves et détournement de fonds. Il faut ajouter à cela que (ce sont ses défenseurs qui l’affirment) Abu Jamal était étroitement surveillé par le FBI en raison de ses reportages socialement critiques, de son appartenance aux Black Panthers et de sa sympathie affichée pour l’organisation MOVE en conflit avec les institutions déjà si chères au juge Thayer. Voilà bien des choses qui ont sans aucun  doute pesé dans son procès. À quoi s’ajoute une évidente manipulation du jury.

On en est là.

Michael Moore (qui ne croit pas à la totale innocence d’Abu Jamal) milite activement pour qu’il ait enfin droit à un procès équitable et récuse en tout état de cause la peine de mort par principe.

Des centaines d’organisations politiques et d’associations telles qu’Amnesty International se sont mobilisées en défense de Mumia Abu Jamal, et cela, non seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde.

C’est en France peut-être qu’en dehors des États-Unis le cas de Mumia Abu Jamal a trouvé le plus de soutien. Une association spécifique s’y est créée, le Collectif unitaire de soutien à Mumia Abu Jamal, qui a son siège au Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples.

En 1999, Mumia Abu Jamal a été fait citoyen d’honneur de Bobigny, et son maire, Bernard Birsinger, lui a rendu visite dans le couloir de la mort. D’autres villes ont fait de même, notamment Malakoff, Villejuif et plusieurs dizaines d’autres villes françaises ou étrangères, telles que San Francisco, Palerme et Venise.

En 2001, il a été fait citoyen d’honneur de Paris, et la ville de Saint-Denis a donné son nom à une rue, ce qui a provoqué un dépôt de plainte par la ville de Philadelphie « pour apologie du crime ». Enfin, le Mouvement des jeunes communistes de France a fait campagne pendant deux ans à travers tout le pays pour demander la relaxe de Mumia Abu Jamal, exemple parfait, à leurs yeux, des dérives autoritaires et sécuritaires (disons racistes anti-noirs et anti-pauvres) du gouvernement U.S. Comme au temps de Nicola et de Bartolomeo.

Dave Lindorff, animateur du site d’information alternative This can’t be happening, que nous avons cité à propos de l’affaire Raymond Davis, a consacré un livre à Mumia Abu Jamal, Killing time, publié chez Common Courage Press en 2003, à ma connaissance toujours inédit en français.

Mais, de l'autre côté des convictions, on trouve aussi un Ordre Fraternel de la Police, qui appelle sans relâche à l'exécution du condamné et au boycott des personnalités coupables d'avoir pris fait et cause pour Mumia et coupables de réclamer, sans relâche elles aussi, un vrai procès, au nombre desquelles feu Paul Newman, Suzan Sarandon, Joyce Carol Oates, Spike Lee, Oliver Stone, John Landis, Gore Vidal, Norman Mailer, Noam Chomsky, Günter Grass, Naomi Campbell, Sting, Rage Against the Machine et une vingtaine de groupes musicaux, sans oublier les fabricants de crème glacée Ben & Jerry, qui sont donateurs au fond de défense.



_______________________   

 (1) MOVE est un mouvement de libération afro-américain de Philadelphie fondé en 1972, sous le titre « Mouvement Chrétien pour la Vie », par John Africa. Après lui, tous les membres du groupe ont adopté Africa pour nom de famille, en souvenir de leur continent-mère. Ils prônaient le retour à la nature, la désobéissance civile, refusaient la science, la médecine et la technologie, militaient pour la libération des animaux et vivaient en communauté dans une maison du village de Powelton (Philadelphie-Ouest).

Leur mode de vie ne rencontrait pas que de l’approbation dans leur voisinage, où on se plaignait notamment de leurs tas de compost réputés attirer les rats, et de leurs proclamations politiques par mégaphone à toute heure du jour ou de la nuit.

En 1978, suite à un arrêté d’expulsion et à un an de mise en demeure sans résultat, la police de Philadelphie leur a donné l’assaut. Des coups de feu ont été échangés. Il y a eu des blessés de part et d’autre et même parmi la foule des badauds. Un officier de police, James J. Ramp, a été tué... d’une balle à l’arrière du crâne, alors qu’il faisait face aux assiégés. Balle perdue d’un de ses collègues vraisemblablement. Neuf membres de MOVE ont été collectivement accusés du meurtre et condamnés à de lourdes peines.

C’est cet incident et ses suites qui ont provoqué les prises de position virulentes de Mumia Abu Jamal.

En 1981, MOVE s’est installé dans un autre immeuble, toujours à l’Ouest de Philadelphie.

En 1985 – Abu Jamal étant déjà dans le couloir de la mort – la même police, invoquant de nouvelles plaintes de voisinage, est revenue assiéger le nouveau logis des rebelles, qu’elle a bombardé de gaz lacrymogènes (10.000 tirs quand même en deux heures), tandis que les pompiers détruisaient de l’immeuble tout ce qui pouvait l’être par deux canons à eau de forte puissance, et que la police, d’un hélicoptère, larguait sans avertissement sur ce qui restait de la maison une bombe de 4 livres (plastic C4 + Tovex, c. à d. dynamite). Onze personnes ont péri dans l’incendie provoqué par l’explosion : John Africa et dix autres, dont cinq enfants. Une seule survivante adulte, Ramona Africa, et une petite fille, Birdie Africa. Dommages collatéraux : l’incendie s’est propagé aux 65 maisons les plus proches, qui ont entièrement brûlé, du fait que les pompiers avaient reçu l’ordre de ne pas intervenir « de peur qu’ils se fassent tirer dessus ». C’est à ce jour et à ce haut-fait que Philadelphie doit son surnom : «La ville qui se bombarde elle-même».

