07/08/2017

EN DIRECT DU BAC À SABLE SOUS LSD

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En direct du bac à sable sous LSD

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Ceci est le premier de (sans doute) plusieurs posts, car l’inventivité des cinglés est sans bornes, et nombreux sont ceux qui observent ses progrès avec ce qui ressemble de plus en plus à de la terreur.

 

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Les « sanctions » russes et la répression qui vient pour les Américains

Daniel McAdamsThe Ron Paul Institute 3 août 2017

 

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La semaine dernière, j’ai écrit un article et accordé une interview pour expliquer que, d’après la lecture que j’en fais, dans le nouveau projet de loi sur les sanctions contre la Russie qui vient d’être signé par le président Trump, il se trouve une mesure qui ouvre la porte à la répression sévère de certains médias alternatifs, par le gouvernement américain. L’article 221 de la « Loi sur les sanctions à adopter pour lutter contre les ennemis de l’Amérique » permet en particulier de punir les « personnes » qui « entre(rai)ent en contact avec des secteurs du renseignement ou de la défense du gouvernement de la Fédération de Russie ».

À première vue, on peut penser que c'est moi qui vois dans ce texte des choses qui n’y sont pas, mais depuis douze ans que je scrute les lois votées par le Capitole (Congrès),  je puis vous assurer que ces lois ne sont jamais rédigées de façon claire et indiscutable. Il y a toujours quelque chose à lire entre les lignes, et, dans ce cas-ci, il nous faut prendre en considération toutes les fois où le directeur  de la CIA et d’autres hauts fonctionnaires de la communauté du renseignement US ont essayé de faire croire que les chaînes d’information étrangères comme RT ou Sputnik News ne sont pas protégées par le Premier Amendement sur la liberté de la presse, parce qu’elles ne sont que des outils de propagande au service de services secrets étrangers.

On se rend compte, avec l’atmosphère qui règne aujourd’hui et l’hystérie anti-russe qui s’est répandue comme une épidémie de typhoïde, à quel point ce genre de notion serait facilement gobée par le plus grand nombre des Américains. Au secours ! Les Rouges grouillent sous nos lits et les Russkies ont fait main basse sur nos stations de radio !

Je ne crois pas que la répression ne s’en prendra qu’aux organes de presse financés par le gouvernement russe comme RT et Sputnik. Une fois qu’on en aura fini avec les fruits qui pendent aux branches les plus basses, on voudra cueillir les autres et la deuxième vague de la répression s’attaquera aux organisations qui osent s’intéresser à ce que fait la Russie, qui ne sont pas financées par des gouvernements mais qui contestent la ligne officielle du gouvernement US pour qui la Russie est notre ennemi numéro un, et qu’il faut renverser le gouvernement russe. Des sites alternatifs privés à grande audience comme The Duran et Russia Insider ont beaucoup de chances d’être les prochains sur la liste des traîtres à abattre, c’est-à-dire à traîner devant les tribunaux.

Trop tiré par les cheveux à votre avis ? Considérez les choses de la manière suivante (je peux vous assurer que c’est ce que font les néocons) : si le gouvernement russe et RT sont opposés aux sanctions et si vous vous exprimez via un site Web qui est lui aussi opposé aux sanctions contre la Russie, est-ce que vous ne faites pas le jeu des services secrets russes ? Est-ce que vous ne cherchez pas à influencer vos lecteurs de la manière qu’ils souhaitent ? N’êtes-vous pas « en contact » avec eux, même si ce n’est que de loin, via les ondes d’une radio ?

Et après cette deuxième vague, vous pouvez être sûrs qu’une autre poussée répressive suivra, contre d’autres médias alternatifs qui n’ont rien à voir nonj plus avec la Russie, mais qui s’opposent à la politique étrangère interventionniste US : ZeroHedge, Lew Rockwell, Ron Paul Institute, ConsortiumNews, etc.

C’est dingue d’après vous ? N’oubliez pas ceci : cette guerre contre nous a commencé dès l’année dernière, exactement quand le Washington Post a consacré sa « une » à un article accusant tous les sites que je viens de nommer d’être des « agents russes ».

 

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« Russian propaganda effort helped spread ‘fake news’ during election, experts say »

 

Et après ceux-là, qui d'autre ? Allez-vous aux nouvelles sur certains de ces sites alternatifs ? Transférez-vous autour de vous des articles qui s’opposent à la politique US de « sanctions » contre la Russie ? Vous « entrez en contact ». Vous serez soumis aux peines prévues par la « Loi sur les sanctions à adopter pour lutter contre les ennemis de l’Amérique », qui a désormais force de loi.

Vous pourriez dire que ça ne tient pas debout.  Que le gouvernement ne va jamais s’amuser à dresser des listes de suspects et à persécuter des organes d’information privés juste parce qu’ils ne respectent pas les prescriptions des néocons de Washington !

Peut-être pas encore. Mais c’est pourtant ce que sont en train de faire des organisations « non gouvernementales » subventionnées par le gouvernement.

Le Plan Marshall allemand d’aujourd’hui a beaucoup moins à voir avec l’Allemagne qu’il ne l’avait lorsqu’il a été fondé après la Deuxième Guerre mondiale. À l’heure actuelle, il est financé principalement par le gouvernement des États-Unis et ceux d’états alliés (pays baltes russophobes surtout), par des fondations néoconservatrices dont c’est la raison d’être, et par le complexe militaro-industriel. Grâce à son programme à la consonance bizarrement soviétique, « Alliance pour la protection de la démocratie », ce Plan a lancé un projet qui s’appelle « Hamilton 68: un nouvel outil pour traquer la désinformation russe sur Twitter ».

 

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Illustration du projet sur le site web « Hamilton 68 » (admirons le néo-soviétique à casquette en train de lancer ses tweets rouges sur le monde libre apeuré...)

 

Ce projet contrôle 600 comptes Twitter dont le Plan Marshall allemand prétend qu’ils sont des « comptes qui travaillent à promouvoir l’influence de la Russie et qui poursuivent ses objectifs de désinformation ». Quels comptes contrôle-t-il ? Il ne veut pas nous le dire. Comment choisit-il ceux qu’il entend surveiller ? Il ne veut pas nous le dire. Dans quel but ? Eh bien, c’est ça qui fait le plus peur : il ne veut pas nous le dire non plus.

N’est-il pas ironique qu’un machin appelé Plan Marshall Allemand se serve des tactiques de la Stasi pour réduire au silence aux États-Unis les médias alternatifs et les opinions non conformes ?

Donc, que fait au juste le projet « Hamilton 68 » ? Selon ses propres termes et en premier lieu, il « affiche les tweets des sites officiels de la propagande russe en anglais, avec un court article sur les thèmes de la journée», en précisant « “Ceci est la messagerie apparente de la Russie” ».

Mais ça va plus loin que ça. Car il dépiste et engrange des informations sur d’autres gens ou sites qui n’ont aucun lien avec la Russie, mais qui, « de leur propre initiative, répètent fidèlement et amplifient les thèmes russes ». C’est ce que le Plan Marshall Allemand appelle «le deuxième échelon du réseau des propagateurs de désinformation».

Que fait ce « réseau » de personnes qui n’ont pas de lien avec la Russie mais qui amplifient les « thèmes » russes ?

Il « reflète les priorités de la messagerie russe, mais ça ne veut pas dire que chaque nom ou lien affiché par le tableau de bord soit pro-russe. Le réseau propage parfois des histoires que la Russie aime bien ou relaie des gens qui partagent les vues de la Russie sans lui être formellement rattachés ».

Ainsi, d’après l’alliance soi-disant créée pour protéger la démocratie, vous ne savez sans doute pas vous-mêmes en la faisant que vous faites la propagande de l’État russe !