Suite au tollé général, le maire a nommé une commission d’enquête, qui a conclu que jeter une bombe sur une maison occupée était unconscionable (exagéré, excessif). Personne, cependant, n’a été inquiété pour l’avoir fait.

Onze ans plus tard, la Cour Fédérale a condamné la ville de Philadelphie à payer 1.500.000 $ à une survivante et aux parents de deux des personnes tuées.

Aujourd’hui, MOVE existe apparemment toujours et milite pour la relaxe de Mumia Abu Jamal et pour la libération des 9 de 1978, qui ont fini de purger leurs peines mais restent en prison. Il serait difficile de ne pas les considérer comme des prisonniers politiques. Ramona Africa donne des conférences aux États Unis et ailleurs. Elle est le co-auteur d’un livre : This Country Must Change. Essays on the Necessity of Revolution in the USA (« Ce pays doit changer. Essais sur la nécessité d’une révolution aux États-Unis »), publié par Arissa Media Group en 2009.

LIENS

http://mumiabujamal.com/site/index.php

http://www.hors-ecran.com/IPMWL/

http://www.oocities.org/zapatistablock/mumia.htm

http://mumialibre.over-blog.com/

http://www.mleray.info/article-mumia-abu-jamal-une-vie-un...

http://www.larousse.fr/encyclopedie/article/Mumia_Abu-Jam...

http://www.archive.org/details/ProgressDrive_un-itinerair...  (Film)

 

 DOCUMENT

VERBATIM DE LA VISITE DE RAYMOND FORNI, PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, À MUMIA ABU JAMAL DANS LE COULOIR DE LA MORT DE LA PRISON DE S.C.I GREENE EN PENNSYLVANIE LE 28 AOÛT 2000

Raymond Forni  -  Je me présente. Je suis le président de l'Assemblée nationale en France. En 1981, en tant que président de la commission des lois, je fus le rapporteur du projet de loi portant sur l'abolition en France de la peine de mort dans le gouvernement où Robert Badinter, abolitionniste convaincu comme moi-même, était ministre de la justice. Je m'oppose non seulement à la peine de mort partout ou elle se pratique, mais j'observe qu'aux États-Unis, il y a une inquiétante différence quant à sa légalité et son application d'un État à l'autre.

Alors qu'approche l'époque de l'élection présidentielle aux États-Unis, nous partageons l'inquiétude des abolitionnistes américains devant lapossibilité de l'élection du gouverneur George W. Bush. Nous saluons en vous, Mumia Abu-Jamal, votre combat contre la peine de mort. J'ai moi-même eu à m'occuper, il y a un certain nombre d'années, du cas des quatre Panthères Noires qui avaient détourné un avion de Detroit à Alger et qui furent jugés et acquittés en france.

Mumia Abu-Jamal - Je vous félicite, Monsieur le président, pour le combat de longue haleine que vous menez - comme je félicite le gouvernement de feu François Mitterrand d'avoir mené à bien l'abolition de la peine de mort en France. Nous sommes ici dans un pays bien différent. Chaque État dispose d'un tel pouvoir, d'une telle autonomie ... C'est comme s'il s'agissait de 38 pays différents ! Chacun de ces États dispose du droit de faire à sa guise. Si vous éprouvez de l'inquiétude devant la possibilité de l'élection du gouverneur Bush à la Maison Blanche, vous pouvez imaginer la nôtre. Nous devons mener côte à côte un combat  qui n'est pas seulement contre la mort mais pour la liberté. C'est pourquoi je vous remercie d'avoir voyagé de si loin pour visiter ce comté de Greene. Je sais que vous venez d'avoir une visite guidée de la prison. Vous avez donc vu l'enfer de néon et de surfaces polies où nous vivons. Mais les parties de la prison qu'on vous a fait visiter ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Je sais qu'on ne vous a pas fait visiter les "Unités de gestion spéciale" (Special Management Units) où, sous prétexte de discipline ou de "mitard", nous pouvons passer, nous qui sommes condamnés à mort, des mois, même des années, sans aucun contact humain. Je puis en témoigner pour avoir été dans le couloir de la mort depuis dix-huit ans.

R.F. -  Depuis quelle année ?

M.A.J. - Depuis l'été de 1983, d'abord dans la prison de S.C.I. Huntingdon. Puis j'ai été transféré ici en Janvier 1995. Ici c'est plus propre qu'à Huntingdon, mais les pressions psychologiques y sont redoutables. L'objectif est, par exemple, de nous bannir loin de nos familles (sept heures de route depuis Philadelphie) afin que les visites coûtent aussi cher que possible à ceux que nous aimons et qui sont pauvres. Huntingdon était vieux et sale, mais ici c'est pire, c'est inhumain. Si on vous avait permis de poursuivre votre tournée, vous auriez vu les cages ou nous prenons une heure d'exercice quotidien. Ce sont littéralement des cages à chien. C'est une métaphore pour la vie de chien que nous impose le système américain.