Est-ce que vous voyez ce qu’ils sont en train de faire ? Ils sont en train de se servir de l’argent du gouvernement US (et d’autres) pour éliminer tout organe d’information ou individu qui ose dévier de la ligne politique officielle des néocons sur la Russie, la Syrie, l’Ukraine, etc. Ils sont partis pour éliminer toute espèce d’information qui conteste les lubies des néocons. En la criminalisant.

En fait, ils admettent qu’ils veulent bâillonner toute opinion qui n'est pas la leur :

 « Notre objectif en fournissant ce tableau de bord est d’aider les gens ordinaires, les journalistes et d’autres analystes à identifier les thèmes des messages russes et à détecter la désinformation active et les campagnes offensives dès qu’elles apparaissent. En les démasquant, nous aiderons les consommateurs d’informations à mieux y résister et réduirons ainsi l’efficacité des efforts que font les Russes pour influencer la manière de penser des Américains. En les rendant moins efficaces, nous découragerons ces activités pour l’avenir. »

La description du projet à consonance si soviétique « Alliance pour la protection de la démocratie », se termine sur un avertissement d’un autoritarisme tout à fait approprié, en provenance directe de 1984, du Zéro et l’Infini ou du guide pratique d’Erich Honecker :

 « Nous ne vous disons pas ce que vous devez penser, mais nous pensons que quand quelqu’un essaie de vous manipuler, vous devriez le savoir. Ce que vous faites de cette information est votre problème. »

On en a froid dans le dos ! Et tout ça est fait avec votre argent, par votre gouvernement, et en votre nom.

Par conséquent, rien ne ferait plus plaisir aux néocons et à leurs myriades de think-tanks (la plupart du temps financés par le gouvernement) que d’empêcher la tenue de notre Conférence 2017 pour la paix et la prospérité, qui se tiendra sur le pas de leur porte ! Ils ne peuvent pas supporter un débat ouvert sur la politique étrangère hyper-interventionniste de Washington. Ils ne veulent pas entendre parler de toutes leurs guerres perdues – et ils ne veulent surtout pas entendre parler des guerres qu’ils ont encore l’intention de déclencher.

Ce n’est pas nous qui sommes les anti-Américains. Ce sont eux les Anti-Américains. Ils haïssent le Premier Amendement. Ils haïssent tout débat. Ils nous haïssent.

Comment pouvons-nous rendre les coups ? Un moyen très simple est de leur montrer que notre Conférence fait salle pleine ! Rien qu’en y venant, vous flanquerez votre poing dans l’œil d’un néocon !

Pouvez-vous imaginer leur fureur quand la Conférence pour la paix et la prospérité de l‘an dernier a été diffusée sur C-SPAN ?

Grâce aux efforts de notre très généreux Comité Organisateur, nous avons pu maintenir le prix du billet aussi bas que possible. Nous voulons vous y voir tous ! Vous aurez droit à une journée pleine de conférenciers fantastiques et lucides, à la possibilité d’entrer en contact et de comploter avec des personnes qui partageant vos opinions, et vous aurez aussi un excellent déjeuner, avec du café et de thé à volonté par-dessus le marché ! Nous avons également réussi à obtenir de l’hôtel  un prix très avantageux pour vous aider à économiser vos sous !

 

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Et vous rendrez les néocons fous de rage ! Qu’est-ce que vous attendez ! Réservez votre billet dès aujourd’hui !

 

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Source : http ://ronpaulinstitute.org/archives/featured-artic...

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

 

N.B. À notre avis, « Alliance pour la protection de la démocratie » n’a rien de soviétique ! Les soviets n’ont jamais prétendu protéger la démocratie hors de chez eux, ni peut-être même chez eux. Cette R2P est au contraire typiquement US. C’est le mot « Alliance » sans doute, qui a éveillé des souvenirs dans l’esprit de MacAddams.

 

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It’s ingrained, stupid !

 

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Mais il n’y a pas qu’aux USA qu’on voit venir le résultat inéluctable de la folie…

 

Enfumages

Que faire ou ne pas faire?

Eric Werner – ANTIPRESSE 6 août 2017

 

Quand une ancienne démocratie en vient à ressembler de plus en plus à une dictature (en fait, à en devenir une authentique, même si ce n’est pas encore officiel), forcément une question se pose: quelle forme peut encore prendre l’opposition ? Que faire ou ne pas faire? Car, en tout état de cause, on ne peut plus exactement faire les mêmes choses qu’auparavant.

Prenons une démocratie idéale, démocratie, bien sûr, qui n’existe pas ni n’a jamais existé. Mais on peut s’en rapprocher plus ou moins. Dans un tel système, le Parlement apparaît comme le lieu normal où les opposants, ceux en désaccord avec la ligne du pouvoir, peuvent exprimer leur dissentiment. La participation aux élections, en l’occurrence, prend donc sens. Cela a du sens de «faire de la politique», autrement dit de militer dans un parti donné et de se présenter aux élections. On accepte également de passer du temps à lire les journaux, car la presse est libre, et donc les journaux offrent une certaine diversité d’éclairages et de points de vue. Ils nourrissent donc le débat public. Pour la même raison, ils fournissent une information qu’on peut, en règle générale, considérer comme fiable. Là comme ailleurs, le politiquement correct existe, fait sentir sa présence, mais il est tempéré par une culture de la tolérance, qui fait que chacun, au bout du compte, a peu ou prou droit à la parole. Personne n’est ostracisé. Tout le monde parle avec tout le monde.

Enfin, lors des élections, chaque voix en vaut une autre. Personne ne reproche au mode de scrutin existant d’avoir été inventé pour verrouiller le système au profit d’une oligarchie auto-cooptée.

Il en va différemment dans une dictature. On peut évidemment tout faire dans une dictature. On peut par exemple créer un parti anti-dictatorial, en appeler à une manifestation publique non autorisée, écrire aux autorités pour protester contre l’information à sens unique à la radio et à la télévision, critiquer l’idéologie officielle, la tourner en dérision, etc. Tout cela est possible. Il n’y a pas en soi de limites. Sauf que, ce faisant, on s’expose à des risques souvent importants. Les gardes mobiles n’y vont pas, par exemple, par quatre chemins quand ils reçoivent l’ordre de disperser une manifestation. Il y a des blessés, parfois même des morts. Vous pouvez également écrire ce que vous voulez sur tout. Mais si ce que vous dites s’écarte tant soit peu des dogmes officiels, même si ce que vous dites est conforme à la réalité et à ce que vivent concrètement les gens au quotidien, vous n’échapperez pas à des poursuites pénales, avec à la clé des condamnations pour l’exemple. Les interdictions professionnelles n’ont pas non plus été inventées pour rien. Tels sont les risques.

Certains sont assez stoïques pour les assumer. Ils disent aussi: c’est le prix à payer. Mais on peut aussi se demander: cela prend-il sens?

 

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Rainer Röhl, époux d’Ulrike Meinhof, fondateur du Mouvement Extra-Parlementaire

 

A une certaine époque (années 60 et 70 du siècle dernier), la gauche avait inventé un concept stimulant: celui d’opposition extraparlementaire. Étant donné, disait-elle, qu’il est devenu impossible d’exprimer son désaccord au Parlement (l’accès en étant verrouillé au profit des partis installés), il ne reste d’autre choix que de l’exprimer à l’extérieur du Parlement (dans l’espace public au sens large: médias, associations, etc.). Cette idée avait du sens. Sauf qu’elle n’a de sens que si le droit à la liberté d’opinion et d’expression reste garanti. Dans le cas contraire elle perd évidemment tout sens. Le concept d’opposition extraparlementaire ne vaut que si, à défaut de pouvoir s’exprimer au Parlement, le désaccord peut au moins s’exprimer en dehors du Parlement. Si cela même n’est plus possible, il perd toute validité. Aujourd’hui, comme on le constate, ce concept est tombé en désuétude.