R.F. : Oui, je suis conscient qu'on ne nous a montré que les aspects présentables. Mais nous sommes capables de voir au-delà. Nous avons pu tirer une idée de cette réalité que vous vivez : plus c'est propre et dépoussiéré, plus les pressions sont invisibles et psychologiques. Nous avons visité le bloc "L", celui où les condamnés à mort sont transférés et déplacés et subissent des pressions insupportables des années durant. C'est pourquoi le combat que vous menez ici de l'intérieur et aussi - par les relais qui sont les vôtres - à l'extérieur, ce combat est indispensable. Car il n'y a rien de pire que le silence et votre lutte le brise. Ce dont souffre l'Amérique, c'est d'un manque d'Histoire. Les traditions américaines relèvent encore de la loi du plus fort. C'est dire la chance qu'est la mienne d'être en France, le pays des droits de l'homme où, en tant que quatrième personnage de l'État, je peux faire avancer notre commun combat. Ma visite ici aujourd'hui a donc une grande signification. J'ai entendu dire de vous que vous transmettez votre énergie à ceux qui vous rendent visite. Allez-y, je vous écoute.

M.A.J. : Ici c'est un lieu de rencontre bien étrange. Mais le hasard a voulu que le travail et l'amour de ma famille et de mes amis ont transformé cet endroit en un lieu ou des personnes du monde entier se croisent.
Étrange carrefour qui fait partie de notre histoire et exauce mes rêves, puisque c'est ici que j'ai rencontré mes héros et héroïnes de toujours : Angela Davis, Alice Walker, la romancière, et Wole Soyinka, le prix Nobel, Danièle Mitterrand, de la fondation France-libertés, et bien d'autres ...
Un enfer ne doit pas forcément demeurer un enfer. Une cellule peut être un lieu de répression mais aussi un lieu d'enrichissement de l'esprit. C'est ce dernier que j'ai choisi. Voilà comment je résiste car le suicide psychologique nous guette tous ici : c'est le plus grand danger (Mumia désigne de ses mains menottées la paroi pare-balles en Plexiglas qui le sépare de son visiteur). Cette paroi est là pour vous qui nous rendez visite, pour fomenter la peur, pour vous isoler de ceux avec lesquels vous tentez de communiquer. Alors il me faut arriver à toucher les gens, à prendre contact avec eux, sans pouvoir les toucher physiquement – sinon l'État aura gagné.

R.F. : Je vous remercie pour la superbe leçon de courage et de persévérance que vous donnez. Une petite voix s'ajoutant à une autre petite voix et à une autre, ainsi de suite, cela aboutit à un grand cri. Ne me méprenez pas : j'aime l'Amérique pour sa diversité et bien d'autres qualités, mais ce qu'elle fait en condamnant à mort vos compagnons et vous même n'est pas digne d'elle. J'ai honte pour elle.

M.A.J. : Je ne puis que faire écho à vos sentiments pour mon pays. C'est le pays ou je suis né. C'est le pays ou sont nés mon père, le père de mon père. Malgré la répression politique, j'aime mon pays parce que ceux que j'aime y vivent. Il y a toute une génération de jeunes - celle qu'on appelle la génération "rap" - qui se font appeler "Africains-américains" alors qu'ils n'ont jamais mis les pieds en Afrique. Ils ne connaissent pas la terre d'Afrique, mais le sang africain coule dans leurs veines. Ce sang nous donne l'énergie pour résister contre la répression à laquelle se livre cette nation. Oui, une petite voix, puis deux, puis dix, puis vingt aboutissent à un choeur et puis à un chant. Ma voix rejoint la vôtre. Comme le disait un grand Africain-américain, Frederick Douglass : "Sans lutte il n'y a pas de progrès". Celui auprès duquel j'ai tant appris, feu John Africa a dit : "Si vous faites ce qui est juste, le pouvoir de la justice ne vous trahira pas". Cela n'est pas chose facile. Mais quand on mène un combat juste, le temps ne compte pas. C'est quand on commet une faute que le temps peut paraître une éternité. Ici, pour moi, le temps est suspendu ...
Je tiens à exprimer à la République française et à vous-même l'expression de ma profonde camaraderie et de ma solidarité fraternelle. Un grand merci.

(Propos recueillis et traduits par Julia Wright)



NOTE : Le règlement du couloir de la mort de S.C.I. Greene étant draconien en ce qui concerne l'utilisation de magnétophones, l'entretien entre Raymond FORNI et Mumia ABU-JAMAL est reconstitué à partir de notes prises par l'interprète afin de faciliter une traduction aussi fidèle que possible, Raymond FORNI s'exprimant en Français, Mumia ABU-JAMAL en Anglais. Le texte des propos recueillis reproduit donc, dans la mesure du possible, le verbatim d'une conversation de part et d'autre de la cloison pare-balles en Plexiglas (N.D.T.)