Lorsque le politiquement correct ne se limite plus à n’être qu’une simple norme sociale, un «Sésame ouvre-toi» pour faire carrière, toucher une prébende, occuper des fonctions universitaires, etc., mais se décline en textes de loi fixant dans le marbre ce qu’on a le droit ou non de dire et d’écrire, parfois même de penser; lorsque, autrement dit, le politiquement correct se judiciarise [1] (ce que le système considère comme illégitime devenant par là même illégal), chacun se rend bien compte qu’un certain seuil est franchi. On distinguera ainsi entre deux étapes dans la transition menant de la démocratie à la dictature: l’étiolement progressif du débat public et/ou sa confiscation par les adeptes de l’idéologie officielle, d’une part, l’abolition du droit à la liberté d’opinion et d’expression de l’autre. Le premier est un pas déjà en direction de la dictature, mais il n’est pas en soi déjà la dictature. La seconde, en revanche, oui: elle l’est.

Je ne discute pas ici des fins mais des moyens. Il est tout à fait louable de s’opposer à un pouvoir dictatorial. Allons même plus loin: c’est un impératif moral. Mais on ne recourt pas aux mêmes moyens pour combattre un pouvoir dictatorial et un pouvoir non-dictatorial. Encore une fois on le peut. Certains le font. Mais cela a-t-il un sens? Je ne suis pas en train de dire qu’il faut se retirer sur la rive du fleuve. Ce serait une option possible, mais ce n’est pas la mienne. Ce que je suis en train de dire, c’est que le souci de soi et de sa propre sécurité est ou devrait être un critère important dans le choix que l’on fait des moyens auxquels on recourt (ou ne recourt pas) pour s’opposer au pouvoir dictatorial. Le sacrifice de soi doit être réservé à certaines situations rares, à vrai dire exceptionnelles: là, oui, cela a du sens de s’offrir soi-même en sacrifice. Mais en temps normal, non.

En temps normal, le souci de soi et de sa propre sécurité reste prioritaire. Et donc on doit se tourner vers des moyens alternatifs. Car, bien sûr, ils existent.

______________   

NOTE

  1. Je reprends ici une expression de Mathieu Bock-Côté dans un entretien au Figaro (31 juillet 2017, p. 15).

 

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La question qui se pose aujourd’hui (« comment s’en débarrasser ? ») n’est pas nouvelle…

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Cette occasion est aussi bonne qu’une autre pour vous parler d’un auteur (et non d’une auteure !!!!!!!!!!!!!!!!!) scandaleusement snobé par l’édition française, non pas celle des petits éditeurs sans moyens suffisants mais par la grosse cavalerie de plus en plus identifiable au reste des merdias, qui prive volontairement le public de deux douzaines de best-sellers ab-so-lu-ment cer-tains. Trop intelligents peut-être… Font penser… Dangereux… À contre-courant des déséducations nationales européennes… au choix.

Nous ne vous parlerons aujourd’hui que d’un seul de ses livres, véritable miroir antérieur de la situation actuelle.

Mais, d’abord, deux mots sur l’auteur :

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Lindsey Davis, née à Birmingham le 21 août 1949 (tiens, c’est bientôt son anniversaire) est une romancière anglaise qui a étudié la littérature à Oxford avant de faire une carrière de fonctionnaire, qu’elle a un jour abandonnée pour se mettre à « écrire à temps plein ».

À la voir, Lindsey Davis a, et ce n’est pas récent, l’allure d’une ménagère anglaise de plus de cinquante ans, avec ses bouclettes sans chichis, sa poitrine qui tombe et ses décolletés en V trop courts, mais il ne faut pas s’y tromper : derrière cette apparence, il y a un humour ravageur, des connaissances historiques à l’épreuve des balles et surtout un art du récit de tout premier ordre. Rien que chez les consoeurs/frères du polar, Ellis Peters et Donna Leon ne lui ont pas ménagé les éloges et Peter Lovesey a dit d’elle qu’elle ne pourrait pas écrire une phrase ennuyeuse, même si elle essayait.

Elle est surtout connue dans le monde anglo-saxon (et ailleurs que dans la francophonie bêcheuse) pour sa série de romans policiers consacrés à un private eye de la Rome antique, Marcus Didius Falco (20 titres), puis à Flavia Alba, fille adoptive d’icelui, qui reprend le flambeau quand arrive le temps des rhumatismes (5 titres à ce jour).

Comme sa consoeur Donna Léon le fait pour la Venise actuelle, chacune des enquêtes de son détective aborde un aspect particulier de la société de son temps : comment fonctionnaient les Rothschild d’alors ? Ode to a Banker ; quelles étaient les relations entre les esclaves et leurs maîtres ? Enemies at Home, etc. etc.

Et ce qui caractérise aussi les livres de Lindsey Davis, c’est qu’ils ne se contentent pas de dérouler une intrigue policière plus ou moins bien ficelée : quel que soit leur genre – policier ou historique –, ils chargent tous d’une vie intense l’existence intérieure et extérieure du moindre personnage, quelle quel soit sa place dans la société.

« Policier ou historique » : cette dame en effet n’écrit pas que des polars, puisqu’elle avait commencé sa carrière par un énorme roman – une brique de 742 pages grand format, petits caractères – sur la guerre civile qui a ravagé l’Angleterre au XVIIe siècle. Rebels and Traitors s’ouvre sur l’exécution de Charles Ier, et l’on y apprend en moins de trois pages, que ce célèbre décapité fut, hélas pour lui, un mélange de Louis XV et de Louis XVI, et sa reine Henriette, venue de Paris, un portrait anticipé assez criant de Marie Antoinette. Un autre de ses romans historiques  est The Course of Honour (le fameux cursus honorum des Romains) qu’elle a consacré à la vie de l’empereur Vespasien.

Master and God, histoire du règne et de la folie de l’empereur Domitien, sous-titré « une épopée de la tyrannie à Rome » est bien sûr celui qui nous intéresse aujourd’hui, par sa profonde ressemblance avec les temps que nous vivons. Certes, la folie, ici, est celle d’un seul homme, pas celle d’une faction… les temps changent. En pire.

 

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Lindsey DAVIS

Master and God

Londres, Hodder & Stoughton, 2012

490 pages

 

C'est l'histoire de Titus Flavius Domitianus, fils de l’empereur Vespasien et frère cadet de l’empereur Titus, devenu empereur lui-même à 30 ans et assassiné à 45 par des fonctionnaires de son palais, aucun militaire n’ayant mis les mains à ce coup d’État.

 

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Le Domitien de Vaison-la-Romaine

 

Imperator Caesar Domitianus Augustus Germanicus

« Germanicus », à cause de quelques victoires allemandes et « Augustus » parce qu’il s’est proclamé lui-même, de son vivant, Dominus et Deus (maître et dieu). Avant lui, d’Octave à son frère Titus, ils s’étaient tous laissé modestement déifier après leur mort.

C’est que Domitien était fou, ou le devint.

Pour nous faire suivre son parcours, Mme Davis se sert, comme souvent, de personnages apparemment secondaires. Ici : une coiffeuse et un pompier, qui vivent une de ces histoires d’amour au long cours parsemées d’obstacles divers à l’instar de celles qu’affectionna tant le XIXe siècle. Contrairement à celles du XIXe, les siennes finissent toujours bien (comme M. Salah Guemriche, elle veut y croire). Ses amoureux, assagis et fourbus, entament leur âge mûr à l’abri des tempêtes, souvent grâce à un héritage inattendu. Tu Gaïus, ego Gaïa, etc.

Pourquoi une coiffeuse ? On le comprend quand on connaît un peu la mode féminine sous les Flaviens.

 

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Julia Flavia, fille de Titus, dite « Julia Titi Filia ».

 

Ce n’est pas encore Marie-Antoinette et sa flotte perruquo-portée, mais on n’en est pas loin.

Et pourquoi un pompier ? Parce que les pompiers étaient aussi des vigiles, sortes de gardiens de la paix. Souvent des esclaves, car le métier était tuant, mais parfois, comme ici, un légionnaire blessé en Bretagne reconverti, que l'empereur fera prétorien sans lui demander son avis.