 

*

Cette démarche – et d’autres – prouve, s’il en était besoin, que ni l’épouse  d’un président, fût-il de la République Française, ni le quatrième personnage d’un état, quel qu’il soit, ne peuvent rien pour changer ni même alléger le sort de prisonniers politiques faussement accusés de meurtre et condamnés au mépris de toutes les lois de la jurisprudence et de la morale, dans ce qui se prétend être la première démocratie du monde et qui n’en est que le cancer en phase ultime.

Bien sûr, M. Forni ne pouvait pas parler, à son interlocuteur enchaîné, des mitards français ni de l’état des prisons de l’Hexagone en général (ne disons rien de celles de Belgique délocalisées en Hollande (1) ni de celles des autres pays d’Europe, cela nous entraînerait trop loin). Il ne pouvait pas non plus parler de Georges Ibrahim Abdallah (2)... il ne pouvait rien dire de Joëlle Aubron (3), de Regis Schleicher (4), de Georges Cipriani (5), de Nathalie Menigon (6) ou de Jean-Marc Rouillan (7) arrêtés en 1987 – Schleicher en 1984 – et tous condamnés à la réclusion perpétuelle. Il a certainement fait ce qu’il a pu cet homme. Aussi bien, n’est-ce pas à lui à empêcher une injuste justice de pratiquer une répression «de classe», indulgente aux riches et aux puissants autant qu’impitoyable aux autres, mais aux 65 millions de citoyens vaccinés et responsables, qu’il est chargé de servir, non d’asservir. À eux de s’en faire obéir. Ceci valant pour les 310 millions de citoyens U.S. Et pour les autres.

___________   

(1) Solution moins coûteuse paraît-il. À quand un retour aux pélerinages judiciaires, cette guillotine sèche de notre très chrétien Moyen-Âge, bien moins coûteuse encore que les prisons, qu’il faut construire, que les prisonniers, qu’il faut nourrir, et que le bourreau, qu’il faut payer.

(2) Résistant libanais,  membre du FPLP, condamné à la détention perpétuelle en 1987 pour complicité d’assassinat, suite à la découverte dans une de ses planques d’une arme ayant servi à abattre Charles Ray, attaché militaire américain à Paris et Yacov Barsimentov, responsable du Mossad à Paris, mais précédemment bourreau et meurtrier en masse dans son pays, le Liban. La liberté conditionnelle lui a été accordée en novembre 2003 par la juridiction de Pau et révoquée deux mois plus tard par une autre, suite à l’intervention de Dominique Perben, alors ministre de la justice. Toujours incarcéré à ce jour, à la prison de Lannemezan.

(3) Peine suspendue en 2004 pour raison de santé (cancer du poumon). Morte en 2006.

(4) En semi-liberté depuis juillet 2009. En semi-liberté, le prisonnier sort pour travailler dans la journée et rentre à la prison le soir.

(5) En liberté conditionnelle depuis 2010.

(6) En semi-liberté depuis mai 2007. Liberté conditionnelle accordée en août 2008, le parquet ayant fait appel en vain.

(7) Semi-liberté accordée en décembre 2007, révoquée en octobre 2008, « suite à des propos tenus ( ?) lors d’une interview accordée à L’Express ». Semi-liberté effective depuis avant-hier (19 mai 2011 –note ajoutée le 21 à notre post du 12). Au cours de sa détention, il a tenu une chronique sur l’univers carcéral dans le journal CQFD.


*  

Deux mots encore sur :



Léonard PELTIER l’Amérindien



peltier.jpg

 

Militant de la première heure de l’American Indian Movement, Léonard Peltier est condamné à deux fois la réclusion à perpétuité en 1975, pour le meurtre de deux agents du FBI trouvés morts dans la réserve sioux de Pine Ridge.
À son procès, le procureur a reconnu que nul ne savait qui avait tué les deux agents fédéraux.
Mais un mandat d’arrêt était lancé contre Léonard Peltier depuis le début des années 70. Pour activisme. Le coupable, c’était donc lui. Il continue à nier ces meurtres.
Comme  Mumia Abu Jamal chez les Noirs et comme, aujourd’hui, Bradley Manning chez les Blancs, Léonard Peltier lutte contre les conditions inhumaines et inhumainement humiliantes de son injuste incarcération. Il «tient» depuis 36 ans.peltier2.jpg

 

 

 

 


 

 

 

LIENS

(à lire !)

http://algoma.over-blog.com/pages/LAffaire_Leonard_Peltier-532666.html

http://itancansioux.wordpress.com/2010/11/19/leonard-peltier-devant-un-enieme-refus-de-soin/




 

LIVRES



L'échappée - Panthères Noires.jpg

 

Tom VAN EERSEL
Panthères noires
Histoire du Black Panthers Party

Paris, L’Échappée, 2003
Collection «Dans le feu de l’action».