La coiffeuse coiffera les princesses et le prétorien frankensteinisé par la lance bretonne (sans parler de quatre ans de captivité chez les Daces), protégera l’empereur en qualité de « protégé ».

D’où rencontres fréquentes – et dangereuses – en milieu miné.

On ne vous racontera pas la vie de l’empereur Domitien et on ne vous donnera pas ici d’extrait : l’écriture de Lindsey Davis est remarquable et aussi difficile à traduire, dans sa simplicité, que celle d'Andrea Camilleri. Pour d’autres raisons.

Son livre compte quelques pages inoubliables. Comme, par exemple, quand Gaïus (le prétorien) et son vieux centurion de chef, inquiets de voir la tournure que prend le comportement de leur maître et dieu, décident de consulter un morticole.

Le vieux centurion - Gracilis – fait les choses dans les règles : il demande la permission à son propre chef. Faites ce que vous voulez, mon vieux, mais si ça tourne mal, grattez vous-même la merde sur votre bouclier. Ils jettent leur dévolu sur un spécialiste des gladiateurs, une sorte de chirurgien-psychiatre, chargé de leur moral avant et de leurs blessures après, lorsqu’ils survivent. Thémison de Milet, personnage historique (mentionné par Juvénal).

Voir arriver deux prétoriens en armure dans son cabinet de consultation suffirait à faire mourir de peur un homme un peu impressionnable. Thémison n’en mène pas large. Ils prétendent d’abord venir pour eux-mêmes. « J’aurais peut-être réussi à sauver votre œil et je vous aurais recousu mieux que ça. Mais le mal est fait. Trop tard. Pommade, deux fois par jour. » Comme ils ne s’en vont pas, il comprend avec une terreur croissante (tout le monde vit plus ou moins dans la terreur), qu’il y a autre chose. « Ce n’est pas pour nous, c’est pour un ami. » Ah, se dit Themison : maladie sexuelle inavouable ou hémorroïdes ! Eh non. D’abord ils veulent savoir si, à son avis de professionnel, Titus est décédé de mort naturelle ou si on l’a aidé. Ouh laaa…. D’après ce qu’il en sait, la manière dont on soignait couramment ce qu’il a eu suffisait amplement à l’expédier, rien que de l’ordinaire.

Finalement, ils en viennent au fait. Voilà, leur ami a un comportement étrange. « Il fait quoi ? ». Ceci, ceci et cela. Questions du praticien. Réponses. Consultation psychiatrique indirecte avec les moyens d’avant Herr Sigmund. Conclusion du toubib : il est fou. Paranoïa. Du grec para, « à côté de » et noos, « l’esprit». « Vous comprenez le grec ? ». « Assez pour être xénophobes. Et en latin ? » En latin, il n’y a rien à faire. Et de leur expliquer que nous portons tous les germes de la maladie en nous, que nous les contrôlons pour la plupart mais que certains passent de l’autre côté du contrôle, que les paranoïaques sont souvent gentils, intelligents et capables de fonctionner parfaitement, à ceci près qu’ils se voient des ennemis partout, savent qu’on veut leur mort et passent leur vie à soupçonner tout le monde. Ceux des mieux intentionnés qui tentent de les aider en leur parlant raison réussissent tout juste à devenir ennemis à abattre en priorité, demandez à Vladimir Poutine.

« Ce n’est donc pas la peine d’essayer ? ». « Il n’y a rien à faire. Mais rassurez-vous, la maladie n’est pas fatale ». « C’est ce que vous croyez », laisse échapper Gracilis. « C’est presque un dieu. La moitié des connards assis dans les étoiles sont des membres de sa famille ! » Thémison comprend de qui on vient de lui parler, crève derechef de peur, fait pipi sous lui, tombe à genoux, demande ce qu’il a fait pour qu’on vienne le tuer. Est-ce son rival Pharoun de Naxos qui l’a calomnié ? Mais qu'est-ce que j'ai donc fait pour déplaire à l'empereur ?