 

 

Voir les autres publications de cet éditeur :
LogoEchappee-2.jpg

130 rue Saint Maur 75011 Paris
http://lechappee.org
lechappee@no-log.org


MUMIA MORT EN FLEURS.jpgMumia ABU JAMAL
La mort en fleurs

Préface de Julia Wright
Postface de Leonard Weinglass

Paris, Le temps des cerises, 1998





MUMIA DIRECT DERRIDA.jpg

Mumia Abu JAMAL
En direct du couloir de la mort

traduction Jim Cohen
préface de Jacques Derrida
postface de Leonard Weinglass

Paris, La Découverte, 199



MUMIA SILEN CE.gif

Mumia ABU JAMAL
Condamné au silence

préface de Danielle Mitterrand

Paris, La Découverte, 2001.


 


MUMIA Une vie.jpg

 

Mumia ABU JAMAL
Une vie dans le parti des Black Panthers
(We Want Freedom)

préface de Julia Wright

Paris, Le temps des cerises, 2011

 
peltier écrits de prison.jpg
Léonard PELTIER
Écrits de prison - Le combat d’un Indien

préface de Danielle Mitterrand

Paris, Albin Michel, 2000
Collection « Terre indienne »

Danielle Mitterrand a rendu visite à Léonard Peltier dans sa prison, et les éditions Albin Michel ont décidé de reverser l'intégralité des bénéfices réalisés par la vente du livre au Comité de défense de Leonard Peltier (LPDC), raison péremptoire s’il en fallait une d’acheter ce livre.

FANON FRANTZ PEAU NOIRE.jpg

Frantz FANON
Peau noire, masques blancs

Paris, Seuil, 1971
Collection Points essais

Mort il y a tout juste cinquante ans, psychiatre et essayiste martiniquais, militant anti-colonialiste engagé dans la guerre d’indépendance de l’Algérie, Frantz Fanon, outre un grand penseur politique, est un considérable écrivain  français. 



FANON DAMNES DE LA TERRE.jpeg

 

 

Frantz FANON
Les damnés de la terre

Paris, La Découverte, 2002 – 311 pages.




Ces deux ouvrages n’épuisent pas, et de loin, les oeuvres de Fanon.
Voir l’hommage qui lui est rendu sur le site COMAGUER pour le cinquantième anniversaire de sa mort.

FRANTZ FANON, Film.jpg

 

Frantz FANON
Peau noire, masques blancs

Film documentaire d'Isaac JULIEN (U.K.) 1996.
Acteur : Colin SALMON
Durée 1h10’
Ce film n’est pas projeté en salles.
Un DVD – au format PAL – est sorti en avril 2011.


Clairvaux instants damnés.jpg

 

Régis SCHLEICHER
Clairvaux, instants damnés

Paris, L’Éditeur, 2010 – 304 pages

Sur ce livre, voir :  Les gens de Régis Schleicher




ROUILLAN - INFINITIF.jpg



Jean-Marc ROUILLAN
Infinitif  présent

Paris, La Différence, 2010 – 311 pages.

L’oeuvre de Rouillan, outre ses contributions à CQFD, est abondante (pas moins de 11 titres sur Wikipédia). Celui-ci est le dernier paru.



Affiche ni vieux ni traitres.jpg
Ni vieux ni traîtres
Film de Pierre CARLES et Georges MINANGOY

Durée : 1h40’
Avec (entre autres) : Joëlle Aubron et Jean-Marc Rouillan.

Un  DVD, sorti en 2006, est en vente chez Pages et Images, prix : 27 €, dont 5 € sont réservés aux prisonniers politiques d’A.D. encore incarcérés.

La dernière version : Ni vieux, ni traîtres (suite et fin),
en montage, devrait sortir au 2e semestre de 2011.


Site officieux de Pierre Carles : http://www.homme-moderne.org/images/films/pcarles/

 

Catherine L.




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22:36 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

04/05/2011

Ciel, Oussama ben Laden est (re) mort !

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Ciel, Oussama Ben Laden est (re) mort !



Il y en a des qui meurent et qui ressuscitent au bout de trois jours.
Il y en a des qui préfèrent mourir trois fois. Chacun son truc.

Il fallait bien au moins cela sans doute pour distraire le bon peuple du massacre des petits-enfants Kadhafi.
Quoique...
À voir la hurlante indifférence qui a salué naguère le cramage à vif de quatre cents petits Palestiniens, on imagine difficilement que trois de plus ou de moins réussissent à compromettre la digestion des foules.
Mais-z-alors, à quoi d’autre l’héroïque flingage du barbu est-il supposé faire diversion, vont se demander les irréductibles disciples de saint Thomas ? Car il y en a, vous allez voir, qui ne vont pas y croire et vont encore se faire traiter de complotistes par les mouches du coche de la presse-kapo.

Alors que les choses pourraient être si simples.

Pour s’assurer qu’il y a bien un mort et que ce mort est bien Ben Laden, il n’y a qu’à faire comme à Knokke-Heist !

Knokke-Heist est une coquette (quand il fait beau) station du littoral belge. Dont le bourgmestre, baron Léopold Lippens (oui, frère de l’autre), excédé de voir des chiens souiller de crottes le territoire de sa commune, a décrété que tout propriétaire d’un canin de compagnie serait tenu, désormais, de faire faire un prélèvement d’ADN à son animal (coût : 100 €). Ainsi, à chaque fois que Médor aurait l’outrecuidance de se vider sur la voie publique, il suffirait à la force du même nom de ramasser l’objet du délit et de l’envoyer à un laboratoire d’analyses (100 €) pour retrouver ipso facto le coupable et frapper son maître d’une amende salée qu’on ne vous dit pas.

Évidemment, comme l’a fait remarquer très judicieusement l’humoriste Bert Kruismans, que fait-on des chiens errants et des chiens de touristes ? Encore une fois deux poids plusieurs mesures, comme avec les petits porteurs de chez Fortis, alors...  Mais ce qui est sûr, c’est que pour identifier quelqu’un, humain ou canin, coupable ou non de quelque chose, rien ne vaut l’ADN.

Il suffira donc que les autorités US désireuses, et comme on les comprend, de clore le bec aux sceptiques, déboursent une paire de centaines d’euros et tout sera dit.

Ah, c’est trop tard, il est au fond de la mer ? Dommage.

On imagine sans peine les supputations des jamais contents du genre « 9/11 was an in side job » et tout ce qu’ils vont encore inventer comme motivations tordues, et que le cadavre n’est pas celui de Ben Laden, dont tout le monde sait qu’il est mort depuis des années et que, d’ailleurs, des cadavres, ce n’est pas ce qui leur pose problème, avec tous ceux qu’ils  sèment partout, etc. etc. Que voulez-vous, on ne saurait penser à tout. Si vous croyez que c’est facile d’être président des États-Unis.

Pour apporter notre contribution à l'agitation de la bouteille à l’encre, nous nous contenterons de rappeler ici, brièvement, deux des morts les plus connues de Ben Laden.

Selon nos sources, Oussama aurait commencé à souffrir d’insuffisance rénale grave alors qu’il travaillait pour la CIA lors de la première guerre d’Afghanistan (celle contre les Soviétiques). Les autorités US l’auraient alors fait transporter et soigner dans un hôpital de Dubai.

Cela, c’était avant qu’il reprenne du service en important des moudjahidines d’Afghanistan en Yougoslavie, où le président William Clinton violait allègrement l’embargo sur les armes décrété par l’ONU, et, bon, bref, si on y faisait entrer des armes, il fallait bien aussi y faire entrer des gens pour s’en servir sinon à quoi bon ?

Sa première mort, que les mieux informés prennent pour la vraie, aurait eu lieu le 13 décembre 2001, dans son lit, des suites inéluctables de sa maladie, après qu’il eût passé la plus grande partie de cette année dans des hôpitaux américains. La nouvelle a été alors annoncée partout au Moyen-Orient. Comme, par exemple, ici, dans le journal égyptien Al -Wafd :

 

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article nécro Ben Laden - journal égyptien.jpg

 


ou encore comme ici, dans l’Observer pakistanais, le 26 décembre 2001 :

« Islamabad

Un éminent fonctionnaire du mouvement Taliban Afghan a annoncé hier la mort d'Oussama Ben Laden, le chef de l'organisation Al Qa'da, déclarant qu'il avait souffert de graves complications pulmonaires et est décédé tranquillement de mort naturelle. Le fonctionnaire, qui a demandé à garder l'anonymat, a déclaré à L'Observer du Pakistan qu'il avait lui-même assisté aux funérailles de Ben Laden et avait vu son visage avant l'inhumation à Tora Bora il y a 10 jours. Il a mentionné que 30 combattants d'Al Qa'da ont assisté à l'enterrement, ainsi que des membres de sa famille et certains amis Talibans. Dans la cérémonie d'adieu pour son dernier repos, des décharges de fusils furent tirées en l'air. Le fonctionnaire a déclaré qu'il est difficile de repérer l'emplacement de la sépulture de Ben Laden, car selon la tradition wahhabite aucune marque n'est laissée sur la tombe. Il a souligné qu'il est peu probable que les forces US aient jamais découvert la trace de Ben Laden. »

On (les têtes pensantes du Pentagone) fit passer la date de sa mort pour celle de son entrée en clandestinité « dans la zone tribale du Pakistan ».



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La deuxième mort de Ben Laden fut annoncée, qui ne s’en souvient, le 2 novembre 2007, quelques jours avant sa propre élimination, par Benazir Bhutto, au cours d’une interview accordée à David Frost, journaliste vedette d’Al Jazeera.

Elle y attribuait l’ « assassinat » d’Oussama Ben Laden à un agent de l’ISI pakistanaise du nom d’Omar Sheikh, affirmation qui suscita, alors déjà, pas mal d’incrédulité.


http://www.reopen911.info/11-septembre/declaration-de-ben...