Comprenant qu’ils n’en tireront plus rien, ils le relèvent gentiment, le rassoient dans son fauteuil, lui déposent son plateau-repas sur les genoux, essuient la sueur de son front avec sa serviette, disent au revoir et s’en vont.

Dehors, ils ont l’impression d’être restés un peu trop longtemps en apnée. Ils reprennent leur souffle. On aura au moins essayé. D’ailleurs nous portons tous les germes en nous, comme c’est rassurant. « Et quel espoir y a-t-il pour n'importe qui, si même le docteur est paranoïaque ? »

Page d’anthologie.

Il y en a d’autres. Et la folie monte. Dans l’indifférence populaire : aussi longtemps qu’il a du pain et des jeux, le peuple se fout du reste du monde. Et Domitien y pourvoit : le grain et l’huile arrivent, au prix de l’écrasement de peuples entiers. Les animaux sauvages viennent mourir par milliers dans l’arène (lors de l'inauguration du Colisée par Titus, 9000 bêtes avaient été massacrées et sans doute autant d’humains). Ce n’est pas lui, le peuple, qu’on vient réveiller au petit jour pour l’accuser d’athéisme, de philosophie, d’astrologie, d’adultère ou d’inceste. N’importe quoi, tout est bon. Il est même dangereux d’être mathématicien !

L’empereur accuse la doyenne des Vestales d’avoir eu des amants et, donc, mis en péril la sécurité de Rome, qui dépend de sa virginité. Il désigne ses complices. Trois hommes dont, justement, il tient à se débarrasser car ils veulent le tuer. Ils commencent par nier farouchement. Puis un des trois se laisse persuader d’avouer, sauvant ainsi sa tête et l’essentiel de ses biens. Les autres mourront dans des souffrances atroces en hurlant leur innocence. Elle sera enterrée vive (c’est le tarif dans la profession). L’exécution de la Vestale : autre page d’anthologie.

On ne vous parle pas des mouches : il y en a trois, qui, chacune à la manière d’un chœur de tragédie quoique sans rien dire, ponctuent des moments-clés de cette belle et terrible histoire.

Arrive ce qui devait arriver : l’entourage, incapable désormais d’esquiver ou d’endiguer le torrent des violences et des cruautés, décide qu’il n’y a plus qu’une chose à faire : en supprimer l’origine. Les plus proches s'y emploient, la mort dans l’âme, avec l’assentiment implicite de l’impératrice, pourtant attachée à son mari mais qui n’en peut plus. Comme tuer n’est pas leur métier, l’exécution tourne à la boucherie : l’empereur et son assassin s’entretuent. On dispose des corps. On élève un empereur temporaire trop vieux pour poser problème, le Congrès, pardon, le Sénat sort de dessous les tables. Mais les légions voudront des têtes et le principal organisateur du « coup » leur sera livré. On lui coupera les couilles, on les lui mettra dans la bouche et on l’étranglera lentement. Mœurs d’empire.

Tout ceci pour dire qu’à notre avis, la réponse à la question que pose Eric Werner est claire : Delenda. N’importe comment.

 

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En 2012, Lindsey Davis a été invitée à donner une conférence à la Getty Villa, qui ne se trouve pas à Rome mais à Malibu, Californie. À cette occasion, elle a accordé une interview, où elle a parlé de son art à Annelisa Stephan : http://blogs.getty.edu/iris/lindsey-davis-on-writing-the-...

 

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Le premier des divinisés : Octave Auguste, certes après le divin Jules.

Vous rappelez-vous le jeune Douglas Watson face à Marlon Brando-Marc Antoine ? À notre avis, il ne ressemblait pas assez à Vladimir Vladimirovitch…

 

 

 

 

Mis en ligne le 7 août 2017.

 

 

 

 

 

 

 

17:03 Écrit par Theroigne dans Actualité, Général, Loisirs, Web | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

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