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Quant à l’opinion des non-conspirationnistes, un dénommé Édouard Labrute l’a récemment résumée :  « pour le 9/11, c’est simple, l’autodestruction de la WTC 7 fut un suicide,  cette tour n’ayant pas supporté la disparition de ses soeurs jumelles... pour l’immersion de Ben Laden, c’est encore plus simple : il a demandé à être baptisé. »




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M. Paul Craig Roberts , ancien secrétaire d’état au Trésor de Reagan, vient, quant à lui de livrer, sur I.C.H., quelques réflexions à chaud dont nous lui laissons la paternité :



La seconde mort de Ben Laden

Paul Craig Roberts
Information Clearing House

2 mai 2011

paul craig roberts 2.jpg

Si nous étions le 1er avril et non le 2 mai, nous pourrions prendre pour un poisson d’avril les gros titres de ce matin annonçant que Ben Laden a été tué dans une fusillade au Pakistan et rapidement immergé. En l’occurence, nous devons les considérer comme une preuve de plus que le gouvernement des États-Unis a une croyance illimitée en la jobardise des Américains.

Pensez-y. Quelles sont les chances pour qu’une personne réputée atteinte d’une grave insuffisance rénale requérant des dialyses, et souffrant par-dessus le marché de diabète et d’hypotension, puisse avoir survécu pendant dix ans dans un refuge de montagne ? Si Ben Laden avait été en mesure de se procurer tout un équipement de dialyse et les soins médicaux que son état exigeait, la simple expédition du matériel de dialyse n’aurait-il pas suffi à révéler l’endroit où il se cachait ? Comment se fait-il qu’il ait fallu dix ans pour le trouver ?

Considérez aussi les affirmations répétées des médias triomphalistes, prétendant que « Ben Laden s’est servi de ses millions pour financer des camps d’entraînement terroristes au Soudan, aux Philippines et en Afghanistan, envoyant des saints guerriers fomenter des révolutions et combattre avec les forces musulmanes intégristes en Afrique du Nord, en Tchétchénie, au Tadjikistan et en Bosnie ». Voilà bien des activités avec quelques malheureux millions (peut-être les États-Unis auraient-ils dû lui confier la direction du Pentagone), mais la question principale reste : comment Ben Laden s’est-il débrouillé pour les faire circuler, ses millions ? Le gouvernement US réussit à s’emparer des avoirs de gens et de pays entiers, la Libye n’étant que le plus récent. Pourquoi pas de ceux de Ben Laden ? Ou se promenait-il avec cent millions de dollars sur lui en pièces d’or et envoyait-il ses émissaires distribuer tous azimuts les fonds destinés à ses opérations de grande envergure ?

L’annonce de ce matin pue la mise en scène. La puanteur émane des éditoriaux triomphalistes bouffis d’exagération comme des célébrants agiteurs de drapeaux qui scandent « USA-USA ». Que pourrait-il bien être en train de se passer d’autre ?

Il ne fait aucun doute que le président Obama a désespérément besoin d’une victoire. Il a commis l’erreur imbécile de relancer la guerre d’Afghanistan, et maintenant, au bout d’une décennie de combats, les États-Unis sont dans une impasse, sinon en pleine défaite. Les guerres des régimes Bush/Obama ont conduit le pays à la banqueroute, laissant d’énormes déficits et un dollar en chute libre dans leur sillage. Et le temps de la ré-élection approche.

Les mensonges et tromperies divers et variés tels que les « armes de destruction massive » des dernières administrations ont eu des conséquences terribles pour les États-Unis et pour le monde. Mais toutes les tromperies ne sont pas les mêmes. Rappelez-vous : la seule et unique raison invoquée pour envahir l’Afghanistan fut d’y traquer Ben Laden. Maintenant que le président Obama a déclaré que Ben Laden venait d’être tué de plusieurs balles dans la tête par des forces spéciales US opérant dans un pays indépendant et jeté à la mer, il n’y a plus de raison de continuer la guerre.

Peut-être la chute à pic du dollar US dans les bourses étrangères rend-elle obligatoires de réelles réductions budgétaires, qui ne peuvent se faire qu’en mettant fin à des guerres interminables. Jusqu’à ce que le déclin du dollar atteigne son point de rupture, Oussama ben Laden, que beaucoup d’experts considèrent comme mort depuis des années, a été un épouvantail bien utile pour alimenter les caisses du complexe militaro-sécuritaire US.



Traduction C. L.
pour http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be


 

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Tout cela est bien beau, mais j’espère que personne n’oublie le prochain mariage à la cour de Monaco.



Posté le 4 mai 2011 par Marie Mouillé




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LIVRES

Pour rester sérieux cinq minutes et rendre à Ben Laden son dû, un livre s’impose. Qui le lira ne perdra pas son temps.


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Comment le Djihad est arrivé en Europe
par Jürgen Elsässer,
Xenia, 2006,
collection Le chaînon manquant, 304 p.,
traduit de l’allemand par Fred Hissim




Voici un ouvrage d’investigation exemplaire. Prenant à contre-pied la clameur générale, Jürgen Elsässer a patiemment remonté la piste des kamikazes du 11 septembre. Ce qui l’a mené tout droit en Bosnie, véritable tête de pont de l’activisme islamiste en Europe et en Occident.

Avant de s’attaquer aux populations de l’Occident, les moudjahiddin ont été recrutés, formés, entraînés par les services secrets occidentaux. Sur cette collusion, la «guerre contre le terrorisme» proclamée à grand fracas par Washington au début des années 2000, a jeté un voile de ténèbres et de mutisme.

Passionnant comme un roman d’espionnage, ce livre éclaire les souterrains de la politique mondiale et fait parler le silence. De New York à Istanbul, de Berlin à Tora-Bora, il nous entraîne à la découverte du plus équivoque des réseaux. Composant, au fil de son récit, le tableau d’une guerre occulte où les distinctions communes — Occident/Islam, amis/ennemis, terrorisme/pacification — perdent leur sens. (4ème de couverture)



Préface de Jean-Pierre Chevènement :

La traduction française du livre de Jürgen Elsässer Comment le Djihad est arrivé en Europe constitue une mine de révélations pour quiconque cherche à comprendre les enjeux géostratégiques mondiaux.

Que les services spéciaux américains aient prêté la main subrepticement dès 1992 - en violation de l'embargo sur les armes -, puis officiellement à partir de 1994, à l'armement des milices islamistes de Bosnie est un fait bien connu. De même les liens tissés avec Oussama Ben Laden et son organisation en Afghanistan dès les années quatre-vingt mais maintenus longtemps après.

Ce que montre, en revanche, avec un grand luxe de détails Jürgen Elsässer, c'est le véritable chaudron du terrorisme islamiste qu'ont constitué les guerres yougoslaves tout au long des années quatre-vingt-dix. Les attentats du 11 septembre 2001 à New-York, de Madrid le 11 mars 2003, et du 7 juillet 2005 à Londres font tous émerger des personnages qui, à des titres divers, ont été des vétérans des guerres de Bosnie. Il semble qu'il s'agisse là de connexions si gênantes qu'il faille absolument les taire ou les dissimuler. Certes il faut éviter la vision "bosno-centrée" bien que quelques éclairages a posteriori sur la division SS Hanjar, les "exploits" des djihadistes et les fréquentations douteuses d'Izetbegovic mériteraient à coup sûr d'ébranler la bonne conscience de l'opinion occidentale, tellement manipulée par les Bernard Henri Lévy et consorts : c'est ainsi qu'on voit apparaître El Zawahiri, considéré comme l'actuel numéro deux d'Al Quaïda, dans l'approvisionnement en armes des milices islamistes bosniaques au milieu des années quatre-vingt-dix.

Pourquoi ce soutien apparemment aveugle de la politique américaine, à travers services spéciaux et entreprises mercenaires, à la création d'un Etat musulman au cœur de l'ancienne Yougoslavie ?

Les Etats-Unis étaient-ils poussés par le noble idéal de l'autodétermination des peuples ? Ou bien poursuivaient-ils un but plus obscur dont le monde musulman, en définitive, aurait été le jouet ? Car ce qui intéresse l'Administration américaine c'est quand même avant tout le contrôle des gisements de pétrole et des voies d'acheminement de celui-ci par la voie maritime ou par oléoducs (en Afghanistan et dans le Caucase notamment).

Zbignew Brezinski, ancien conseiller de Jimmy Carter pour les affaires extérieures, a éclairé d'une lumière crue dans un maître livre paru en 1998, Le grand échiquier, les enjeux centraux de la diplomatie américaine : contrôler l'Eurasie et les régions pétrolifères du Golfe et de la Caspienne, réduire l'influence de la Russie et asseoir la domination des Etats-Unis sur le monde musulman. La mise en œuvre ultérieure de ce grand dessein par les néoconservateurs laisse sans doute quelque peu à désirer … La " grande guerre déclarée au terrorisme " rompt-elle vraiment avec la volonté d'instrumenter le monde musulman à travers le soutien des milices fondamentalistes en Afghanistan, dans l'ex-Yougoslavie, voire dans le Caucase ? Elle exacerbe les contradictions qui s'y manifestent et l'entraîne tout entier dans une régression sans précédent.

Le livre de Jürgen Elsässer est fort instructif sur le rôle des services spéciaux dans la manipulation des conflits (et des opinions publiques droguées aux idéologies identitaires). Il est vrai que les services se prennent souvent les pieds dans leurs propres intrigues. Dans la société hypermédiatique où nous vivons, leurs manigances finissent toujours par être éventées. C'est l'un des grands mérites du livre de Jürgen Elsässer de nous faire voir par leur petit côté (mais les trous de serrure ne font-ils pas découvrir bien des choses ?) les projets mégalomaniaques ourdis par les " maîtres de l'heure " (qui cesseront souvent de l'être dans l'heure qui suit).

Même si Jürgen Elsässer nous étourdit parfois sous la multiplicité de ses sources et l'abondance de ses références, rendons hommage à son érudition : son livre contribuera utilement à un sain pluralisme et à l'éclosion de vérités pas toujours bonnes à dire. Saluons son immense travail et la contribution salubre que son livre apporte à un débat démocratique débarrassé des a priori trompeurs qui obscurcissent la compréhension des enjeux et retardent l'heure d'une paix juste dans les Balkans et ailleurs. Je souhaite que ce livre fasse réfléchir au-delà des passions souvent instrumentées à des fins pas toujours avouables. Je ne doute pas qu'il sera utile au retour de relations pacifiées entre les États-Unis, l'Europe et le monde musulman.




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10:48 Écrit par Theroigne dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook |